Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème REGLEMENTATION REACH
 Pays CHINE / UE  Date mars 2014

Sécurité des produits chimiques : où en est la Chine ?

Synthèse : La mission interministérielle française de septembre 2013 sur la réglementation et la sécurité des produits chimiques en Chine (cf. Atmosphère Internationale de janvier 2014), a fait l'objet d'un rapport d'évaluation du niveau de convergence entre "China REACH" et la réglementation communautaire en vigueur : perception de REACH UE par les Chinois, dispositions nationales, difficultés de mise en œuvre de part et d'autre, etc.

Premier constat, si les réglementations REACH et CLP de l'Union européenne sont effectivement présentées comme modèles par les autorités chinoises, seuls les gros industriels du secteur chimique en ont une connaissance approfondie, et leur perception est surtout focalisée sur les obligations d'enregistrement : les étapes de l'autorisation et de la restriction sont encore mal maîtrisées.
Sur le terrain, le décalage reste important avec les utilisateurs en aval, notamment les fabricants d'articles, peu familiarisés avec le sujet REACH. Ce décalage est tout à fait similaire à celui constaté en Europe au début de la mise en œuvre de la règlementation communautaire.

Malgré des efforts de sensibilisation et de formation engagés par les autorités chinoises et l'UE au niveau de groupes de travail sectoriels (chimie, textile, jouets, etc.) et des CCI provinciales, les industriels chinois sont encore nombreux à considérer REACH comme une barrière non tarifaire aux importations de leurs produits sur le territoire communautaire.
Ils se plaignent notamment du coût élevé de l'enregistrement des substances, de leur difficulté à se faire entendre au sein des forums d'échanges (SIEFs), du manque d'assistance de la part de l'UE et de l'ECHA, d'être obligés de divulguer des informations confidentielles... Les chiffres semblent leur donner raison : entre 2005 et 2012, la croissance du commerce chimique Chine / UE a été sensiblement moins forte qu'avec le reste du monde.

Evolution de la réglementation chinoise sur les produits chimiques
Du côté de la réglementation chinoise, la délégation française a pu constater qu'elle était fournie et en pleine évolution !
  • 3 700 substances dangereuses et 150 très toxiques ont été recensées depuis 2011.
  • Depuis 2010, toutes les substances chimiques nouvelles font l'objet d'un enregistrement électronique (cf. Atmosphère Internationale d'avril 2010).
  • Un inventaire de 45 000 substances recensées a été publié l'année dernière.
  • En tout, 26 catégories de dangers ont été répertoriées dans le cadre du GHS chinois.
  • Des normes spécifiques relatives aux règles de mise sur le marché et aux fiches de données de sécurité ont été publiées entre 2008 et 2010.
Enfin, le 12ème plan quinquennal de la Chine pour la prévention et le contrôle des risques chimiques et environnementaux présente ce sujet comme un enjeu prioritaire : la Cour Suprême chinoise a même décrété en juin 2013 que la peine de mort pourrait être appliquée pour les affaires de très grave pollution par des rejets toxiques !

Déploiement de la réglementation sur le territoire chinois
Du fait de la complexité de l'organisation administrative chinoise (4 niveaux : fédéral, provincial, district, municipalité), cet arsenal réglementaire peine à être appliqué uniformément sur le terrain. L'UE doit soutenir ses efforts de coordination avec la Chine, notamment sur le problème sensible des substances dangereuses prioritaires (CMR et perturbateurs endocriniens entre autres).

Organismes et procédures de contrôle
  • Les autorités chinoises se sont dotées d'organismes de contrôle dans chaque ministère concerné, le plus actif étant l'AQSIQ qui représente la Chine à l'OMC et dispose de 10 laboratoires d'analyse : les contrôles portent à la fois sur les produits à l'import et à l'export (substances, mélanges et articles), mais sont modulés en fonction de la " fiabilité " des entreprises : leur fréquence et leur justification peuvent donc être très aléatoires.
  • La FDA chinoise (Food and Drug Administration) mène de nombreuses inspections sur les produits cosmétiques, sujet sensible sur lequel s'opposent les réglementations européenne et chinoise concernant le délicat sujet de l'expérimentation animale.
  • Les sites industriels sont également contrôlés par le ministère de l'environnement, mais il n'y a pas de communication sur les résultats. Les ONG comme Greenpeace orientent ponctuellement leurs actions sur ces problèmes de rejets.

  • Points de blocage
    Les divers interlocuteurs rencontrés par la délégation française déplorent le faible investissement de l'industrie chimique chinoise dans la recherche et l'innovation, et le manque de synergie entre experts gouvernementaux et industriels.
    Les entreprises et autorités chinoises soulignent par ailleurs le fait que les divergences entre les règlements CLP de l'UE, GHS de l'ONU et GHS de la Chine représentent une importante source de confusion.
    La Chine souhaiterait une meilleure reconnaissance de ses bases scientifiques et réglementaires par l'UE, sans pour autant s'inscrire dans le système de reconnaissance mutuelle des membres de l'OCDE.
    De leur côté, les européens se plaignent des exigences écotoxicologiques spécifiques chinoises, coûteuses et génératrices de retards...

    * Rapport "Mission interministérielle en Chine - Réglementation et sécurité des produits chimiques (2-6 septembre 2013)" de la DGPR à disposition de nos abonnés sur simple demande.
    Avis de l'expert : Les membres de la délégation interministérielle ont effectivement pu constater que la Chine était fortement engagée sur le sujet de la gestion des produits chimiques… tout du moins dans les textes réglementaires et au niveau des instances nationales. Car sur le terrain, au plus près des entreprises, la réalité est tout autre : fraude, corruption et conflits d'intérêts s'ajoutent aux difficultés d'application et aux lenteurs de diffusion, découlant déjà de la complexité de l'organisation administrative.

    Les échanges et la coopération entre UE et autorités chinoises doivent se poursuivre pour arriver à harmoniser au mieux les exigences des législations respectives, afin de fluidifier les échanges, tout en préservant la sécurité des consommateurs et la qualité de l'environnement. Cela pourra se faire sur la base du principe de réciprocité et de l'abandon de dispositions plus protectionnistes que protectrices.

    En attendant, les entreprises européennes important des substances et articles de Chine devront rester extrêmement vigilantes et ne pourront faire l'économie de contrôles additionnels tout au long de leur supply-chain.

    Prochain webinar gratuit sur la thématique REACH :
    Imprimer  A. LE ROLLAND / S. THONNERIEUX
    Source(s) : MEDDE (février 2014)
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