Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème RSEE INTERNATIONALE
 Pays FRANCE  Date mars 2015

Devoir de vigilance des multinationales : la proposition de loi revient !

Synthèse : La proposition de loi sur le "devoir de vigilance" des sociétés opérant à l'international vis-à-vis de leurs filiales et sous-traitants à l'étranger est de nouveau sur les rails ! Après avoir été retoqué en début d'année, le texte modifié sera bientôt présenté à l'Assemblée Nationale. Moins exigeant que le projet initial, il constitue tout de même le socle d'un cadre législatif français contraignant en matière de responsabilité sociale, éthique et environnementale (RSEE) à l'international...

La première proposition de loi visant à inscrire et encadrer au niveau législatif la notion de diligence raisonnable ("due diligence") pour les multinationales avait été rejeté en janvier dernier par la Commission des lois (cf. Atmosphère Internationale de janvier 2015). Le texte remanié a été récemment validé et sera donc soumis officiellement à l'approbation des députés le 30 mars prochain*.

La clé de voûte de cette proposition de loi réside dans la contrainte de mise en œuvre d'un "plan de vigilance" comportant des mesures "propres à identifier et à prévenir la réalisation de risques d’atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, de dommages corporels ou environnementaux graves ou de risques sanitaires résultant de ses activités". Les risques de corruption sont également intégrés dans ce texte dont le périmètre de responsabilité englobe les filiales, sous-traitants et fournisseurs directs et indirects.

Par rapport au projet initial, deux points majeurs ont toutefois été modifiés :
  • La contrainte légale de mise en œuvre du plan de vigilance ne concernera que les grandes entreprises :
    • A partir de 5000 salariés pour les sociétés dont le siège social est fixé en France

    • A partir de 10 000 salariés pour les multinationales sises à l'étranger
    Les PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) sortent donc du champ d'application de la proposition de loi.


  • Seule la responsabilité civile des entreprises pourra être engagée (jusqu'à 10 millions d'euros) : la responsabilité pénale, jugée juridiquement trop fragile, a été retirée du texte original.
* Texte officiel de la 2ème "Proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre" à disposition de nos abonnés sur simple demande.
Avis de l'expert : Précurseur de la "hard law" française en matière de RSEE internationale (cf. Atmosphère Internationale de juin 2014), le texte qui sera débattu fin mars à l'Assemblée n'encadre toutefois pas strictement le contenu du "plan de vigilance". Elle laisse à la charge des sociétés l'identification et la cartographie de leurs propres risques, et attend d'elles "qu’elles prennent les mesures raisonnablement en leur pouvoir pour les éviter".

En réalité, c'est l'obligation de communication au public du plan de vigilance qui en constitue la principale contrainte : nul doute que les associations, syndicats et ONG concernés sauront s'en servir pour demander des comptes aux multinationales !
On notera d'ailleurs que le texte admet la recevabilité de plaintes émanant de lanceurs d'alerte individuels, puisque ceux-ci sont implicitement mentionnés dans la formule "toute personne justifiant d’un intérêt à agir"...

A l'instar des cadres juridiques anglais ou américains, une grande latitude est laissée au juge qui sera saisi des affaires de manquement au devoir de vigilance pour appréhender le niveau d'engagement des sociétés en matière de diligence raisonnable. Dans ce domaine, ce seront donc les jurisprudences nationales et internationales qui prévaudront... Soulignons toutefois que le plafond de 10 millions d'euros pour une amende civile en cas de condamnation apparaît relativement faible si l'on se réfère aux dernières affaires de corruption transnationale jugées outre-Atlantique (cf. Atmosphère Internationale de janvier 2015).

Par ailleurs, certains s'interrogent sur l'efficacité réelle de cette loi qui, selon les critères de ciblage, ne serait applicable qu'à environ 150 grosses sociétés ayant pour la plupart déjà élaboré et mis en œuvre des plans d'actions similaires au "plan de vigilance"...

Mais, ne nous y trompons pas : même si la deuxième version du texte apparaît plus édulcorée que la première, cette loi une fois adoptée constituera une véritable base pour l'élaboration d'un cadre législatif qui ne manquera pas de se renforcer et de s'étendre dans les années à venir ! Il est donc primordial pour les entreprises françaises qui travaillent à l'international d'entreprendre au plus vite un diagnostic RSEE de leur supply chain, afin d'anticiper les risques et de préparer la mise en œuvre de leur plan de vigilance.

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Imprimer  M. FOURCADE / M. ANTIER
Source(s) : Les Echos / Assemblée Nationale (mars 2015)
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