Synthèse : Pour le commerce international,
le Myanmar se présente désormais comme un pays de développement
potentiel, principalement en termes de stratégie de sourcing
textile-habillement. Ce regain d'intérêt pourrait toutefois
avoir des conséquences néfastes sur les enjeux éthiques
et sociaux du pays, si la montée en charge des volumes de commande
n'est pas directement associée à un cadre RSE clairement
défini, notamment en ce qui concerne le travail des enfants...
Après plus d'une décennie d'embargo économique
imposé par les Etats-Unis et l'UE, l'arrivée au pouvoir
du nouveau gouvernement progressiste a permis au Myanmar de réintégrer
le cercle des pays de sourcing "fréquentables" par
les donneurs d'ordre internationaux, notamment dans le secteur textile-habillement.
Mais pendant toutes ces années, le pays a pris du retard dans
le développement du nouveau "business model"
des supply chains responsables, basé sur des pratiques
industrielles et commerciales plus respectueuses des normes sociales,
éthiques et environnementales (RSEEI).
Niveau élevé de pauvreté, faible taux de scolarisation
dans le secondaire (inabordable pour la plupart des ménages),
lois sociales disparates et faiblesse des institutions de contrôle,...
tous les critères favorisant un contexte à risque
sont réunis ! Et le travail des enfants est l'un des principaux
challenges que le pays doit relever :
Depuis janvier 2016, l'âge minimum légal pour travailler
est passé de 13 à 14 ans, alors que l'âge obligatoire
de fin de scolarité se situe toujours entre 11 et 12 ans...
qui est aussi l'âge d'arrivée des enfants birmans sur
le marché du travail local.
Le recours au travail des enfants est accepté socialement
et quasiment normalisé dans ce pays où les 10-17
ans constituent déjà 1/4 de la main d'uvre : pas
étonnant que le Myanmar soit dans le top 10 du "Child
Labor Index" (voir carte ci-contre).
Selon le rapport récemment publié par l'ONG Business
for Social Responsibility (BSR)*, la proportion d'enfants de moins
de 14 ans employés dans le secteur textile-habillement reste,
pour le moment, relativement faible et limitée à des
tâches annexes (emballage, tri, etc.). Mais ces jeunes travailleurs
ne bénéficient pas du statut protégé prévu
par la loi : 4h/jour de travail maximum entre 14 et 16 ans, pas
de travail de nuit, pas de travail dangereux,...
Ce qui inquiète le plus les analystes du BSR, c'est le risque
d'emballement incontrôlé du système industriel
birman face à une demande exponentielle des donneurs d'ordre
internationaux attirés par des prix plancher pratiqués
grâce à une main d'uvre à très faible
coût : une augmentation brutale des commandes pourrait en effet
amener les usines à embaucher massivement des enfants afin
de répondre à la demande tout en minimisant les coûts
de production, c'est à dire en n'appliquant pas le salaire
minimum légal établi à moins de 3 USD/jour...
Un risque accru avec l'évolution programmée du modèle
économique traditionnel vers une industrie textile-habillement
intégrant tous les process de fabrication et le probable recours
des gros industriels (majoritairement des investisseurs chinois, sud-coréens
et vietnamiens) à une sous-traitance composée de petites
unités locales comptant pour 2/3 du réseau industriel
actuel : des fournisseurs de 2ème et 3ème rang peu
visibles pour les donneurs d'ordre internationaux et qui constituent
pourtant, comme dans de nombreux autres pays**, un point de faiblesse
majeur dans les politiques de "due diligence" et les programmes
de compliance RSE des entreprises.
* Rapport "Child Labor in Myanmars Garment Sector :
Challenges and Recommendations" (BSR - Mai 2016) à disposition
de nos abonnés sur
simple demande.
** Lire en complément :
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Avis de l'expert :
Nous l'avions souligné dans notre précédent
article (cf. Atmosphère
Internationale d'avril 2016), les défis politiques,
économiques et sociaux que doit actuellement relever
l'ex Birmanie sont nombreux !
Alors que le pays entame une profonde mutation et que l'action
de l'Etat, adossée aux nouveaux alliés occidentaux,
se met lentement en place, d'importantes zones d'ombre héritées
de l'ancien système vont perdurer dans les prochaines
années : les donneurs d'ordre internationaux - particulièrement
ceux du secteur textile-habillement - ont un rôle important
à jouer dans l'approche des enjeux sociaux, éthiques
et environnementaux.
Sur un plan purement économique, le pays ne manque pas
d'attraits : coût de main d'uvre bien inférieur
à celui de ses voisins, dont la Thaïlande ou la
Chine (cf. Atmosphère
Internationale de juillet 2015), climat social relativement
apaisé (les dernières élections y sont
pour beaucoup), politique d'ouverture aux investisseurs étrangers,
positionnement géographique central sur la zone Asie
et membre de l'ASEAN, port international en voie de développement
(cf. Atmosphère
Internationale de décembre 2015), suspension totale
de droits de douane à l'importation dans l'UE (cf. Atmosphère
Internationale de juillet 2013),...
Mais face à un tissu industriel local qui est peu
sensibilisé aux attentes éthiques, sociales et
environnementales des supply chains responsables, la transmission
et diffusion par toutes les parties prenantes des bonnes pratiques,
et notamment celles déjà expérimentées
au Bangladesh (cf. Atmosphère
Internationale de juin 2015), est primordiale :
- Mise en place de procédures écrites pour
l'embauche et la gestion des jeunes travailleurs comprenant
une vérification systématique de l'âge
(certes compliqué au Myanmar où le recensement
de la population n'est pas fiable)
- Formation et sensibilisation des managers
- Application des règles de protection
- Recours à des solutions de réintégration
dans le système scolaire, etc.
Aux côtés de tous les acteurs déjà
en place pour contribuer au recul du travail des enfants dans
le pays (OIT, UNICEF, ONG et syndicats locaux), les entreprises
qui déploient leurs activités internationales
au Myanmar sont aussi appelées à agir, en
concertation avec les autres opérateurs du secteur, dans
leur zone d'influence et auprès du gouvernement birman
pour que le cadre légal évolue dans le sens
d'une meilleure protection des enfants, d'une revalorisation
du système éducatif et d'une amélioration
du niveau de vie des foyers.
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la thématique RSEE Internationale :
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