Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème ECONOMIE
 Pays CHINE  Date janvier 2013

Entre "Low-Cost" et "High-Tech"... la Chine balance !

Synthèse : Seulement 7.4% de croissance des exportations chinoises vers l'UE et les USA au cours de neuf premiers mois de 2012, contre 22.7% pour la même période en 2011 ! Un indicateur significatif quand on sait qu'1/4 de la production globale chinoise est destinée à l'export, et que cette proportion est bien plus élevée dans certaines filières (électronique, textile,...). La montée en gamme annoncée du "Made in China" pourrait-elle être remise en cause ?

La faiblesse des coûts de fabrication et de la devise chinoise ne sont plus source de compétitivité à court terme :

  • Le salaire minimum légal augmente de 12% par an en moyenne (cf Atmosphère Internationale de janvier 2013).
  • Le Yuan (CNY) s'est apprécié de 30% par rapport au dollar US depuis 2005 (cf Atmosphère Internationale de mai 2012).


  • Entre "Low-Cost" et au haut de gamme, la Chine comme souvent a choisi la voie du milieu : la montée en gamme modérée. Plus que le "zéro défaut", c'est un "niveau de défaut acceptable" qui est visé.

    Plusieurs raisons à ce choix qui peut être jugé peu ambitieux :
    • Tous les secteurs industriels chinois ne sont pas aptes à aller à l'international : beaucoup ne savent travailler qu'en langue chinoise, et les lacunes en anglais bloquent les entreprises à l'exportation.
    • Si l'industrie a progressé très vite en s'appuyant sur les modèles occidentaux et japonais, le service reste à inventer et peine à suivre : les TGV roulent en Chine, mais la "billettique" n'est pas opérationnelle.
    • Les conséquences sociales seraient lourdes en cas de tertiarisation trop rapide de l'économie, et du passage brutal du "tout industriel" au "tout service". La main d'œuvre n'est pas encore apte à occuper majoritairement des postes dans le secteur tertiaire, notamment pour ce qui est des services aux entreprises et aux particuliers.
    • Les principaux marchés émergents (BRICS) n'ont pas le même pouvoir d'achat que l'Europe et les Etats-Unis, et le produit doit correspondre à un juste rapport qualité/prix si l'on veut pouvoir accéder à ces marchés de masse.
    • Pour compenser la faible croissance internationale, la Chine doit s'appuyer sur sa croissance intérieure. Or, la classe moyenne émergente n'a pas encore atteint un niveau d'aisance suffisant pour lui permettre de consommer massivement des produits d'un très haut niveau de sophistication (trop onéreux)... Les fabricants de télécoms chinois ne peuvent ainsi espérer pénétrer les marchés européen et américain avec des produits dont le rapport qualité/prix est étalonné sur le pouvoir d'achat local !
    Avis de l'expert : Nos partenaires commerciaux chinois semblent avoir bien pris note des difficultés auxquelles les modèles économiques occidentaux sont actuellement confrontés !

    Une mutation trop rapide de l'industrie peut poser des problèmes d'ordre socio-économique :

    Depuis une dizaine d'années, et plus particulièrement depuis le début de la crise, la France et l'Europe prennent la mesure des dégâts occasionnés par l'abandon de l'industrie de base au profit quasi exclusif d'une industrie de pointe adossée à un haut niveau de R&D, et assortie d'un service à forte valeur ajoutée… Tous nos concitoyens ne sont pas aptes, formés, ou tout simplement volontaires pour exercer un métier dans ces secteurs. De plus, peu de nos jeunes diplômés et ingénieurs rêvent d'aller travailler en usine, et tous souffrent d'une trop longue période d'entrée dans la vie active.
    A l'échelle d'un pays comme la Chine, c'est la paix sociale qui est en jeu (cf Atmosphère Internationale de mars 2011) !

    Des normes et standards de qualité trop élevés peuvent avoir un effet négatif sur l'économie :

    L'équation est simple : plus le niveau de qualité d'un produit augmente, plus il monte en gamme... et plus il est vendu cher ! Ce qui réduit considérablement sa cible commerciale et donc sa rentabilité à court terme. La "surqualité" est généralement contre-productive dans une fenêtre de croissance économique étroite...
    La Chine ne peut pas se permettre de hausser trop rapidement son niveau de qualité, et donc ses coûts de fabrication, sous peine de proposer des produits trop chers sur son propre marché comme sur le marché régional (ASEAN) ou celui des pays émergents.

    Clairement, la Chine se dessine un nouveau modèle économique qui ressemble plutôt à celui de l'Inde (cf Atmosphère Internationale de juillet 2011) :

    La Chine choisit donc de maintenir une activité industrielle "low-cost", pourvoyeuse d'emplois pour la main d'œuvre faiblement qualifiée, dont les produits seront de plus en plus destinés aux marchés intérieur, régional et émergent. La montée en gamme de ces produits se fera progressivement, en fonction de l'augmentation du niveau de vie en Chine et dans les principaux pays clients.
    Les filières d'excellence et les activités de service à forte valeur ajoutée seront développées parallèlement, avec les générations montantes d'ingénieurs qualifiés, et principalement tournées vers l'export à destination de l'occident.
    Imprimer  A. LE ROLLAND
    Source(s) : CCIFC - magazine CONNEXIONS (janvier 2013)
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