Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème SOCIAL / ETHIQUE / RSE
 Pays MONDE  Date juin 2014

Evolution du cadre juridique de la RSE : du volontariat à l'obligation légale

Synthèse : La responsabilité sociétale s'est imposée au fil des années comme élément-clé des stratégies d'entreprises. Elle ne repose plus sur le seul volontarisme de patrons visionnaires, mais est en voie de fondamentalisation : des normes impératives, des textes législatifs peuvent désormais servir de motivation aux décisions de justice... on parle de "justiciabilité" renforcée de la RSE.

Bâtie au confluent du droit "souple" (Soft Law) et du droit "dur" (Hard Law), le concept juridique de la RSE s'appuie à la fois sur un ensemble de normes volontaires (principes directeurs de l'OCDE, conventions de l'OIT, de l'ONU, normes ISO) et sur des dispositions légales plus récentes qui s'imposent peu à peu à toutes les entreprises (Loi Grenelle 2).

En matière de RSE, le socle de la Soft Law enrichit progressivement le contenu de la Hard Law : pour exemple, les principes directeurs de l'OCDE à l'attention des entreprises multinationales ne sont à la base que des recommandations proposées sur la base du volontarisme. Mais les Points de Contacts Nationaux (PCN) qui en assurent la promotion et la mise en œuvre, sont de plus en plus sollicités dans leur rôle de médiateurs pour contribuer à la résolution des litiges nés d'un manquement aux principes directeurs, notamment par les ONG et les syndicats (cf. Atmosphère Internationale de décembre 2013).

Le Conseil d'Etat lui-même préconise le recours à cette Soft Law pour contribuer à la politique de simplification des normes et à la qualité de la réglementation en matière de RSE.

Les décisions judiciaires contribuent également à renforcer la fondamentalisation de la RSE.
Cette "porosité" normative entre Soft et Hard Law est notamment illustrée par l'évolution du statut juridique des codes de conduite: plusieurs affaires judiciaires montrent que le juge est de plus en plus amené à contrôler ces outils de la politique RSE de l'entreprise, et peut décider que le non-respect d'un engagement éthique constitue une pratique commerciale trompeuse (Article L.121-1 du Code de la Consommation).

Alors que le Parlement européen vient tout juste d'adopter la directive sur les rapports non financiers des entreprises (cf. Atmosphère Internationale de mai 2014), en France, la proposition de loi relative au devoir de vigilance des multinationales, devrait, si elle est adoptée, marquer un renforcement du socle de la Hard Law en matière de RSE. Cette proposition vise à co-responsabiliser les sous-traitants, les filiales et leurs maisons-mères en cas de violation des droits humains ou de catastrophes environnementales, liées aux activités de ces groupes multinationaux.

On peut compter sur l'implication très active de certaines ONG pour soutenir cette proposition de loi et faire en sorte qu'elle ne reste pas lettre morte !
Avis de l'expert : Le cadre juridique de la RSE évolue irrémédiablement du volontariat vers l'obligation légale.

Aux textes déjà applicables en France (Grenelle 2) et propositions de loi en gestation, il faut aussi ajouter les projets en cours d'élaboration de nouvelles normes RSE au sein de l'ISO : norme sur les achats responsables, sur le système de management de la conformité (compliance), sur le management de lutte contre la corruption.

La notion de diligence raisonnable devient le centre de gravité de cet appareil juridique : les entreprises doivent mettre en place des mesures qui répondent aux enjeux et aux risques dans leur supply-chain, afin d'identifier, de prévenir et de corriger les incidences négatives de leur activité.

Bientôt, ce principe se transformera en véritable obligation de moyen en matière de prévention des dommages, pour toute entreprise qui développe une activité à l'international.

Les audits (sociaux, environnementaux, de solidité/sécurité des bâtiments, de corruption) restent le principal outil utilisé par les entreprises pour avoir une visibilité sur les risques de leur supply-chain. Bien évidemment, leur efficacité n'est optimale que si l'audit est suivi d'un accompagnement du fournisseur sur les actions correctives à mener, et sur la réalisation d'audits de contrôle par la suite.

Néanmoins, l'application du principe de due diligence ne se résume pas qu'à la réalisation d'audits dans les usines de fabrication : la cartographie de la supply-chain pour une meilleure visibilité sur la sous-traitance cachée, la formation des fournisseurs, l'intégration des critères RSE dans de véritables procédures d'achats responsables, sont autant d'outils qu'une entreprise peut utiliser pour anticiper les évolutions du cadre réglementaire.

Prochain webinar gratuit sur la thématique RSEE / SOURCING :
Imprimer  S. THONNERIEUX
Source(s) : Les Echos (12/05/2014)
Tous droits réservés © ACTE International (2014)  |  Exonération de responsabilité