Synthèse : Selon le rapport 2016 de
la Confédération Syndicale Internationale (CSI), les
droits des travailleurs se sont affaiblis dans toutes les régions
du monde cette année. Et si les pays de sourcing en Asie sont
particulièrement représentés en bas de classement
de l'indice CSI, ceux du Moyen-Orient et d'Europe de l'Est présentent
des situations très préoccupantes... Un contexte général
qui amplifie le risque RSE pour les supply chains internationales.
L'indice
CSI classe les pays sur une échelle de 1 à 5+, selon
que les violations des droits des travailleurs y sont sporadiques
ou structurelles (voir carte ci-contre).
Par rapport à 2015, l'indice CSI enregistre une aggravation
des conditions dans 18 pays sur 141 : c'est notamment le cas de l'Indonésie,
déjà répertoriée parmi les pires pays
pour les travailleurs et régulièrement montrée
du doigt par l'OIT.
Si l'on écarte du panel principal les pays en crise (guerre,
insurrection, terrorisme,...) où l'absence d'Etat de droit
justifie à lui seul la note de 5+, le fond du classement (indice
5) est évidemment constitué d'un grand nombre de pays
en développement dont l'économie est fortement basée
sur une main d'uvre à bas coût : en Asie (Bangladesh,
Cambodge, Chine,
Inde, Pakistan,...),
en Afrique subsaharienne (Swaziland, Zambie et Zimbabwe), ainsi qu'au
centre et au sud du continent américain (Colombie et Guatemala).
Mais ce qui saute aux yeux dans ce "Best Of" des pires endroits
au monde pour les travailleurs, c'est le nombre de pays d'Afrique
du Nord et du Moyen-Orient qui y figurent : Algérie, Arabie-Saoudite,
Egypte, Emirats Arabes Unis (EAU) et Qatar partagent également
la plus mauvaise note... avec la Turquie
!
On remarquera par ailleurs que les pays occidentaux, bien que faisant
plutôt partie du haut du tableau, bénéficient
de notes disparates : France et Allemagne (1), Canada (2), Royaume-Uni
et Espagne(3), États-Unis (4) !
Le rapport de CSI souligne d'ailleurs une tendance récente
à un recul des droits des travailleurs en Europe (Finlande,
Royaume Uni et Grèce) et tout particulièrement en Europe
de l'Est où une aggravation sensible est observée en
2016 en Serbie, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Monténégro
et Lettonie. Hormis la Grèce qui constitue un cas à
part, la Biélorussie et l'Ukraine restent les pays d'Europe
les plus mal classés (5) en raison des pratiques de travail
forcé et de répression.
Une tendance alarmante pour l'ensemble des chaînes d'approvisionnement
dans le monde, alors que l'Organisation Internationale du Travail
(OIT) vient d'adopter en juin une résolution visant à
promouvoir le travail décent pour tous, y compris pour le large
secteur informel (sujet Atmosphère Internationale en préparation).
* Rapport "INDICE CSI DES DROITS DANS LE MONDE : les pires
endroits au monde pour les travailleurs et les travailleuses"
(CSI - 2016) à
disposition de nos abonnés sur simple demande. |
Avis de l'expert :
Un bilan préoccupant, mais qu'il convient d'affiner par
une approche contextuelle : les problématiques économiques,
politiques et socioculturelles ne sont pas les mêmes dans
une usine américaine et dans un atelier clandestin en
Haïti, ou dans une entreprise du bâtiment à
Oman... même si ces trois pays obtiennent l'indice très
médiocre de 4 au classement CSI !
On peut en revanche trouver de nombreux points communs sur
les conditions des travailleurs de zones géographiques
très éloignées telles que l'Asie et l'Europe
de l'Est : dans les deux cas, on retrouve des conditions
de travail impactées par les stratégies de sourcing
low-cost, et par un manque de volonté et/ou de marge
de manuvre politique pour encadrer les pratiques de travail
forcé, voire d'esclavage moderne (cf. Atmosphère
Internationale d'août 2016).
Cette notion d'esclavage moderne est également
fortement présente dans de nombreux Etats du Moyen-Orient
où les travailleurs migrants sont littéralement
spoliés de leurs droits fondamentaux : une situation
déjà mise en relief par l'ONG internationale "Walk
Free" dans son "Global Slavery Index 2016" (cf.
Atmosphère
Internationale de juin 2016).
Un contexte bien différent des pays occidentaux, où
la crise économique et les politiques d'austérité
qui en découlent engendrent, selon la confédération
syndicale, une dégradation des acquis sociaux.
Globalement, les pays où règnent la violence contre
les travailleurs syndiqués (Colombie, Indonésie,
Ukraine,...), l'exclusion ou la restriction du droit de grève,
de la liberté syndicale et de la négociation collective
(Chine, Turquie, Cambodge,...) sont clairement identifiés
depuis longtemps.
D'ailleurs, l'exigence de respect de la liberté syndicale
et du droit à la négociation collective est
bien inscrite dans tous les codes de conduite de RSE (Responsabilité
Sociétale des Entreprises) et initiatives internationales
: elle s'appuie sur la référence aux deux conventions
fondamentales de l'Organisation Internationale du Travail (OIT)
n°87 et 98.
Si ces libertés sont restreintes par la loi locale, généralement
en raison d'un système syndical centralisé et
étatisé comme en Chine, l'entreprise donneuse
d'ordre peut inciter ses fournisseurs à favoriser la
représentation salariale et le dialogue social sous toute
autre forme : élection d'un comité de travailleurs,
réunions régulières entre management et
représentants élus des salariés, discussions
au sein du CHSCT, etc.
Néanmoins, force est de constater que lorsqu'elles travaillent
sur les plans d'actions correctives à l'issue des audits
sociaux réalisés chez leurs fournisseurs, la plupart
des entreprises s'attachent d'abord à l'amélioration
des non-conformités les plus problématiques que
sont le manque d'hygiène et de sécurité,
le non-respect du salaire minimum légal, la discrimination
et le travail forcé,... car l'inexistence de la représentation
salariale parait moins prioritaire.
C'est méconnaître l'importance de ce levier d'amélioration
des conditions de travail au quotidien, y compris sur les aspects
salariaux (salaires et bénéfices sociaux).
A un niveau plus macro, les accords-cadres mondiaux entre syndicats
internationaux et grandes entreprises donneuses d'ordre de tous
les secteurs industriels (agro-alimentaire, téléphonie,
énergie, textile) soutenus par les plans d'accompagnement
mis en place par les organisations internationales comme l'OIT
(cf. Atmosphère
Internationale de septembre 2014) ou la Banque Mondiale
(cf. Atmosphère
Internationale de février 2015) ont déjà
fait preuve de leur efficacité.
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