Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème RSEE INTERNATIONALE
 Pays FRANCE / MONDE  Date mars 2016

Corruption transnationale : la France opte pour une justice transactionnelle

Synthèse : Pointée du doigt par l'OCDE et Transparency International pour l'inefficacité de son système judiciaire en matière de lutte contre la corruption d'agents publics étrangers (cf. Atmosphère Internationale de janvier 2015), la France pourrait bientôt s'offrir une mise à niveau : un projet de loi actuellement à l'étude propose toute une série de mesures innovantes pour détecter, prévenir et sanctionner efficacement la corruption transnationale. Une approche fortement inspirée du système anglo-saxon qui semble faire consensus.

Le projet de loi "Sapin II" pour la transparence et la modernisation de la vie économique qui sera présenté au Conseil des Ministres du 23 mars 2016 concerne les entreprises françaises de plus de 500 salariés ou faisant partie d'un groupe d'au moins 500 salariés générant un chiffre d'affaires annuel égal ou supérieur à 100 M€.

La mesure la plus emblématique du projet est l'introduction du principe de justice transactionnelle (cf. Atmosphère Internationale d'avril 2015) : une convention de compensation d'intérêt public (CCIP) pourra être conclue entre le procureur qui mène l'enquête et l'entreprise mise en cause pour des faits de corruption.
Plutôt que de subir une condamnation pénale, cette dernière sera redevable d'une amende qui pourra aller jusqu'à 30% du CA moyen des 3 dernières années.

Cette mesure très novatrice en droit français est largement inspirée du système transactionnel établi par le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) américain sous le nom de Deferred Prosecution Agreement (DPA) (cf. Atmosphère Internationale d'avril 2015).

A l'instar du modèle américain, le mécanisme prévoit notamment que la transaction soit rendue publique et que l'entreprise ait l'obligation de mettre en place un programme de conformité complet, sous la surveillance d'un contrôleur indépendant (nommé par le juge mais payé par l'entreprise) pour une durée pouvant aller jusqu'à 3 ans.
Le dirigeant pourra cependant être poursuivi au pénal à titre individuel s'il s'avère qu'il n'a pas respecté son devoir de vigilance et de diligence raisonnable.

Selon Transparency International, les entreprises françaises auront tout intérêt à choisir la transaction plutôt que la condamnation, dont les conséquences réputationnelles et économiques (pertes des marchés publics, retrait de licence d'exploitation, etc.) peuvent avoir des conséquences dramatiques.

Le projet de loi est d'ailleurs soutenu par les associations patronales qui y voient aussi un gage d'accélération des procédures, car il faut 10 ans en moyenne pour qu'une affaire soit jugée avec le système actuel...

Par ailleurs, les amendes faramineuses qu'engrange actuellement le Trésor américain en condamnant les entreprises de l'hexagone (cf. Atmosphère Internationale de janvier 2015) devraient à terme remplir les caisses de l'Etat français, lui redonnant sa légitimité et des moyens financiers.

Enfin, cette reprise en main de la souveraineté nationale apportera une solution au problème de la protection de données sensibles pour l'entreprise condamnée lorsqu'elle est soumise au contrôle d'un juge étranger et d'un contrôleur indépendant nommé par lui.
Avis de l'expert : L'ONG Transparency International plaide depuis longtemps pour une justice transactionnelle française comme outil de prévention de la corruption transnationale (cf. Atmosphère Internationale d'avril 2015), soutenue dans ce sens par des intervenants de premier plan comme ETHIC Intelligence : le texte proposé suit en grande partie leurs recommandations.

Contrairement à la loi sur le devoir de vigilance des multinationales qui peine à voir le jour en raison d'une forte opposition des organisations patronales soutenue par le Sénat (cf. Atmosphère Internationale de novembre 2015 ), le projet de loi Sapin II pourrait intégrer assez rapidement le corpus législatif français : les dirigeants se doivent donc de l'anticiper dès à présent dans leur stratégie de gestion des risques au sein de leur supply chain internationale en travaillant sur un programme complet de prévention et de remédiation.

Les lignes directrices du Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC) français (cf. Atmosphère Internationale de mai 2015) représentent à ce titre un outil pragmatique et à la portée de toute entreprise souhaitant élaborer son programme de prévention.

Comme pour le devoir de vigilance, qui intègre naturellement la démarche de prévention de la corruption, l'entreprise doit prioritairement travailler sur une évaluation des risques lui permettant de calibrer un programme de prévention en fonction de son écosystème : secteur d'activité, pays d'activité, exposition sur son marché, etc.

La présentation en Conseil des Ministres du projet de loi Sapin II n'étant que la première étape du circuit parlementaire, nos experts en Responsabilité Sociale, Ethique et Environnementale à l'international (RSEEI) auront l'occasion d'aborder d'autres aspects du texte dans les prochaines semaines.

Entreprise certifiée "Anti-corruption compliant business partner" depuis 2014, ACTE International est un cabinet d'audit international agréé pour auditer et valider le système de gestion de la prévention de la corruption des entreprises sous le référentiel ETHIC Intelligence.

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10/03/2016 > Corruption : contexte légal et réglementaire ISO 37001
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Source(s) : www.novethic.fr (février 2016)
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