Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème TRANSPORT INTERNATIONAL
 Pays MONDE  Date février 2016

COP21 : le transport international laissé-pour-compte ?

Synthèse : En basant les objectifs de réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) sur l'impact écologique de chaque pays, la Conférence de Paris pour le climat (COP21) s'est privée d'une emprise sur les problématiques liées au transport international. Les secteurs de la marine marchande et de l'aviation civile, qui représentent pourtant près de 5% des émissions mondiales de CO2, devront donc élaborer leur propre stratégie "développement durable" au sein de leurs organisations représentatives respectives... Mauvais calcul ?

Le transport maritime est actuellement à l'origine de 2,2% des émissions mondiales de CO2. Ses émissions pourraient peser jusqu'à 14% avec les perspectives de croissance du commerce maritime.

L'Organisation Maritime Internationale (OMI) est en première ligne sur ce dossier : son action repose sur la coopération de l'industrie maritime et de ses principales fédérations (Armateurs de France, International Chamber of Shipping,...). Elle s'est prononcée en faveur du Measuring, Reporting and Verification (MRV) des informations sur les émissions de CO2 d'ici 2018, mécanisme qui pourrait déboucher sur la mise en place d'une taxe carbone.
En ligne de mire, une réduction des émissions de CO2 de 20% d'ici 2020 et de 50% avant 2050 (par rapport à 2005), ainsi qu'une baisse de la consommation de carburant de 30% par tonne kilomètre (par rapport à 2000).

Le transport aérien représente quant à lui 2,5% des émissions de CO2 qui augmentent 2 fois plus vite que la moyenne mondiale : avec une augmentation estimée du trafic de 5%/an, les émissions de CO2 du secteur aérien pourraient quadrupler d'ici 2050.

Or, compte tenu de la difficulté à calculer les objectifs de réduction des GES, la COP21 a transmis le témoin à l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale qui fédère 191 Etats dans le monde : une réunion est programmée en septembre 2016 en vue d'un accord sectoriel pour "l'encadrement" des émissions de CO2, qu'il serait question de commencer à réduire à partir de 2020 pour atteindre une baisse de 50% d'ici 2050 par rapport à 2005...
Avis de l'expert : Les acteurs du secteur du transport ont été les grands absents des débats sur la contribution au changement climatique... Inouï quand on sait que le fret international pourrait bien quadrupler d'ici 2050 !

Le niveau d'émission de CO2 du transport aérien, déjà important, est voué à se développer dans les années à venir, aussi bien du fait de l'augmentation du transport de marchandises que de celui des passagers. Pourtant, depuis le Protocole de Kyoto, l'aviation civile est exonérée de tout engagement mondial dans la lutte contre le changement climatique (cf. Atmosphère Internationale de décembre 2011) et le kérosène n'est assujetti à aucune "écotaxe".

Si l'ampleur de la tâche est gigantesque, des avancées existent malgré tout : le rendement énergétique des avions s'est amélioré de 1,5 à 2%, tandis que les biocarburants et l'énergie électrique sont à l'étude... Cependant, ces alternatives ne sont encore envisageables que sur le très long terme. La feuille de route de l'OACI ressemble donc plus à un effet d'annonce permettant de gagner du temps qu'à une véritable stratégie "éco-responsable". On mettra toutefois au crédit de ce secteur la difficulté de gérer simultanément le transport de fret et de passagers (cf. Atmosphère Internationale de novembre 2015), avec des impératifs sécuritaires déjà fortement contraignants.

Le transport maritime pratique pour sa part le slow steaming depuis plusieurs années (cf. Atmosphère Internationale de mai 2011) et les nouvelles générations de navire bénéficient à la fois de capacités de chargement accrues (mega-ships) et d'avancées technologiques permettant d'optimiser la consommation de fioul (cf. Atmosphère Internationale d'octobre 2015).
Des projets de cargos à voile (type ecoliner) ou de porte-conteneurs tractés par un cerf-volant (type skysails), représentent là-aussi des alternatives possibles... à 10 ou 20 ans !

N'oublions pas le ferroutage qui pourrait prendre une plus large part à l'avenir dans les échanges internationaux, notamment avec le développement de lignes régulières entre l'Asie et l'Europe (cf. Atmosphère Internationale de juillet 2014).

Toutefois, plusieurs freins empêchent actuellement le lancement d'une véritable dynamique mondiale autour du fret "eco-friendly".
Si elles existent, les solutions technologiques, structurelles (plateformes et équipements) et organisationnelles (gestion multimodale) pour atteindre des objectifs ambitieux de réduction d'impact sur l'environnement, représentent un investissement conséquent, qui ne peut se justifier au niveau des opérateurs que par un gain de productivité et une baisse des coûts opérationnels.

Or les leviers capables de faire bouger ces deux curseurs sont en panne :
  • La croissance des échanges mondiaux s'est fortement contractée ces 5 dernières années, amenant notamment les compagnies maritimes à brader les taux de fret (Atmosphère Internationale de janvier 2016) : le contexte économique global n'est donc pas favorable aux investissements lourds, avec des retours sur investissement à long terme.
  • Le cours du pétrole brut est à un niveau extrêmement bas (Atmosphère Internationale de janvier 2016) : la part du coût de transport lié à la consommation de carburant est donc minimisé, ce qui empêche la valorisation à grande échelle des modes de transport économes.
Certes, la conjoncture va évoluer dans les prochaines années, et il apparaît évident que les conditions pour de nouvelles avancées sur la thématique du transport durable seront à nouveau réunies... mais ne nous y trompons pas ! Le temps perdu risque fort de n'être jamais rattrapé, car s'il est déjà difficile aujourd'hui d'essayer de limiter l'aggravation de notre impact climatique, que dire de la tâche qui nous attendrait si nous devions urgemment réduire les degrés Celsius engrangés en trop ?

Consultez la vidéo en ligne de notre Webinar du 21/01/2016 :
Commerce mondial : rétrospective 2015 et perspectives 2016
Imprimer  B. CHAUVIN / D. CAMMARANO / M.ANTIER
Source(s) : Divers media (février 2016)
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