Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème COMMERCE INTERNATIONAL
 Pays USA / MEXIQUE / CANADA  Date février 2017

ALENA : les Etats-Unis au bord de la rupture ?

Synthèse : Il l'avait annoncé pendant la campagne électorale... Deux jours après son investiture, le 45ème Président des Etats-Unis a confirmé sa volonté de remettre en cause les conditions tripartites de l'Accord de Libre-Echange Nord-Américain (ALENA - NAFTA) avec le Mexique et le Canada. Principal grief contre cet accord stratégique entré en vigueur en 1994 : un exode massif des emplois de l'industrie manufacturière américaine vers le Mexique... Un point de vue, discuté et discutable, qui légitime toutefois selon Mr Trump un ultimatum auprès de ses deux principaux partenaires économiques après la Chine.

En éliminant la quasi-totalité des droits de douane entre les 3 pays membres, cet accord a permis de créer la plus vaste zone de libre-échange au monde et de stimuler fortement l'économie régionale : le montant global des échanges au sein de l'ALENA est ainsi passé d'environ 290 à 1100 milliards USD entre 1993 et 2016.

Il s'agit du premier accord de libre-échange associant dès le départ deux économies développées à une économie en voie de développement... Le projet avait d'ailleurs été mené à son terme grâce à un consensus au sein des instances politiques US, sous les gouvernements successifs de George H.W. Bush et Bill Clinton.

De fait, grâce à l'ALENA le Mexique a bénéficié d'investissements massifs qui lui ont permis de moderniser ses outils de production et de rehausser globalement le niveau des salaires tout en améliorant les conditions de travail et la protection sociale.

Toutefois, selon certaines études, les Etats-Unis auraient perdu près de 800 000 emplois entre 1997 et 2013 en raison des délocalisations au sud du Rio Grande. Mais de nombreux économistes américains ne partagent pas cette analyse trop "simpliste" : les délocalisations vers la Chine ainsi que la mécanisation et l'automatisation des chaines de fabrication américaines auraient eu un impact négatif bien supérieur sur l'emploi au cours des 20 dernières années !

Dans ce registre, il est d'ailleurs de notoriété publique qu'un nombre très important d'emplois américains dépendent actuellement des échanges facilités entre les Etats-Unis et le Mexique : environ 6 millions selon l'U.S. Chamber of Commerce...

Parallèlement, bien que les échanges aient été fortement dynamisés au sein de l'ALENA, les Etats-Unis enregistrent aujourd'hui un déficit commercial avec le Mexique de l'ordre de 63 milliards USD (hors services). Un bilan négatif que ne manque pas de rappeler Mr Trump pour justifier son opposition à l'accord de libre-échange avec son voisin du sud.
On notera cependant que ce déficit est stable depuis 10 ans, qu'il cache une augmentation de 70% des exportations US à destination du Mexique sur cette période, et que selon le Bureau du représentant américain au commerce (Bureau exécutif du Président) près des 2/3 des marchandises importées en provenance du Canada et du Mexique sont réintégrées dans des produits ou services "Made in America".

Le secteur automobile représente à lui seul une forte part du déséquilibre des échanges USA/Mexique : actuellement, une voiture sur cinq commercialisée aux Etats-Unis est fabriquée au Mexique profitant des faibles coûts de production en raison de salaires 80% inférieurs... Avec à la clé d'importants gains de compétitivité pour ce pilier de l'industrie américaine face aux marques étrangères.

Quoiqu'il en soit, la renégociation de cet accord est donc à l'ordre du jour du président américain qui menace de quitter l'ALENA sans résultat "équitable pour les salariés américains". Cette éventualité est prévue dans les textes de l'accord : si un des pays membres veut se retirer de l'accord, il doit le notifier aux autres membres. Une période de 180 jours s'ouvre alors pour entamer des négociations en vue d'amender l'accord qui devient caduque si aucun compromis n'est trouvé dans ce délai...

NB : Les statistiques détaillées des échanges commerciaux entre les Etats-Unis et le Mexique sont disponibles sur le site officiel du gouvernement US : U.S. Exports to Mexico / U.S. Imports from Mexico (2006-2015)
Avis de l'expert : Selon les propres statistiques du gouvernement US, ni le Mexique ni le Canada ne font peser la moindre menace économique sur la première puissance mondiale... Il s'agit avant tout d'un acte politique : les délocalisations et le chômage faisaient partie des thèmes de campagne de Mr Trump qui tente de prouver qu'il est capable de tenir ses promesses.

Le Mexique joue gros dans cette remise en cause de l'ALENA, les Etats-Unis étant son premier partenaire commercial, absorbant plus de 80% de ses exportations, et comptant pour la moitié des IDE.

En cas de rupture, le Mexique pourrait donc bien entrer en récession : le FMI a d'ailleurs déjà revu à la baisse ses prévisions de croissance pour le pays à 1.7% pour 2017.
6 à 8 millions d'emplois mexicains dépendent aussi des échanges dans le cadre de l'ALENA.

Une rencontre prévue le 31 janvier entre le président mexicain Pena Nieto et Donald Trump pour aborder la question a été annulée à la dernière minute en raison de la discorde sur le mur de séparation que le Président US veut construire à la frontière des deux pays.

Face à une possible taxe américaine de 20% sur les produits importés du Mexique, soi-disant pour financer le mur, le Mexique pourrait bien taxer en réponse les produits américains, notamment agricoles et industriels... Un retour des barrières tarifaires qui ne laisserait présager rien de bon pour le commerce international.

Car Mr Trump ne s'arrêtera pas à l'ALENA : il est parti pour remettre en question tous les accords commerciaux déjà signés par les Etats-Unis ou en cours de signature, pour les mêmes raisons liées à la protection de l'emploi. Il a donc décidé de sortir du traité transpacifique (TPP), signé en 2016 mais qui n'était pas encore entré en vigueur (cf. Atmosphère Internationale de février 2016).

Les négociations pour le traité transatlantique (TAFTA ou TTIP) avec l'Union européenne, déjà fortement mises à mal du côté européen (cf. Atmosphère Internationale d'octobre 2016), ne seront sans nul doute pas relancées sous la présidence américaine actuelle …

Une attitude protectionniste qui risque de faire boule de neige et de complexifier les choses pour les opérateurs du commerce international !
Si l'OMC et son projet d'accord mondial sur les règles commerciales internationales avait déjà un pied dans la tombe (cf. Atmosphère Internationale d'août 2014), nul doute qu'elle a trouvé en Mr Trump un fossoyeur zélé !
Imprimer  D. CAMMARANO
Source(s) : Divers medias (janvier / février 2017)
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