|
Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce
international
Thème |
NORMES / CONFORMITE / SECURITE |
Pays |
UE / USA |
Date |
mai 2016 |
|
|
TTIP UE/USA : la guerre des
normes profitera-t-elle aux consommateurs ? | |
Synthèse : Contrairement à certaines
idées reçues, les normes sanitaires et de protection
du consommateur aux Etats-Unis ne sont pas systématiquement
inférieures à celles de l'Union européenne :
plus souples outre-Atlantique en ce qui concerne les produits alimentaires
et l'utilisation des OGM, elles sont en revanches plus restrictives
lorsqu'il s'agit des jouets ou des dispositifs médicaux...
Selon la directrice générale du BEUC* interviewée
récemment par 60 millions de consommateurs, ce qui différencie
réellement l'Union européenne et les Etats-Unis c'est
l'approche réglementaire elle-même : alors que l'UE
instaure des normes basées sur le principe de précaution
à chaque maillon de la chaîne de fabrication, les Etats-Unis
préfèrent contrôler le risque à la dernière
étape avant la mise sur le marché...
Les questions de traçabilité et de transparence
dans les process et méthodes de production/fabrication sont
beaucoup moins centrales pour les Américains, ce qui a comme
principal avantage de réduire fortement les procédures...
et les coûts (cf. Atmosphère
Internationale de mars 2014) !
L'alignement des règlementations par "reconnaissance
mutuelle", tel que proposé par le Transatlantic Trade
and Investment Partnership (TTIP ou TAFTA), facilitera la tâche
des industriels exportateurs des deux côtés de l'Atlantique
puisque les produits autorisés dans l'UE le seront automatiquement
aux USA... et vice-versa (cf. Atmosphère
Internationale de décembre 2015).
C'est donc au consommateur que reviendra la responsabilité
d'évaluer si le produit américain est plus ou moins
"sain", "eco-friendly" ou "sécure"
qu'un produit européen similaire... Ce qui pose concrètement
la question de la capacité d'information et de discernement
du consommateur, au-delà du prix d'achat !
Par ailleurs, même si le principe de reconnaissance mutuelle
est validé, le traité prévoit la mise en place
de structures de négociation et de " coopération
réglementaire " : rien ne garantit donc qu'à
terme certaines normes européennes plus strictes ne seront
pas "diluées" pour s'harmoniser aux standards US...
les lobbyistes américains qui bénéficient d'un
solide soutien de leur administration devraient fortement peser dans
ce sens.
* BEUC
(Bureau Européen des Unions de Consommateurs) : 41 associations
de consommateurs dans 31 pays. |
|
Avis de l'expert : Si
le TTIP est mis en place dans son cadre actuel, le seul avantage potentiel
pour le consommateur européen sera d'accéder à
moindre coût aux produits américains... et éventuellement
de voir son pouvoir d'achat amélioré par un regain de
concurrence sur certains produits et services dans la zone UE.
Cet arbre-là cacherait-il une forêt ? En tout cas, quelques
questions techniques méritent d'être posées :
Comment le consommateur sera-t-il en mesure de s'informer correctement
afin de comparer objectivement deux produits similaires ne répondant
pas aux mêmes normes (CE/US) ?
Seule une collaboration étroite entre les deux rives de l'Atlantique
pourrait permettre d'échanger, de centraliser et de mettre
à disposition du public ces informations, ce qui implique qu'administrations
et acteurs économiques européens et américains
s'entendent par secteur d'activité et investissent dans des
outils capables de remplir cette tâche : c'est notamment ce
qu'appelle de ses vux le BEUC... Rêve pieux ?
Quels seront les recours du consommateur en cas de problème
avec l'utilisation d'un produit mis sur le marché UE sans être
en conformité avec les normes européennes ?
Il existe bien entendu un cadre juridique permettant au consommateur
de demander réparation d'un préjudice, mais quelle juridiction
compétente (nationale ou communautaire) sera à même
de statuer si le problème constaté sur un produit "Made
in USA" enfreint les normes en vigueur aux Etats-Unis ?
Comment feront les autorités de contrôle communautaires
pour identifier à l'importation et exclure du marché
des produits à risque ?
Les services des douanes nationaux sont actuellement en charge du
contrôle normatif aux points d'entrée des importations
sur le territoire de l'UE. Un outil commun de surveillance et d'alerte
pour les produits à risque interceptés dans le cadre
de ces contrôles a été mis au point pour informer
les administrations et prévenir le grand public (cf. Atmopshère
Internationale de mai 2016).
Chaque type de risque pouvant faire l'objet d'une saisie des douanes
et/ou d'un retrait du marché est défini par le fait
qu'il contrevient à une ou plusieurs normes UE en vigueur :
comment dans ce cas évaluer la dangerosité d'un produit
autorisé à l'importation sans être soumis aux
mêmes critères de conformité ?
Quid des class actions ? Si le cadre juridique outre-Atlantique
offre la possibilité aux citoyens de mener des actions de groupe
rapides et efficaces contre les entreprises qui ne remplissent pas
leurs obligations ou leur contrat moral vis-à-vis du consommateur,
ce qui équilibre en quelque sorte le rapport de force et palie
certaines des failles du système réglementaire, on est
encore bien loin du compte en Europe, même si certains Etats
comme la France avancent sur ce sujet (cf. Atmosphère
Internationale d'octobre 2015).
En marge du débat de fond sur l'impact macroéconomique
du TTIP, la divergence d'approche sur les cadres normatifs et réglementaires
de mise sur le marché des produits et services est une problématique
lourde dont les conséquences directes et indirectes seront
multiples et profondes.
Et force est de constater qu'en matière de protection du consommateur
et de l'environnement, le traité n'a pas été
conçu pour "harmoniser par le haut" avec un réel
souci de transparence... Nombreuses sont les ONG, dont le BEUC qui
tentent de peser dans les négociations afin d'obtenir des garanties
suffisantes dans ce domaine. L'avenir dira si leurs actions auprès
des politiques et de l'opinion publique porteront leur fruit... |
|
|