Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème ECONOMIE
 Pays INDE  Date décembre 2013

Inde : quel "karma" pour les forces vives du sous-continent ?

Synthèse : 1.2 milliard d'habitants en 2012, 1.65 dans 50 ans : l'Inde deviendra le pays le plus peuplé de la planète vers 2030, devant la Chine ! Avec une population constituée pour moitié de moins de 25 ans, le pays possède un fabuleux potentiel de développement : atout précieux en termes de dynamisme économique, mais gigantesque défi social qui implique de profondes mutations systémiques et culturelles...

Le nombre d'actifs indiens va augmenter de 30% d'ici à 2020 : heureux présage ou mauvais karma ?

Pour l'OMC (cf. Atmosphère Internationale de décembre 2013) et le gouvernement indien, c'est une chance indubitable : une pyramide des âges dont la base se situe massivement entre 15 et 35 ans représente une grande réserve de main d'œuvre et de consommateurs. Plus d'actifs = plus de production, plus de revenu, plus d'épargne, plus d'investissement dans l'éducation et la santé, etc…

Mais la logique sociale actuelle est toute autre :

  • 1 million de nouveaux emplois à créer chaque mois
  • 40% des jeunes de plus de 15 ans ne savent ni lire ni écrire
  • seulement 16% accèdent à l'enseignement supérieur.
  • 70% des femmes ne travaillent pas (contre moins de 30% en Chine), tradition oblige
  • c'est l'informatique qui attire les jeunes diplômés aux dépends des secteurs industriels et techniques où les ouvriers qualifiés se font de plus en plus rares.


  • En octobre 2013, quelques hommes d'affaires et intellectuels de la communauté Dalit (intouchables), conscients de cette épée de Damoclès que représente l'arrivée massive des jeunes actifs sur le marché du travail, auraient lancé une campagne en faveur de l'enseignement obligatoire de l'anglais dès le premier âge.
    Avis de l'expert : Un bonus démographique qu'il convient de classer "potentiel". Pour qu'il se concrétise en termes de développement économique, le niveau de l'éducation et de la formation professionnelle doit être impérativement relevé et adapté aux nouveaux axes de développement. Un enjeu colossal pour le pays, faute de quoi l'insatisfaction et la frustration d'une population jeune et nombreuse pourrait tourner au chaos.

    D'autant que l'arrivée massive des nouveaux actifs sur le marché du travail indien dans les prochaines décennies risque de limiter considérablement l'évolution des salaires : une récente étude place en effet l'Inde en tête des pays low-cost à échéance 2030 (cf. Atmosphère Internationale de décembre 2013). Certes, l'Inde va devenir le pays le plus peuplé de la planète, mais pas pour autant la "première usine du monde" : sa jeunesse rêve de cols blancs.

    Pas surprenant, dans ce contexte, de retrouver l'Inde en tête des pays bénéficiaires de flux financiers issus des travailleurs expatriés : la main d'œuvre indienne cherche de meilleurs salaires à l'étranger (cf. Atmosphère Internationale de novembre 2013).

    Par conséquent, le pays devra peut-être lui-même jongler avec une main d'œuvre étrangère encore plus déshéritée pour occuper les emplois de production. Que restera-t-il alors du fameux "dividende démographique" invoqué par les économistes pour positiver l'avenir du pays ?

    Le karma n'étant pas, comme on le croit trop souvent en occident, une vision purement fataliste et mystique de l'existence, mais plutôt la capacité de chacun d'influer positivement sur le futur par de bonnes actions dans le présent, on peut espérer que les autorités indiennes se mobiliseront (enfin !) pour faciliter le destin des nouvelles générations...
    Imprimer  A. LE ROLLAND
    Source(s) : Les Echos + Le Monde (décembre 2013)
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