Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème COMMERCE INTERNATIONAL
 Pays MONDE  Date février 2017

Commerce international 2017 : une grande partie de poker menteur ?

Synthèse : Dénonciation des grands traités et accords de libre-échange par les Etats-Unis, décrochage britannique de l'UE (Brexit), brèches et tensions dans l'union des 27 pays européens, "Plan Marshall" des Chinois,… L'heure n'est plus aux escarmouches commerciales ni aux négociations feutrées : la géopolitique mondiale est en effervescence et le commerce international ressemble plus que jamais à un vaste jeu de poker menteur.

Février, les yeux dans le rétroviseur pour clôturer l'exercice 2016, et les mains sur le volant pour tenir la route des prévisionnels ? Les comptables et experts prévisionnistes mondiaux aussi, sont en pleine activité ! Le FMI inscrit à son bilan mondial 2016, 152 000 milliards USD de dette publique et privée (soit 2,25 fois le PIB mondial), et l'OCDE parie sur une croissance mondiale de 3,3% en 2017... à pondérer selon les risques géopolitiques qui s'accumulent dans la stratosphère !

Le Royaume-Uni de Theresa May veut imposer ses conditions de sortie de l'UE par un chantage au dumping social et fiscal. Info ou intox ? Une tactique qui met à mal les exportateurs britanniques dont le CA est réalisé à 45% avec leurs partenaires européens.

L'Amérique de Donald Trump maltraite ses partenaires commerciaux européens, asiatiques autant que latino-américains arguant d'une capacité d'autarcie économique construite sur une stratégie de priorité nationale dont il n'a pas les moyens industriels et humains. Le 45ème président des Etats-Unis adosse son programme à une politique monétaire surnommée "Helicopter Money" qui consiste à financer la dette publique des Etats-Unis en actionnant la planche à billets... pour combien de temps ?

La Chine poursuit le déploiement de son programme "'One Belt, One Road" initié en 2013, sur la zone Eurasie dans un premier temps, puis l'Océanie et l'Afrique de l'Est. Un Plan Marshall "à la chinoise", financé par l'AIIB (Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures) (cf. Atmosphère Internationale d'avril 2015) pour rétablir et prendre possession des principales routes commerciales (ex-routes de la Soie) maritimes et terrestres (cf. Atmosphère Internationale d'avril 2016 et mars 2013). Une expansion logistique et commerciale qui s'accompagne désormais d'un vaste programme de promotion de la culture chinoise par l'implantation d'écoles, d'universités et de centres de formation professionnelle.

Pendant ce temps, l'UE se débattait à Malte le week-end dernier pour se choisir une ligne de conduite face aux attaques américaines, et tenter de gommer les dissensions internes notamment sur la question centrale de la gestion des réfugiés d'Afrique et du Moyen-Orient...
Avis de l'expert : Dans la foulée des dernières décisions prises par le nouveau Président des Etats-Unis en matière de commerce extérieur, on peut s'attendre à une remise en cause générale des accords multilatéraux et une réduction du rôle de l'OMC dans un proche avenir.

Sans surprise, la contrepartie est la relance des négociations et accords commerciaux bilatéraux "à l'ancienne", c'est à dire où le plus fort impose ses conditions au plus faible, en dehors de tout cadre ou garde-fou international... Des accords "sur mesure" qui vont dans le sens inverse d'une simplification des réglementations et procédures pour les opérateurs du commerce international (cf. Atmosphère Internationale de décembre 2013).

Sans parler des instabilités géopolitiques liées à la Syrie, la Turquie, les pays de l'OPEP et la baisse des fonds souverains, l'Ukraine et la Russie... Quelles conséquences sur les flux de commandes internationales ? De nouveaux risques et, peut-être, de nouvelles opportunités !

Si Donald Trump surtaxe les produits asiatiques à l'importation, les acheteurs européens regagneront du pouvoir de négociation chez leurs fournisseurs. Mais la Chine accélèrera son développement commercial en Asie et en Afrique, en concurrence frontale avec les industriels et investisseurs occidentaux (cf. Atmosphère Internationale d'octobre 2014). A moins que le taux record d'endettement de la Chine ne l'amène au bord du krach bancaire (cf. Atmosphère Internationale de décembre 2016) !

Si Theresa May n'obtient pas d'accord de libre-échange post-Brexit, au mieux des formalités en douane seront rétablies, au pire des droits et taxes seront réinstaurés à l'import sur le territoire de l'UE (cf. Atmosphère Internationale d'octobre 2016). Dans ces conditions le Royaume Uni pourrait à son tour perdre son unité : Irlande du Nord, Ecosse et Pays de Galle déclarent souhaiter rester dans l'Union européenne.

Enfin, si l'UE ne parvient pas à coaliser ses membres, elle sera sans doute contrainte de constituer une union économique "resserrée" autour de la France et l'Allemagne, un sous-périmètre de la zone Euro, au risque de tourner le dos aux principes fondamentaux de la construction européenne... Mauvais présage 60 ans pile après la naissance de la CEE !
Imprimer  A. LE ROLLAND
Source(s) : www.usinenouvelle.com (décembre 2016 - janvier 2017)
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