Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème RSEE INTERNATIONALE
 Pays FRANCE / MONDE  Date mars 2016

Législation anti-corruption : la France veut rattraper son retard

Synthèse : Outre la possibilité pour les entreprises d'une négociation transactionnelle et la mise en place d'une peine complémentaire de mise en conformité (cf. Atmosphère Internationale de mars 2016), le projet de Loi "Sapin 2" sur la transparence de la vie économique propose toute une série de mesures pour lutter contre la corruption. Le dossier entamera son circuit parlementaire le 23 mars prochain...
  • Création d'une Agence Nationale de Prévention et de Détection de la Corruption (ANPDC)
    Placée sous l'autorité conjointe des Ministres des Finances et de la Justice, l'ANPDC sera dotée d'un pouvoir de sanction et de larges prérogatives. Sa mission sera multiple : elle devra notamment établir une cartographie des risques, définir un plan pluriannuel de lutte contre la corruption et assumera un rôle de soutien au besoin financier et à la protection juridique des lanceurs d'alerte.
    En outre, elle sera chargée d'émettre des lignes directrices de prévention et de détection de la corruption au sein des institutions publiques, de les conseiller et de les contrôler.

  • Création d'une obligation de prévention contre les risques de corruption
    Pour les entreprises d'au moins 500 salariés, ou appartenant à un groupe d'au moins 500 salariés et générant un chiffre d'affaires annuel supérieur ou égal à 100 M€.

    Le contenu de l'obligation est déjà défini dans ses grandes lignes :
    • Code de conduite
    • Dispositif d'alerte interne
    • Cartographie des risques
    • Due diligence sur les partenaires et intermédiaires
    • Contrôles comptables
    • Formation des cadres et personnes exposées
    • Sanctions disciplinaires
    C'est l'ANPDC qui sera chargée du contrôle du respect des lignes directrices émises, avec tous pouvoirs pour apprécier la solidité des programmes anti-corruption des entreprises et prononcer des sanctions financières en cas de manquement à leur obligation de prévention (200 K€ pour les personnes physiques, 1 M € pour les personnes morales).

  • Prise en compte de l'existence d'un plan de prévention par le juge pour diminuer la peine en cas de condamnation pour des faits de corruption.

  • Publication d'un répertoire des lobbyistes, de leur identité et de leur champ d'action

  • Fin de la double poursuite (AMF*/Justice) et sanction pour les délits d'initié.
Un texte qui sera présenté dès le 23 mars prochain aux députés pour être débattu et qui annonce une petite révolution dans la législation française anti-corruption !

* AMF : Autorité des Marchés Financiers
Avis de l'expert : Les objectifs de ce projet de loi porté par le Ministre de l'Economie ont été clairement définis : doter la France d'outils innovants permettant de détecter, prévenir et sanctionner efficacement la corruption dans une démarche de transparence, d'éthique et de justice en matière économique.

Cet engagement plus fort devrait effectivement permettre de combler, au moins en partie, le retard législatif de la France en matière de prévention et de lutte contre la corruption, notamment à l'échelle transnationale... et améliorer son positionnement au classement Transparency International de l'Indice de Perception de la Corruption (cf. Atmosphère Internationale de février 2016).

Le projet de loi met à la charge des entreprises de très lourdes obligations, mais qui sont en phase avec l'évolution de la réglementation internationale. Proposé bien après le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) américain (1997) et le UK Bribery Act (2010), le projet de loi français s'approprie les dispositions phares de ces deux règlementations à portée extraterritoriale, qui régissent de fait toutes les affaires de corruption de ces dix dernières années (cf. Atmosphère Internationale de mai 2015).

La convention de compensation d'intérêt public (CCIP) française retranscrit le "Deferred Prosecution Agreement" (DPA) du FCPA, et la création d'un délit de défaut de prévention est directement inspirée de celui créé par le UK Bribery Act.

Le contenu du plan de prévention quant à lui est à l'identique de ce qui était préconisé dans les lignes directrices du Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC) français (cf. Atmosphère Internationale de mai 2015) et en parfaite harmonie avec les préconisations de la norme ISO 37001 qui devrait voir le jour d'ici fin 2016 (cf. vidéo Webinar ACTE International du 10/03/2016).

Les innovations du texte ne sont donc pas tant à rechercher du côté du contenu des obligations, mais plutôt des outils créés :

L'ANPDC est la pierre angulaire de ce nouveau système de prévention et de détection des actes de corruption, aussi bien dans ses missions auprès des acteurs publics que privés. Elle disposera a priori de tous les pouvoirs nécessaires, mais l'efficacité du système anti-corruption résidera essentiellement dans la volonté de les utiliser... y compris dans des situations qui pourraient fragiliser des institutions publiques françaises et des entreprises de premier plan.
La question de la réelle indépendance de l'Agence par rapport au pouvoir peut se poser, ainsi que l'articulation de ses missions par rapport à celles du SCPC.

Par ailleurs, ses moyens seront-ils suffisants pour accompagner, contrôler et sanctionner les très nombreuses entreprises qui seront concernées par la nouvelle obligation de prévention ?

Au-delà de ces interrogations, une chose est claire : les dirigeants d'entreprise doivent anticiper dès à présent la mise en œuvre d'une politique de prévention de la corruption, dont le contenu et les contours sont désormais connus, et même internationalement reconnus.

Reste à savoir si ce texte ne sera pas bloqué ou vidé de son sens au cours du périple parlementaire qui l'attend... La récente aventure du projet de loi sur le devoir de vigilance des multinationales pourrait laisser présager du pire (cf. Atmosphère Internationale de novembre 2015) ! Notons toutefois que le projet bénéficie du soutien des représentants patronaux et ne devrait donc pas connaitre le même sort devant l’Assemblée et le Sénat : peut-être la question des seuils (500 employés, 100 M€) sera-t-elle discutée ? A suivre dans les semaines à venir...

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Imprimer  S. THONNERIEUX
Source(s) : www.lesechos.fr / www.paulhastings.com (février 2016)
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