Synthèse : Alors que l'écho des
clameurs de l'EURO 2016 s'estompe à peine, le rapport commandé
par le collectif "Ethique sur l'Etiquette" sur les grands
équipementiers du football, principaux sponsors de la compétition,
pourrait bien gâcher la fin de la fête... Le business
model de ces géants de l'industrie du sport (70% du marché
mondial) y est clairement décrit comme étant en forte
contradiction avec leurs engagements publics en matière de
Responsabilité Sociale, Ethique et Environnementale à
l'international (RSEEI), et le rapport insiste particulièrement
sur leur absence d'implication pour rehausser le salaire des ouvriers
au "minimum vital" dans les usines de leurs sous-traitants...
Selon le BASIC
(Bureau dAnalyse Sociétale pour une Information Citoyenne),
auteur de l'étude parue en mai 2016*, la stratégie
de développement de ces grandes marques du sport est fondée
sur la croissance des volumes de vente via l'innovation technique,
mais surtout le marketing et le sponsoring.
Dès les années 80, pour pallier les dépenses
exponentielles liées aux investissements commerciaux, elles
ont massivement orienté leur stratégie de sourcing vers
la Chine. Puis, ces dernières années, elles ont amené
leurs fabricants chinois, taïwanais et coréens, partenaires
historiques devenus d'énormes multinationales régionales,
à s'implanter dans les pays d'Asie les moins-disants socialement
(Vietnam, Indonésie, Thaïlande, Cambodge et bientôt
Myanmar), dans une course à la réduction des coûts
de fabrication.
Et la part salariale a fondu en même temps que le prix des produits
s'envolait... A tel point qu'aujourd'hui le coût salarial
pour la fabrication du maillot national d'Allemagne de l'EURO 2016
est estimé à 12% du coût de fabrication et 0,7%
du prix de vente final ! (voir illustration ci-contre).
Autre exemple, sur une paire de chaussures à 140,00 EUR, 1,7%
(2,40 EUR) serait la part consacrée à la rémunération
des travailleurs contre 4% il y a 20 ans.
Et l'étude de souligner que le seul montant du contrat de sponsoring
d'une star du foot avec un équipementier permettrait de hisser
pendant un an le salaire de plusieurs dizaines de milliers d'ouvriers
vietnamiens au minimum vital !
Car si les salaires moyens sectoriels pratiqués dans l'industrie
textile sont généralement supérieurs au salaire
minimum national dans les principaux pays de confection, ils restent
partout (sauf en Chine)
inférieurs au niveau de rémunération minimal
permettant aux familles de couvrir leurs besoins fondamentaux (cf.
Atmosphère Internationale
d'août 2014) : -33% au Vietnam, -45% au Cambodge, -50% en
Indonésie et en Inde.
Des pays où les manquements aux droits sociaux (respect du
temps de travail, versement du salaire et des bénéfices
sociaux légaux, droits syndicaux, sécurité) sont
nombreux, même si les conditions de travail ont évolué
positivement au cours des deux dernières décennies,
justement grâce aux politiques RSE menées localement
par les grands donneurs d'ordre internationaux (codes de conduite,
audits sociaux), avec l'appui des grandes organisations internationales
(OIT).
L'application d'un salaire minimum vital dans le secteur du sport
n'est pas un problème de manque de moyens : les fans de
foot et clients de ces marques sont actuellement sollicités
par la campagne en cours de l'ONG française (membre du réseau
européen Clean Clothes Campaign) pour appeler les équipementiers
sportifs à respecter et approfondir leurs engagements éthiques
et sociaux en acceptant notamment de s'impliquer plus fortement
en faveur d'une rémunération décente des ouvriers
dans les pays d'approvisionnement.
* Rapport "Anti-jeu. Les sponsors laissent les travailleurs
sur la touche" à
disposition de nos abonnés sur simple demande. |
Avis de l'expert :
Si le secteur des équipementiers sportifs, principalement
textile-habillement et chaussures, a été l'un
des premiers touchés par les scandales de travail d'enfants
et de travailleurs sous-payés, il est également
celui qui a montré la voie en termes de mise en place
de politique de responsabilité sociétale, éthique
et environnementale dans une supply chain internationale.
Les grandes marques du secteur ont écrit des codes de
conduite exigeants et collaboré avec les ONG locales
et les organisations internationales dans le cadre de leurs
programmes régionaux (Better
Work de l'OIT), afin de déployer des méthodes
d'accompagnement des managers locaux et d'expression protégée
des travailleurs. Elles ont également réalisé
de très nombreux audits sociaux et environnementaux
pour évaluer la progression des situations non conformes.
Mais 20 ans après, les leaders du sportswear se trouvent
face à leurs propres contradictions : la course à
la réduction des prix (l'un des piliers du Lean Management
qui est le modèle d'organisation industrielle appliqué
par le secteur) pour dégager les budgets colossaux de
marketing et de sponsoring, n'est pas compatible avec le
respect des aspirations sociales des travailleurs dans les pays
de production : un travail, un salaire décent, un
accès à la salubrité, la santé,
l'éducation, la modernité et aux loisirs, dans
un environnement préservé.
Des aspirations que reprennent les nouveaux Objectifs du
Développement Durable lancés en septembre
2015 par l'ONU et pour lesquels les grandes entreprises multinationales
du secteur du sport se sont également engagées
(cf. Atmosphère
Internationale de septembre 2015) !
Question de choix de modèle économique, de choix
de société où chaque acteur doit agir dans
le cadre de sa sphère d'influence, de l'actionnaire au
consommateur (sportif ou pas !), en passant par le législateur.
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