Commerce mondial : jusqu’où ira le protectionnisme américain ?

Atmosphère Internationale

June 2018

Commerce international USA

Le président Trump avait annoncé le 23 mars dernier qu'il souhaitait augmenter les droits de douane à l'importation sur l'acier et l'aluminium : une mesure unilatérale de protection du marché qui n'en finit pas de faire des vagues et de provoquer des réactions en chaîne... Alors que le G7 se réunit pour un nouveau sommet, les rapports économiques et politiques entre les États-Unis et ses principaux partenaires ont atteint un point de tension extrême : de quoi laisser perplexes et inquiets les opérateurs économiques du monde entier.

Thème :

Commerce international

Pays :

Etats-Unis / Monde

Invoquant la section 232 du "Trade Expansion Act" de 1962 qui permet au gouvernement américain de restreindre les importations de biens jugés sensibles et donc préjudiciables à la sécurité nationale, Donald Trump a décidé de réhausser les barrières tarifaires à 25% pour l'acier et 10% pour l'aluminium.

Devant l'indignation suscitée, il avait temporairement exempté l'Union européenne, le Mexique, le Canada, l'Australie, l'Argentine, le Brésil et la Corée du Sud jusqu'au 30 mai 2018.

Depuis, certains pays exemptés ont négocié des accords de principe : la Corée du Sud a accepté la mise en place de quotas, tandis que l'Argentine, l'Australie et le Brésil ont annoncé vouloir prendre des dispositions pour limiter leurs exportations à destination des États-Unis...

Pour l'UE, le Canada et le Mexique, en revanche, le Secrétaire américain au commerce a confirmé l'application effective des droits de douane additionnels au 1er juin 2018.

La riposte de Bruxelles ne s’est pas faite attendre puisque la Commission européenne a activé le levier de contre-mesures visant l’application de droits additionnels sur une sélection de produits "made in USA" emblématiques : produits en acier, bourbon, beurre de cacahuète, motos, jeans,... Le tout pour une valeur estimée à 2,8 milliards EUR.

En cas d'insuccès, le recours à des mesures dites « de sauvegarde » est envisagé pour faire pression sur Washington.

Rappel : la mesure de sauvegarde est un dispositif réglementaire autorisé par l'OMC en cas d'afflux massif et soudain d’importations risquant de perturber sérieusement ou de menacer l’industrie du pays importateur.

Dans le reste du monde, chaque pays y va de son annonce pour faire bonne mesure : 

  • Le Canada veut imposer des taxes à partir du 1er juillet sur les importations américaines d'acier et d'aluminium, ainsi que sur une série de produits de consommation (produits alimentaires, électroménager,...).
  • Au Mexique, même stratégie : le gouvernement souhaite mettre en place des taxes sur plusieurs produits agricoles américains, ainsi que sur l'acier ou le bourbon.
  • La Turquie, 8ème pays producteur d'acier, va plus loin encore en annonçant vouloir taxer les importations américaines de charbon, de tabac, de whisky mais aussi les automobiles, les cosmétiques, les machines-outils, ou encore les équipements et produits pétrochimiques... dès le 21 juin !
  • Le Japon, n'a pas encore donné de liste précise mais envisage également de surtaxer certains produits ciblés.

Pour ce qui est des plaintes déposées auprès de l'OMC, le dossier s'épaissit à vue d'oeil : celles de l'UE, du Canada et du Mexique ont rejoint celles de la Chine et de la Russie qui avaient ouvert le ban dès avril.

Avis de l'expert : 

Alors que l’économie mondiale affiche un taux de croissance solide et inédit depuis la crise financière de 2008 (+3,9%), ce protectionnisme fièrement affiché par Donald Trump sous couvert de tensions politiques risque sérieusement de porter atteinte à la libéralisation du commerce mondial.

ATTENTION : A partir du 20 juin 2018, l’Union européenne appliquera des droits de douane additionnels à l'importation sur une liste de 150 produits d'origine "États-Unis"(*). Un acte d'exécution ultérieur indiquera l'application effective des droits additionnels.

La Commission européenne est également attentive à l’importation de certains produits en aluminium originaires de pays tiers qui font l’objet d’une surveillance préalable(*)afin de se prémunir des effets secondaires des restrictions américaines. En effet, face à la perte de compétitivité de leurs produits sur le marché américain en raison des droits additionnels, certains pays producteurs d'aluminium pourraient réorienter massivement leurs exportations vers le marché européen...

Cette situation, bien que confuse et perturbante pour les opérateurs du commerce international, ne peut toutefois être considérée comme le véritable déclenchement d'une "guerre commerciale" de la part des États-Unis... du moins tant que la Maison Blanche ne met pas à exécution ses menaces d'imposer des taxes sur l'automobile, secteur clé du commerce mondial ! L’Allemagne et le Japon sont particulièrement attentifs sur ce sujet....

Sur le continent américain, l'avenir de l'ALENA s'assombrit (cf. Atmosphère Internationale de février 2017) : dans un tel contexte d'affrontement, il apparaît impossible que les trois partenaires (USA / Mexique / Canada) parviennent à un consensus sur une refonte des modalités de l'accord. Au début du mois, Trump a même déclaré préférer négocier deux accords bilatéraux séparés plutôt qu'un seul accord tripartite, comme c'est le cas actuellement.

Le Président américain, qui semble être inarrêtable dans cette escalade protectionniste, se met à dos les principales puissances économiques  : au sommet du G7 - "6+1" selon M. Le Maire, Ministre français de l'économie - les autres pays comptent  faire front pour prendre la défense du libre-échange.

Quant à l'OMC, personne ne s'attend vraiment à une réaction ferme et décisive suite aux plaintes déposées... Une réforme profonde de cette institution apparaît nécessaire, surtout en ce qui concerne l'Organe de Règlement des Différents dont les États-Unis font tout pour bloquer la capacité d'action.

En cas de véritable "clash", les répercussions économiques pourraient être désastreuses pour la plupart des protagonistes... Y compris les États-Unis. Le libre-échange est KO debout : les opérateurs du commerce espèrent qu'il tiendra le choc du prochain round !

(*) Règlements d'exécution (UE) à disposition de nos abonnés sur simple demande.

Pour aller plus loin...

Source(s) : www.lefigaro.fr

Rédacteur(s) : Z. MAZID / J. BONNETON