Devoir de Vigilance : les entreprises françaises dans le "radar" des ONG

ACTualité

octobre 2020

Loi Devoir de Vigilance France

Plus de 3 ans après la promulgation de la loi française sur le Devoir de Vigilance, et en l'absence de suivi officiel par le gouvernement, le CCFD-Terre Solidaire et Sherpa ont mis à jour leur outil de contrôle : sur les 265 entreprises potentiellement soumises à la loi, près d'1/3 n’ont toujours pas publié de plan de vigilance...

La loi cible les entreprises (forme sociale SA, SE, SCA, SAS) comptant plus de 5 000 salariés en France, ou plus de 10 000 salariés dans le monde (cf. Devoir de vigilance : projet de loi adopté... 1ère échéance au 01/01/2018 !). Cependant, il n’existe à ce jour aucune liste officielle établie par le ministère de l’Economie... et identifier les entreprises dans les bases de données publiques et privées s’avère extrêmement complexe !

L’année dernière, lors de la mise en ligne de leur radar du devoir de vigilanceSherpa et CCFD-Terre solidaire avaient remonté aux pouvoirs publics les difficultés rencontrées, et souligné la nécessité de renforcer les exigences de transparence afin de garantir la mise en application effective de la loi.

Mais le Conseil général de l’économie a refusé la publication d’une liste des entreprises soumises au Devoir de Vigilance en se réfugiant derrière la confidentialité de données fiscales, renvoyant la balle dans le camp des ONG...

Les deux ONG ont donc poursuivi leur travail en mettant à jour leur radar du devoir de vigilance pour 2020, et en formulant plusieurs recommandations afin d'étendre le périmètre d'application de la loi :

Une démarche soutenue par le rapporteur de la loi sur le Devoir de Vigilance qui propose, dans le cadre du plan de relance économique en lien avec la crise sanitaire, de conditionner les aides publiques destinées aux secteurs en difficulté (automobile, aviation,...) au respect de la loi.

Les ONG envisagent par ailleurs plusieurs actions :

  • Mise en demeure des entreprises "hors-la-loi" ;
  • Saisie du tribunal administratif pour exiger du Gouvernement une liste des sociétés soumises à la loi, ou au moins un accès aux données administratives permettant de les identifier officiellement.

Un effet de levier est attendu de la part de la Commission européenne qui travaille actuellement sur une proposition législative s'inspirant notamment de la loi française sur le Devoir de Vigilance : le texte devrait être publié au 1er trimestre 2021, avec pour objectif de créer un cadre réglementaire européen de diligence raisonnable pour les entreprises de l'UE opérant à l'international (cf. Diligence raisonnable et supply chain : l'UE en route vers une réglementation !).

Avis d'expert

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Sylvie THONNERIEUX, Experte - formatrice en Responsabilité Sociétale Internationale chez ACTE International

Les ONG occupent le terrain laissé vacant pour le moment par le Gouvernement, et maintiennent la pression sur les entreprises qui n'ont pas encore publié leur plan de vigilance... ainsi que celles dont les plans proposés ne répondent pas efficacement à la réalité des risques sociaux et environnementaux dans les supply chains internationales !

Plusieurs multinationales françaises ont déjà fait les frais de poursuites en justice pour manquement à leur obligation de "prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement" : un fleuron de l'industrie pétrolière dans le cadre de ses projets d'exploitation en Ouganda et, plus récemment, un grand groupe de distribution agro-alimentaire dont certaines filières d'approvisionnement en viande seraient liées à la déforestation illégale et l'accaparement des terres indigènes au Brésil...

La prochaine Directive européenne sur la diligence raisonnable et la responsabilité des entreprises, attendue en 2021, devrait effectivement clarifier les responsabilités des uns et des autres, tout en élargissant l'application de ses exigences à toutes formes et tailles d'entreprises.

On peut également s'attendre à ce qu'un volet "surveillance" y soit intégré, instaurant d'éventuelles sanctions administratives et pénales pour les manquements les plus graves.

Pour aller plus loin...

ACTE International, spécialiste en Global Supply Chain Management et cabinet d'audit international et d'expertise-conseil en RSE réalise votre cartographie des risques et vous accompagne dans le déploiement de votre plan de vigilance et politique éthique en Asie, Afrique, Europe et Amériques.

Source(s) : ccfd-terresolidaire.org | ksapa.org

Rédacteur(s) : L.VERBOUW -  S.THONNERIEUX