Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème RSEE INTERNATIONALE
 Pays MONDE  Date novembre 2016

Risque éthique : le transport maritime, maillon faible de la RSE internationale ?

Synthèse : Les 90 000 cargos qui sillonnent les océans pour transporter 80% des marchandises échangées dans le monde, restent quasiment invisibles dans la cartographie des risques éthiques de la supply chain internationale : dès lors, qui se soucie des conditions de travail et de vie à bord de ces équipages constitués de marins peu qualifiés, souvent issus de régions très pauvres (Philippines, Inde, Chine, Europe de l'Est), et donc vulnérables à des pratiques relevant de l'esclavage moderne ? Il existe des lois et des réglementations, mais encore faut-il les connaître afin de pouvoir s'assurer de leur respect dans le cadre du devoir de vigilance et de diligence raisonnable de l'entreprise...

Cet été, sous le couvert du UK Modern Slavery Act de 2015 (cf. Atmosphère Internationale de septembre 2015), les autorités du Royaume-Uni ont mis en place les premiers contrôles sur les conditions de travail à bord des navires suspectés de pratiquer l'esclavage moderne, allant jusqu'à immobiliser les bâtiments contrevenants au port !

En septembre, une conférence internationale organisée par l'ONG "Human Rights at Sea" a rassemblé des représentants du transport maritime, des ONG et des syndicats du secteur, afin de remettre la question des droits de l'homme pour les gens de mer au centre du débat.

La crise historique du fret maritime international, qui touche actuellement l'ensemble des compagnies maritimes (cf. Atmosphère Internationale de septembre 2015), accentue le risque de dégradation des droits de l'homme à bord des navires : ce sont les équipages qui paient les pots cassés d'une compétition acharnée sur les taux de fret, alors que l'offre excède très largement la demande...

De fait, une véritable démarche de diligence raisonnable s'avère très compliquée pour les entreprises qui sous-traitent la gestion de leurs flux internationaux en raison du modèle structurel complexe du transport maritime. Ce secteur clé du commerce mondial repose en effet sur de multiples intermédiaires souvent établis dans des pays différents : les propriétaires-investisseurs, les exploitants du navire, les agences de recrutement des équipages, les marins eux-mêmes,...

Avec le système des pavillons de complaisance (70% du tonnage transporté mondialement), permettant à un armateur d'enregistrer ses navires dans un pays où les frais d'immatriculation sont réduits, la fiscalité légère et l'application de la réglementation quasi inexistante (Panama, Libéria, Iles Marshall,...), la chaîne de responsabilité en cas d'atteinte aux droits de l'homme est des plus opaques !

L'ITF (Fédération Internationale des syndicats de travailleurs du Transport), dont les inspecteurs interviennent régulièrement à bord des navires alertés par des membres d'équipage ou des dockers du port, apporte un soutien actif aux travailleurs embarqués. Mais son action est pour une large part circonscrite au bout de la chaîne...

L'amélioration des conditions de travail et le respect des droits de l'homme pour les professionnels de mer nécessite de démêler l'écheveau complexe des relations entre les différentes parties prenantes de la gestion d'un navire, et les compagnies maritimes ont un rôle central à jouer dans ce sens.
Avis de l'expert : L'ONG Human Rights at Sea souligne, dans un secteur très particulier, ce que la Confédération Syndicale Internationale (CSI) constate de manière générale dans son rapport 2016 : les droits des travailleurs s'affaiblissent dans toutes les régions du monde (cf. Atmosphère Internationale de septembre 2015) !

Au-delà du schéma binaire approvisionnement/distribution, les prestataires de services en transport international sont au cœur de l'organisation opérationnelle. Or, ce secteur est très souvent oublié dans la cartographie des risques RSE de l'entreprise, alors même que les enjeux sociaux et humains y sont particulièrement saillants.

Il existe un arsenal juridique important régissant ce secteur au niveau international grâce aux conventions de l'Organisation Maritime Internationale (OMI) pour la sécurité des navires (piratage) et la protection du milieu marin (pollution)... Mais les règles liées au respect des droits de l'homme et des travailleurs n'y sont quasiment pas traitées.

Il faut aller chercher auprès de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) la "Charte des droits des gens de mer", convention du travail maritime dite MLC 2006*, entrée en vigueur en août 2013, qui énonce clairement les conditions de travail décentes : âge minimum, contrat d'engagement maritime, durée du travail et du repos, paiement des salaires, rapatriement en fin de contrat d'engagement, soins médicaux à bord, encadrement des agences de recrutement, logement, alimentation, sécurité et prévention des accidents.

Ratifiée par plus de 80 Etats, cette convention a été complétée par plusieurs directives notamment sur les inspections du pavillon et le contrôle du port. Elle a été intégrée en droit communautaire et déclinée dans les droits nationaux des signataires (2012 en France).
Signataires parmi lesquels on retrouve tous les pays actuellement montrés du doigt pour leur très faible implication en faveur du respect des conditions de travail à bord des navires arborant leur pavillon national : des Etats où le gouvernement n'a pas la volonté politique de contrôler l'application effective des lois.

La concentration du secteur du transport maritime actuellement à l'œuvre pourrait toutefois jouer en faveur d'une réduction du risque éthique dans les prochaines années : les grandes compagnies qui absorbent leurs concurrents les moins résistants à la crise, auront en effet tout intérêt à ne pas être exposées à un risque de réputation important qui pourrait les mettre en difficulté... Les ONG se chargent de rester sur le qui-vive, mais il revient toutefois aux transitaires, chargeurs et opérateurs du commerce d'être particulièrement exigeants et vigilants vis-à-vis des armateurs à ce sujet.

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A consulter en ligne > Enregistrement vidéo du 29/09/2016 :
Les audits RSE : outils de "due diligence"
Imprimer  E. BESSIRON BESSIRON / S. THONNERIEUX
Source(s) : https://maplecroft.com / www.developpement-durable.gouv.fr (octobre 2016)
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