Synthèse : Un récent rapport
publié par une ONG norvégienne* donne pour la première
fois des estimations chiffrées et une analyse poussée
du phénomène de "déplacement interne"
des populations à l'échelle mondiale. Le nombre global
de ces migrants non expatriés (qui ne sortent pas des frontières
de leur pays) est évalué à plus de 40 millions
pour l'année 2015... Moins visibles que les flux migratoires
classiques, ces mouvements de population ont des répercussions
importantes sur l'environnement social et économique local.
L'ONU définit la notion de déplacement interne comme
" une situation dans laquelle les personnes ont été
contraintes à fuir ou à quitter leur foyer ou lieu de
résidence habituel, à la suite de ou afin d'éviter
les effets des conflits armés, des situations de violence généralisée,
des violations des droits de l'homme et des catastrophes naturelles
et qui ne franchissent pas les frontières de leur Etat
"**.
Selon l'IDMC
(Internal Displacement Monitoring Centre), en 2015 les catastrophes
naturelles (sécheresse en Ethiopie, typhons en Chine, inondations
en Inde et au Bangladesh, tremblement de terre au Népal,...)
ont déplacé pas moins de 19,2 millions de personnes
dans 113 pays, tandis que les conflits armés et les violences
(Moyen-Orient, RDC, Ukraine,...) ont chassé 8,6 millions de
personnes supplémentaires de leur foyer.
A ces deux principales causes s'ajoutent d'autres facteurs pour lesquels
les données chiffrées ne sont pas encore disponibles,
comme les dérèglements dus au réchauffement global,
mais aussi les résultats désastreux de certains projets
de développement publics ou privés (implantations industrielles,
projets urbains, barrages) qui impactent plus ou moins directement
le contexte de vie de certains groupes humains à l'échelle
locale.
Si aucun pays n'est totalement épargné, ceux en voie
de développement sont les plus touchés, principalement
en Asie du Sud-Est et en Afrique subsaharienne.
Car le phénomène est amplifié et pérennisé
par le faible niveau de gouvernance et l'instabilité politique
qui peut régner dans ces pays où aucun soutien crédible
n'est accordé aux personnes déplacées dont la
vulnérabilité est accrue par une croissance urbaine,
démographique et économique mal maîtrisée.
Les déplacés internes sont souvent dans une situation
d'autant plus critique que, contrairement aux expatriés pouvant
accéder au statut de réfugié, ils ne sont
pas protégés par le droit international et font
peu l'objet de l'attention des médias.
Outre le manque de ressources et d'autonomie auquel elles doivent
faire face, ces populations sont souvent exclues socialement sur les
territoires où elles tentent de s'établir et particulièrement
démunies face aux inégalités et aux injustices
dont elles peuvent être victimes.
* Rapport "GRID 2016 - Global Report on Internal Displacement"
(IDMC 2016) à disposition de nos abonnés sur
simple demande.
** "Principes
directeurs relatifs au déplacement interne" (Nations
Unies, 1998) |
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Avis de l'expert : Comme
le montre l'étude de l'IDMC, le phénomène
des déplacés internes est en progression dans un
monde fragilisé par des phénomènes climatiques
de plus en plus violents et récurrents, mais aussi par les
conséquences de l'intervention humaine.
Il s'agit d'un véritable challenge pour les Etats, les organisations
internationales, les entreprises et les ONG engagés dans une
démarche de responsabilité sociale, éthique
et environnementale à l'international (RSEEI),
avec en ligne de mire les nouveaux objectifs de développement
durable (ODD) des Nations Unies (cf. Atmosphère
Internationale de septembre 2015).
Les causes à l'origine de ces flux migratoires internes susceptibles
de modifier fortement le contexte social d'un pays ou d'une région,
sont autant de situations à risque pour les donneurs d'ordre
et les opérateurs internationaux dont les efforts en matière
de diligence raisonnable (cf. Atmosphère
Internationale d'octobre 2014) peuvent être mis à
mal.
A terme, et c'est le cas au Bangladesh par exemple (cf. Atmosphère
Internationale de février 2016), des déplacements
internes massifs, souvent en direction des mégapoles déjà
surpeuplées, peuvent avoir des conséquences catastrophiques
sur le tissu industriel en démultipliant les cas de discrimination
sociale, de travail forcé et de violation des droits fondamentaux...
à l'instar des phénomènes actuellement observés
dans les pays situés en frontière des zones de conflit
(cf. Atmosphère
Internationale de février 2016).
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