Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème SOCIAL / ETHIQUE / RSE
 Pays CHINE  Date avril 2014

RSE Internationale : le modèle socio-industriel chinois en pleine mutation

Synthèse : La grève qui paralysait depuis deux semaines les usines chinoises d'un des plus importants fabricants de chaussures de sport au monde vient de prendre fin. Outre les revendications portant sur le niveau de salaires, les ouvriers ont exigé des dirigeants de la société une application stricto sensu de la législation du travail actuellement en vigueur en Chine... Une situation inédite pour les autorités locales et le gouvernement chinois, plus habitués à contrôler les débordements sociaux qu'à agir en qualité de médiateur entre employeurs et travailleurs...

Le mouvement de révolte est né début avril au sein de l'usine de Dongguan (sud de la Chine) du groupe Yue Yuen qui emploie 45 000 salariés : les ouvriers se sont mobilisés contre la direction pour dénoncer un niveau de salaires trop faible, des contrats d'embauche lacunaires et d'importantes carences dans leur couverture sociale (assurance maladie, retraite, prime de logement, etc.).
Il s'est ensuite rapidement propagé à une autre usine du groupe, dans la province voisine du Jiangxi. Au total, ce sont plusieurs dizaines de milliers d'ouvriers qui ont participé à cette grève massive, la plus importante en Chine depuis plusieurs années.
De quoi donner des sueurs froides aux donneurs d'ordre du groupe à capitaux taïwanais qui compte parmi ses clients des marques aussi prestigieuses que Nike, Adidas, Reebok, Asics, etc.

Fidèles à leurs habitudes de gestion de crise, les autorités locales chinoises ont pendant tout le conflit utilisé la stratégie " de la carotte et du bâton " : d'un côté faisant pression sur les dirigeants du groupe pour obtenir le respect de la réglementation sur la couverture sociale des salariés ; de l'autre, procédant à des centaines d'arrestations d'ouvriers et d'activistes membres d'ONG (dont China Labour Watch et China Labour Bulletin).

Sous la pression conjointe des grévistes, des représentants du gouvernement, des média sociaux et des multinationales clientes du groupe, Yue Yuen a jeté du lest en proposant une prime de 230 Yuans (26.50 €) par mois et s'est engagé à "compenser" les retards de versement des indemnités de sécurité sociale. Un nouveau plan de couverture sociale a également été annoncé par le groupe.

Menacés de licenciement par la direction, pressés par les autorités de reprendre le travail, les ouvriers ont finalement cessé leur mouvement, sans réellement obtenir gain de cause.
Avis de l'expert : Cet évènement important dans l'histoire récente des mouvements sociaux en Chine, aura eu le mérite d'attirer l'attention des media et des observateurs sur la nouvelle donne des relations salarié/employeur dans l'Empire du Milieu, et devrait marquer un tournant dans l'évolution du modèle socio-industriel chinois.

Longtemps maintenus dans l'ignorance de leurs droits et des obligations de leurs employeurs envers eux, les travailleurs chinois ont été progressivement informés et sensibilisés par l'action des ONG et des réseaux sociaux : ils savent désormais qu'ils peuvent obtenir de meilleures conditions de travail en demandant simplement le respect de la loi.

Car le type même de revendications avancées par les ouvriers de Yue Yuen en grève est nouveau : il ne s'agit plus seulement d'obtenir des augmentations de salaires - ceux-ci évoluent sensiblement à la hausse ces dernières années (cf. Atmosphère Internationale de mai 2013) - mais bel et bien d'obliger les employeurs à respecter la stricte application de la législation nationale sur la couverture de leurs avantages sociaux.
Le non-respect de cette réglementation est effectivement quasiment généralisé dans toute l'industrie chinoise : c'est un point récurrent que relèvent de nombreux rapports d'audits sociaux réalisés notamment par nos équipes.

Les autorités chinoises, y compris par le biais des syndicats "officiels", font désormais pression pour que le nouvel arsenal des lois sociales visant à améliorer la protection des droits des travailleurs soit respecté par les entreprises. Le recours à la négociation et à la participation des comités de travailleurs dans la gestion est d'ailleurs encouragé par les instances nationales et locales. Pékin a bien compris que l'instabilité du climat social représente un risque énorme pour l'avenir du secteur industriel chinois, principalement dans les industries manufacturières.

Ce conflit a d'ailleurs mis en lumière la dégradation du climat social chinois (+30% de conflits au premier trimestre 2014) qui incite de plus en plus de multinationales du secteur textile-habillement à réorganiser leur stratégie de sourcing, à la recherche de coûts de production plus bas et d'un climat social "apparemment" plus paisible... ou plus "contrôlé" : Asie du Sud-Est (Vietnam, Cambodge, Myanmar), Sri Lanka, voire Ethiopie où le salaire moyen et jusqu'à 10 fois inférieur au mensuel chinois.

Les entreprises qui ont inscrit la Responsabilité Société Internationale dans leur stratégie et leurs gènes s'attachent plutôt à utiliser leur poids économique dans les pays où elles font fabriquer leurs produits, pour faire évoluer, dans une démarche d'amélioration continue, les conditions de travail et le niveau de vie de leurs travailleurs …
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Source(s) : The Guardian + AFP (avril 2014)
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