Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème RSEE INTERNATIONALE
 Pays MYANMAR  Date juin 2016

Risque éthique : travail des enfants dans l'industrie textile au Myanmar !

Synthèse : Pour le commerce international, le Myanmar se présente désormais comme un pays de développement potentiel, principalement en termes de stratégie de sourcing textile-habillement. Ce regain d'intérêt pourrait toutefois avoir des conséquences néfastes sur les enjeux éthiques et sociaux du pays, si la montée en charge des volumes de commande n'est pas directement associée à un cadre RSE clairement défini, notamment en ce qui concerne le travail des enfants...

Après plus d'une décennie d'embargo économique imposé par les Etats-Unis et l'UE, l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement progressiste a permis au Myanmar de réintégrer le cercle des pays de sourcing "fréquentables" par les donneurs d'ordre internationaux, notamment dans le secteur textile-habillement.
Mais pendant toutes ces années, le pays a pris du retard dans le développement du nouveau "business model" des supply chains responsables, basé sur des pratiques industrielles et commerciales plus respectueuses des normes sociales, éthiques et environnementales (RSEEI).

Niveau élevé de pauvreté, faible taux de scolarisation dans le secondaire (inabordable pour la plupart des ménages), lois sociales disparates et faiblesse des institutions de contrôle,... tous les critères favorisant un contexte à risque sont réunis ! Et le travail des enfants est l'un des principaux challenges que le pays doit relever :

Depuis janvier 2016, l'âge minimum légal pour travailler est passé de 13 à 14 ans, alors que l'âge obligatoire de fin de scolarité se situe toujours entre 11 et 12 ans... qui est aussi l'âge d'arrivée des enfants birmans sur le marché du travail local.
Le recours au travail des enfants est accepté socialement et quasiment normalisé dans ce pays où les 10-17 ans constituent déjà 1/4 de la main d'œuvre : pas étonnant que le Myanmar soit dans le top 10 du "Child Labor Index" (voir carte ci-contre).

Selon le rapport récemment publié par l'ONG Business for Social Responsibility (BSR)*, la proportion d'enfants de moins de 14 ans employés dans le secteur textile-habillement reste, pour le moment, relativement faible et limitée à des tâches annexes (emballage, tri, etc.). Mais ces jeunes travailleurs ne bénéficient pas du statut protégé prévu par la loi : 4h/jour de travail maximum entre 14 et 16 ans, pas de travail de nuit, pas de travail dangereux,...

Ce qui inquiète le plus les analystes du BSR, c'est le risque d'emballement incontrôlé du système industriel birman face à une demande exponentielle des donneurs d'ordre internationaux attirés par des prix plancher pratiqués grâce à une main d'œuvre à très faible coût : une augmentation brutale des commandes pourrait en effet amener les usines à embaucher massivement des enfants afin de répondre à la demande tout en minimisant les coûts de production, c'est à dire en n'appliquant pas le salaire minimum légal établi à moins de 3 USD/jour...

Un risque accru avec l'évolution programmée du modèle économique traditionnel vers une industrie textile-habillement intégrant tous les process de fabrication et le probable recours des gros industriels (majoritairement des investisseurs chinois, sud-coréens et vietnamiens) à une sous-traitance composée de petites unités locales comptant pour 2/3 du réseau industriel actuel : des fournisseurs de 2ème et 3ème rang peu visibles pour les donneurs d'ordre internationaux et qui constituent pourtant, comme dans de nombreux autres pays**, un point de faiblesse majeur dans les politiques de "due diligence" et les programmes de compliance RSE des entreprises.

* Rapport "Child Labor in Myanmar’s Garment Sector : Challenges and Recommendations" (BSR - Mai 2016) à disposition de nos abonnés sur simple demande.

** Lire en complément :
Avis de l'expert : Nous l'avions souligné dans notre précédent article (cf. Atmosphère Internationale d'avril 2016), les défis politiques, économiques et sociaux que doit actuellement relever l'ex Birmanie sont nombreux !

Alors que le pays entame une profonde mutation et que l'action de l'Etat, adossée aux nouveaux alliés occidentaux, se met lentement en place, d'importantes zones d'ombre héritées de l'ancien système vont perdurer dans les prochaines années : les donneurs d'ordre internationaux - particulièrement ceux du secteur textile-habillement - ont un rôle important à jouer dans l'approche des enjeux sociaux, éthiques et environnementaux.

Sur un plan purement économique, le pays ne manque pas d'attraits : coût de main d'œuvre bien inférieur à celui de ses voisins, dont la Thaïlande ou la Chine (cf. Atmosphère Internationale de juillet 2015), climat social relativement apaisé (les dernières élections y sont pour beaucoup), politique d'ouverture aux investisseurs étrangers, positionnement géographique central sur la zone Asie et membre de l'ASEAN, port international en voie de développement (cf. Atmosphère Internationale de décembre 2015), suspension totale de droits de douane à l'importation dans l'UE (cf. Atmosphère Internationale de juillet 2013),...

Mais face à un tissu industriel local qui est peu sensibilisé aux attentes éthiques, sociales et environnementales des supply chains responsables, la transmission et diffusion par toutes les parties prenantes des bonnes pratiques, et notamment celles déjà expérimentées au Bangladesh (cf. Atmosphère Internationale de juin 2015), est primordiale :
  • Mise en place de procédures écrites pour l'embauche et la gestion des jeunes travailleurs comprenant une vérification systématique de l'âge (certes compliqué au Myanmar où le recensement de la population n'est pas fiable)
  • Formation et sensibilisation des managers
  • Application des règles de protection
  • Recours à des solutions de réintégration dans le système scolaire, etc.
Aux côtés de tous les acteurs déjà en place pour contribuer au recul du travail des enfants dans le pays (OIT, UNICEF, ONG et syndicats locaux), les entreprises qui déploient leurs activités internationales au Myanmar sont aussi appelées à agir, en concertation avec les autres opérateurs du secteur, dans leur zone d'influence et auprès du gouvernement birman pour que le cadre légal évolue dans le sens d'une meilleure protection des enfants, d'une revalorisation du système éducatif et d'une amélioration du niveau de vie des foyers.

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A consulter en ligne > Enregistrement vidéo du 19/05/2016 :
International Trade Compliance Manager
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Source(s) : Business & Human Rights Research Center (mai 2016)
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