Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème RSEE INTERNATIONALE
 Pays ETHIOPIE / MONDE Date juin 2017

RSE & développement : le travail indécent est contre-productif

Quand, dans les années 90, les usines du tiers monde fabriquant les produits destinés aux marchés occidentaux sont qualifiées de "sweatshops" (ateliers de la sueur), des voix s'élèvent pour rappeler le rôle puissant d'aide au développement économique que constituent les délocalisations. Vrai ou faux ? Le National Bureau of Economics publie une étude réalisée par deux chercheurs en Ethiopie qui remet en cause la théorie du "mieux vaut un mauvais travail que pas de travail du tout"...

Pays de sourcing attirant les industriels chinois, indiens et européens autant que les acheteurs internationaux, l'Ethiopie est un bon cas d'école (cf. Atmosphère Internationale de mars 2016).

L'enquête était partie du postulat qu'une usine est source d'amélioration des conditions de vie pour deux raisons : elle garantit des revenus stables (contrairement à l'agriculture), et elle contribue à augmenter les compétences de sa main d'œuvre.
Forts de cette conviction partagée, les responsables de 5 unités de production (embouteilleur, habillement, chaussure, et deux industries agricoles) ont ouvert bien volontiers leurs portes aux chercheurs...

Le premier constat est positif : lors de l'ouverture de nouvelles usines globalement propres et modernes, de nombreux postulants se présentent. Ce sont majoritairement des femmes, jeunes, et célibataires : 947 "demandeurs d'emplois" ont été suivis aux fins de l'étude.

Mais à court terme, les statistiques révèlent un très fort niveau d'insatisfaction au travail :

  • Plus de 50% des recrutés quittent l'usine au cours des premiers mois
  • Plus de 70% des recrutés ont quitté l'usine avant la fin de la première année
  • Les 30% restant n'ont aucune autre alternative de revenu

Les ouvriers démissionnaires retournent à la ferme, dans l'exploitation familiale, ou sur les marchés : le travail en usine devient un simple filet de sécurité en cas de coup dur.
Parmi les motifs invoqués : travail pénible, contact avec des produits dangereux et nombreux cas de blessures.

Interrogés sur la très forte rotation des employés, les responsables pointent pour leur part la difficulté de trouver un "middle-management" compétent, capable d'encadrer et former les ouvriers de manière adaptée.

L'étude conclut que l'impact de l'industrialisation sur la pauvreté est controversé :

  • En l'absence de toute autre alternative, elle contribue à créer des emplois et augmenter le niveau de vie
  • Sans respect des règles fondamentales de santé/sécurité au travail, et un effort de formation du personnel à tous les niveaux, elle est un échec tant pour les personnes que pour les entreprises
Avis de l'expert : Si l'étude reste mesurée dans sa conclusion, elle mentionne tout de même une autre expérience menée : un individu qui se voit attribué un "package" (formation et petit pécule financier) pour créer son activité ou investir dans son exploitation ou son commerce, augmente durablement ses revenus de 30% en moyenne... et n'a pas besoin de travailler à l'usine.

Il y a donc matière à développer simultanément de multiples modèles économiques afin de maintenir une pluralité des opportunités professionnelles, tout en rappelant l'usine sous-traitante à son devoir de formation et de protection des ouvriers.

Le coût de la main d'œuvre est une donnée économique clé de l'investissement industriel, largement hypothéquée par le turn-over. Et hors de son périmètre direct, la rentabilité de l'usine doit être aussi calculée sur son impact sociétal.

Un sujet au cœur des obligations du devoir de vigilance (cf. Atmosphère Internationale de mars 2017) et diligence raisonnable (cf. Atmosphère Internationale de mai 2017) des acheteurs internationaux, alors que le risque éthique devient central dans la stratégie de sourcing des multinationales comme des PME (cf. Atmosphère Internationale de juillet 2015).

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* RSEEI : Responsabilité Sociale, Ethique et Environnementale à l'International
Imprimer  A. LE ROLLAND
Source(s) : www.nytimes.com (avril 2017)
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