Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème COMMERCE INTERNATIONAL
 Pays MAROC / UE  Date mars 2016

UE/Maroc : l'accord commercial sur les produits agricoles invalidé !

Synthèse : Fin 2015, la Cour de justice de l'Union européenne (CURIA) a invalidé l'accord commercial Maroc/UE de 2012 portant sur la libéralisation des échanges de produits agricoles et halieutiques ! La raison ? Une requête du Front Polisario* qui dénonce la non profitabilité de l'exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental au profit de sa population locale. De quoi créer des tensions entre les deux rives de la Méditerranée...

La décision de la CURIA ne sera pas rétroactive, les requérants n'ayant pas réclamé la nullité de l'accord qui aurait impliqué des dédommagements financiers.
Prenant acte, le Maroc a toutefois décidé de suspendre tout contact avec les institutions européennes jusqu'à ce que la décision en appel soit rendue.

Qu'implique cette annulation ?

L'accord de 2012** prévoit des exemptions réciproques de droits de douane entre l'UE et le Maroc pour un grand nombre de produits agricoles ou halieutiques, y compris les produits transformés (conserves, surgelés, fromages, etc...). Cet accord induit notamment l'augmentation des quotas à l'importation dans l'UE pour tous les produits agricoles d'origine Maroc, et l'élargissement de la liste des produits bénéficiant du libre accès (sans limitation de quantités sur le territoire communautaire).

L'invalidation par la CURIA concerne uniquement les produits exportés de la région du Sahara occidental, et ce jusqu'au réexamen des mesures provisoires proposées par le Conseil de l'Union (délais maximum de 14 mois).

A court terme cette décision a peu de conséquences économiques pour les exportations marocaines : sur les 29,3 milliards EUR d'échanges entre l'UE et le Maroc en 2014 (déficit commercial global du Maroc = 7,2 milliards EUR), seuls 22% des exportations marocaines vers l'UE concernent les produits agricoles et de la pêche, dont une part minime de produits provenant du Sahara occidental.

* Front Polisario (Front populaire de Libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro) : mouvement politique et armé opposé depuis 1975 au Royaume du Maroc pour le contrôle du Sahara occidental.
** JO UE L241 du 07/09/2012
Avis de l'expert : Plusieurs options pour une sortie de crise sont envisageables :
  • Le pourvoi du 14 décembre 2015 formulé par le Conseil de l'Europe est accepté par la juridiction : fin des discussions.
  • Le pourvoi est débouté par la juridiction :
    • Le Conseil de l'Europe peut alors diligenter une mission pour vérifier que l'accord agricole ne se fait pas au détriment des Sahraouis, entraînant probablement le courroux de Rabat au motif d'une ingérence... En cas de refus des autorités marocaines, l'accord pourrait être amendé et, de facto, n'inclurait plus que les produits du territoire marocain "non contesté", à l'instar de l'accord commercial liant le Maroc aux Etats Unis : techniquement cela impliquerait une différenciation par l'étiquetage des produits en provenance du Sarah occidental, mesure à laquelle le gouvernement marocain est fortement opposé.
    • De manière plus "pragmatique", un rejet du pourvoi pourra simplement entrainer la reformulation des termes de l'accord comme cela s'est déjà produit par le passé.
Un désaccord qui sort bien évidemment du strict cadre économique : le rapport de force diplomatique qui s'est amorcé, ainsi que les récentes prises de position des gouvernements belge et allemand en faveur du Maroc l'attestent.
La France et la Haute Représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (Catherine Ashton) ont également apporté leur soutien public au Royaume.

D'un côté le Maroc dont le positionnement sur l'échiquier international s'affirme : barrière aux flux migratoires et à la menace terroriste, terreau fertile pour les industries européennes à la recherche d'un nouveau souffle, coordinateur du Groupe africain à l'OMC (cf. Atmosphère Internationale de février 2016), pays Président de la COP22 (novembre 2016) et de la zone EUROMED jusqu'en 2018 (cf. Atmosphère Internationale de mars 2016) !

De l'autre, l'Union européenne, premier partenaire économique et principal pourvoyeur d'aide au développement du Maroc (730 millions EUR entre 2014 et 2017, à quoi s'ajoutent d'autres soutiens et de nombreux prêts de la BEI*), dont les devises issues des exportations de produits agricoles marocains contribuent à combler le déficit commercial du Royaume...

Au regard du rapport de force, ni le Maroc ni l'Union européenne n'ont intérêt à suspendre leurs relations. Ainsi, la polémique devrait rapidement trouver une issue.

Une situation qui confirme cependant la place qu'entend prendre le Maroc aujourd'hui en se positionnant d'égal à égal avec ses partenaires économiques. La forte dynamique de croissance engagée ces dernières années par le Royaume (cf. Atmosphère Internationale d'octobre 2015) rend somme toute légitime une telle posture.

* BEI : Banque Européenne d'Investissement

Depuis sa filiale à Casablanca, ACTE International met ses compétences et son approche transversale du Supply Chain Management au service des entreprises internationales et des institutions locales au Maroc, dans le reste du Maghreb et sur l'ensemble du continent africain.
Consultez la vidéo en ligne de notre séminaire Web du 08/03/2016 sur la
Catégorisation douanière et fiscale marocaine
Imprimer  M. FOURCADE
Source(s) : le360.ma / curia.europa.eu (février 2016)
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