Synthèse : Le rapport annuel "Global
Slavery Index 2016" * évalue à 45,8 millions le
nombre de personnes actuellement victimes de l'esclavage moderne sous
ses multiples formes : un chiffre en augmentation de 28% sur 2 ans
(cf. Atmosphère
Internationale de décembre 2014) ! Un phénomène
qui touche particulièrement l'Asie et notamment les principaux
pays de sourcing des chaînes d'approvisionnement internationales.
Selon
l'ONG internationale "Walk Free", 2/3 des victimes de ces
pratiques qui violent les principes élémentaires des
droits de l'homme (trafic d'êtres humains, travail forcé,
servitude pour dette, mariage forcé, vente et exploitation
des enfants,...) sont recensés dans 5 pays : Inde, Chine, Pakistan,
Bangladesh et Ouzbékistan.
Le classement 2016 de l'ndice mondial de l'esclavage, exprimé
en part de la population totale, place la Corée du
Nord (4,37%), l'Ouzbékistan (3,97%) en tête
de la "liste noire", car ces Etats ont délibérément
institutionnalisé l'esclavage moderne dans leur modèle
économique :
- La Corée du Nord est pourvoyeuse de main d'uvre
corvéable sans limite (prisonniers politiques ou simples
citoyens) dans les chantiers de construction au Moyen-Orient ou
dans les usines de fabrication du secteur textile chinois (cf.
Atmosphère
Internationale de mars 2016).
- L'Ouzbékistan continue à forcer sa population
à travailler chaque année pour la récolte
du coton, poumon de l'agriculture nationale.
C'est également le cas au Cambodge (cf. Atmosphère
Internationale d'avril 2016), en Inde, et au Qatar
où les migrants continuent à venir gonfler les rangs
de la main d'uvre surexploitée dans les entreprises et
les foyers.
Sur le continent africain, on compte désormais une dizaine
d'Etats à égalité dans la deuxième moitié
du "Top 10" des pays les plus atteints en pourcentage de
la population totale : Rép. Démocratique du Congo
(RDC), Soudan, Irak, Afghanistan, Yémen, Syrie, Soudan du Sud,
Somalie, Lybie, Centrafrique et Mauritanie. A noter que le Nigeria,
bien que présentant un faible pourcentage de victimes de l'esclavage
moderne par rapport à sa population totale, se positionne tout
de même en 8ème place du classement en nombre absolu
(875 500 individus).
En nombre d'individus justement, on retrouve sans surprise
en tête de classement le quatuor des pays d'Asie les plus peuplés
: Inde (18,3 M), Chine (3,39 M), Pakistan (2,13
M) et Bangladesh (1,53 M). Quatre pays qui couvrent à
eux seuls une très large part des approvisionnements du commerce
occidental.
Derrière le champion européen que sont les Pays-Bas,
les gouvernements les plus impliqués dans la lutte contre l'esclavage
moderne restent le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la Suède et
l'Australie, s'appuyant notamment sur la mise en place de législations
contraignantes pour les entreprises : " UK Modern Slavery
Act 2015 " ou le tout récent amendement aux Etats-Unis
du " Tariff Act of 1930 " permettant de bloquer
les importations de produits fabriqués dans des conditions
de travail forcé.
Outre la responsabilité directe des gouvernements, l'étude
souligne des liens de causalité associés à la
dégradation des conditions sociales et environnementales tels
que :
- Destruction environnementale, catastrophes naturelles et traite des
êtres humains ;
- Impact des conflits armés sur le mariage forcé, l'exploitation
sexuelle des femmes et des enfants et le phénomène des
enfants-soldats ;
- Effets directs du manque de système éducatif et d'opportunités
d'emploi sur le développement du travail forcé
En 2016, l'augmentation importante des personnes déplacées
dans le monde et des flux de migrants fuyant les conflits armés
(cf. Atmosphère
Internationale de mai 2016) ou la misère, a renforcé
la vulnérabilité de ces populations aux différentes
formes d'esclavage moderne.
* Rapport "Global Slavery Index 2016" à disposition
de nos abonnés sur
simple demande. |
Avis de l'expert :
Plus que jamais en cette période de conflits et de migrations
de masse, et face à des pratiques récurrentes
d'exploitation des êtres humains dans les pays à
bas coût, l'entreprise qui veut lutter contre toutes
les formes de l'esclavage moderne doit mettre en place des solutions
spécifiques, adaptées à chaque pays d'opération,
mais faisant partie intégrante d'un plan de vigilance
plus global pour maîtriser les risques sociaux, éthiques
et environnementaux dans sa supply chain internationale.
Certes les Etats ont toujours un rôle primordial à
jouer en adoptant des réglementations qui, en interne,
font peu à peu évaluer les comportements sociétaux
en fixant des limites ou interdisant certaines pratiques.
A cet égard, l'application extraterritoriale de certaines
réglementations comme le " UK Modern Slavery
Act " (cf. Atmosphère
Internationale de septembre 2015), et peut-être sous
peu de la loi française sur le devoir de vigilance
des multinationales (cf. Atmosphère
Internationale de mars 2016) a un impact certain.
L'action des organisations internationales comme l'OIT (cf.
Atmosphère
Internationale de février 2016) ou l'OCDE sur les
sujets de supply chain responsable, notamment d'interdiction
du travail forcé, est primordiale (cf. Atmosphère
Internationale d'octobre 2014).
Mais l'action des entreprises sur le terrain, dans leur sphère
d'influence économique et principalement auprès
de leurs partenaires dans les pays à risque, est un levier
non moins important pour faire évoluer les choses dans
le bon sens : le simple fait d'énoncer dans son code
de conduite le refus du travail des enfants, la liberté
de choix du travail, le rejet de toute forme d'esclavage moderne
et de discrimination, l'exigence de protection des travailleurs
les plus exposés (femmes, jeunes travailleurs, travailleurs
migrants),etc. peut contribuer à faire bouger les lignes,
dès lors qu'il est associé à des outils
de contrôle et que les sanctions économiques
sont clairement évoquées.
Les principaux référentiels RSE intègrent
déjà une politique stricte en la matière
à linstar de SEDEX
dont les principes ont été reconnus et adoptés
en mai 2016 par le BSCI (Business Social Compliance Initiative).
Cette notion de "diligence raisonnable" (due diligence)
appliquée de manière réfléchie et
pragmatique par les opérateurs du commerce international,
aura d'autant plus d'impact qu'elle sera mise en uvre
par des groupements d'entreprises au sein d'un même secteur
et adoptée par les marques leaders.
Dans tous les cas, nos équipes le constatent au quotidien,
il est très imprudent en termes de risque éthique
d'attendre d'être contraint par la règlementation
ou les exigences de vos clients/partenaires à identifier
les risques d'esclavage moderne dans votre supply chain internationale
: mal maîtrisé et géré dans l'urgence,
le risque éthique peut avoir des conséquences
catastrophiques sur votre écosystème économique
au point de mettre en péril sa durabilité (cf.
Atmosphère
Internationale de juin 2014).
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