Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème SOCIAL / ETHIQUE / RSE
 Pays CAMBODGE / ASIE  Date mai 2014

Salaire minimum : les pays "low-cost" entre le marteau et l'enclume

Synthèse : Au Cambodge, des manifestations particulièrement violentes ont vu s'affronter en janvier dernier les ouvriers du textile aux forces de sécurité gouvernementales. Ces émeutes faisaient suite à l'annonce par le gouvernement cambodgien d'une revalorisation du salaire minimum de ce secteur à 100 USD/mois (72 €), bien en deçà des 160 USD/mois revendiqués par les syndicats d'ouvriers sur la base d'une estimation du revenu minimum vital établi par plusieurs ONG. Le Cambodge fait partie des cinq pays présentant les plus bas coûts de main d'œuvre au monde avec le Bangladesh, le Myanmar, le Laos et l'Ethiopie.

Ce très bas niveau de salaire reste le facteur d'attractivité essentiel pour les grandes marques internationales du textile-habillement, même si la part des coûts salariaux ne représente en moyenne que 20% du prix de l'article en sortie usine.
La peur de voir les gros donneurs d'ordre, qui représentent 85% des exportations du Cambodge, délocaliser leur sourcing vers des pays encore moins chers est la principale raison invoquée par les autorités et le patronat pour justifier la faible augmentation du salaire minimum.

Pourtant la question du revenu du travail au Cambodge relève de l'état d'urgence !
Les jeunes provinciales qui constituent l'essentiel de la masse ouvrière dans les usines textile sont les premières victimes de cette stratégie du moins-disant : selon l'ONG Labour Behind the Label, 33% d'entre elles sont dans un état de santé critique dû à la malnutrition, et les très mauvaises conditions de travail (chaleur suffocante, mauvaise aération, vapeurs chimiques, heures supplémentaires,…) viennent souvent aggraver la situation.

Au niveau global, 60% des travailleurs cambodgiens de plus de 15 ans sont employés dans le secteur informel, c'est à dire hors de tout cadre administratif officiel...
Avis de l'expert : Il ne se passe plus une semaine sans que n'éclatent de par le monde des troubles sociaux liés aux revendications des travailleurs pour un salaire minimum décent.

Alors que le salaire minimum moyen chinois a doublé en l'espace de 5 ans, favorisant l'émergence d'une classe moyenne capable de soutenir la croissance du marché intérieur (cf. Atmosphère Internationale de mai 2013), les pays qui s'accrochent aux parts de marché "ultra" low-cost abandonnées par l'Empire du Milieu s'enfoncent inexorablement dans le marasme social.

La notion de salaire minimum décent est pourtant clairement définie par l'OIT (Organisation Internationale du Travail) comme une rémunération respectant au minimum la législation nationale mais devant être suffisante pour couvrir les besoins fondamentaux quotidiens des travailleurs et de leur famille.
En pratique, dans la plupart des pays asiatiques cette notion est appliquée selon un système complexe d'échelons administratifs (état, région, province, ville,...), de variables sectorielles (public/privé, secteur d'activité, niveau de qualification,...), voire de critères sociaux discriminants (cf. Atmosphère Internationale d'avril 2013).

Au-delà de la couverture des besoins fondamentaux et de l'accès à des conditions de vie décentes, le salaire minimum est devenu un outil de gouvernance stratégique pour toutes les économies de l'Asie du Sud-Est… et un combat qui mobilise les travailleurs du monde entier.
Car s'il permet d'apporter un cadre réglementaire et de renforcer la stabilité du marché du travail, le salaire minimum se doit de n'être que la première étape vers une meilleure qualification et un meilleur salaire pour les ouvriers de base : les syndicats ont évidemment leur rôle à jouer dans cette évolution.

De toutes façons, les marques occidentales ne peuvent indéfiniment accentuer leur pression pour obtenir des prix d'achat toujours plus bas : les gouvernements des pays de sourcing low-cost n'ont pas d'autre choix que de faire progresser le niveau de salaire minimum, que ce soit pour éviter l'embrasement social, pour se conformer aux exigences des organisations internationales ou des traités bilatéraux, ou pour assurer la construction d'un marché intérieur permettant de stabiliser leur économie (cf. Atmosphère Internationale de novembre 2013).

Pour un donneur d'ordre, quitter le pays de production où le niveau des salaires augmente pour recréer des conditions de production à bas coût dans un pays encore plus pauvre n'est qu'une fuite en avant qui trouvera rapidement ses limites pour au moins trois raisons :
  • La mondialisation favorise la propagation à la planète entière des mêmes aspirations à plus de justice sociale (de l'Europe à l'Asie en passant par l'Afrique et même aux Etats-Unis).
  • Un cadre juridique plus contraignant se met actuellement en place au niveau des Etats et des institutions internationales pour encadrer la responsabilité des multinationales sur les conséquences directes et indirectes de leurs activités.
  • Sensibilisés par les ONG et certains pouvoirs publics, les clients finaux ne veulent plus consommer des produits "à l'aveugle", sans s'assurer qu'ils ont été fabriqués dans des conditions conformes à leurs valeurs éthiques.
Il ne faut pas changer de lieu de production, il faut changer de modèle économique ! Accepter de payer un peu plus cher pour que chacun y trouve son compte …
Colloque RSE Internationale à Voiron (38), Mardi 03/06/2014 de 9h00 à 17h30
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Source(s) : Courrier International (30/04/2014)
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