Export Turquie : l'union douanière ne garantit plus la libre circulation !

Atmosphère Internationale

février 2018

Union douanière UE Turquie

En vigueur dans sa phase définitive depuis 1996, l’union douanière entre l'Union européenne et la Turquie semble aujourd’hui à bout de souffle. Dernier accroc en date à un accord bilatéral « transitoire » censé rapprocher les deux économies, la décision turque d’appliquer des droits de douane additionnels aux produits originaires de pays tiers à l’UE, y compris ceux mis en libre pratique sur le territoire communautaire… A partir du 28/02/2018, les exportateurs européens devront par ailleurs produire une déclaration d’origine UE en plus du certificat ATR !

Thème :

Réglementations douanières et fiscales

Pays :

UE / Turquie

En quoi consiste l’union douanière UE / Turquie ?

A l’exclusion des produits agricoles, les droits de douane et restrictions quantitatives à l’importation sont réciproquement supprimés (principe de libre circulation) pour les marchandises produites ou en « libre pratique » sur l’un ou l’autre territoire douanier.

La preuve de ce statut douanier de « marchandises en libre circulation » est établie sur présentation d’un titre justificatif appelé certificat de circulation A.TR (ou ATR).


RAPPEL

L’union douanière ne repose pas sur un régime lié à l’origine préférentielle UE ou Turque mais bien sur la libre circulation des produits.


Quelles sont les modifications qui impactent l’union douanière UE / Turquie ?

Une nouvelle procédure de certificat d'origine simplifié a été publiée au Journal Officiel turque le 30 décembre 2017, instaurant des décisions additionnelles sur le régime d'importation.

Selon cette nouvelle procédure applicable au 28 février 2018, les marchandises importées en Turquie avec des certificats de circulation ATR seront soumises aux mesures suivantes :

  • La « déclaration de l'exportateur », telle que présentée à l'administration des douanes turque par l'importateur, constituera une preuve suffisante que les marchandises sont d'origine européenne (UE) ou turque.
  • La « déclaration de l’exportateur » ne sera pas demandée si le certificat d'origine ou la déclaration du fournisseur est présenté à l'administration des douanes en annexe du formulaire de déclaration en douane.
Quelles nouvelles obligations pour les exportateurs UE ?

A l’importation en Turquie de marchandises d’origine UE, le certificat ATR ne suffit plus pour justifier la libre circulation dans le cadre de l’union douanière !

Afin d’éviter les droits de douane additionnels applicables sur les produits non originaires de l’UE (pays tiers) une déclaration de l’exportateur attestant de l’origine UE devra être présentée à l’administration douanière turque à partir du 28/02/2018. D’ici là, la production d’un certificat d’origine UE fera office de justificatif.

Avis de l'expert : 

Ces décisions réglementaires additionnelles, prises unilatéralement par la Turquie, sont clairement motivées par une volonté protectionniste : il convient aux exportateurs de l’UE d’anticiper cette nouvelle procédure afin d’éviter tout blocage et/ou droits additionnels à destination !

Car si les produits d’origine UE (au sens douanier) peuvent encore être exonérés de droits de douane additionnels en Turquie moyennant une attestation de l’exportateur en complément du certificat ATR, ce ne sera bientôt plus le cas pour les marchandises originaires de pays tiers… y compris celles préalablement mises en libre pratique dans l’UE !

Certains pays sont particulièrement ciblés par ces barrières tarifaires à l’importation :

Le 14 décembre 2017, le Ministère des Douanes et du Commerce de Turquie a publié la Décision n ° 2017/10926 (JO 30270 du 14/12/2017) instaurant des droits de douane supplémentaires sur certains produits importés en Turquie sous certificat ATR via un pays de l'Union européenne (UE) pour les origines suivantes : Indonésie, Inde, Sri Lanka, Vietnam, Bangladesh, Cambodge et Pakistan.

Les droits de douane additionnels correspondent à la différence entre le taux de la nation la plus favorisée (Most Favored Nation) et celui appliqué par l’UE lors de la mise en libre pratique. Or ces 7 pays bénéficient de préférences tarifaires sur le territoire communautaire… A charge pour l’importateur turc de compenser l’écart entre les droits de douane perçus au sein de l’UE et le taux en vigueur en Turquie.

Nous avions déjà alerté nos lecteurs en décembre 2016 sur la mise en place de droits additionnels en Turquie sur toute une liste de produits originaires de pays tiers (cf. Atmosphère Internationale de décembre 2016).

Pour des raisons à la fois économiques et géopolitiques, l’union douanière UE / Turquie, en vigueur depuis plus de vingt ans, semble désormais obsolète. De fait, à l’origine cet accord devait être un régime de transition préparant l’intégration de la Turquie dans l’Union européenne…

Or, bien que la Turquie ait entamé des négociations formelles d'adhésion en 2005, le  projet se heurte toujours à l'opposition de plusieurs Etats membres, dont Chypre, la France et plus récemment l’Allemagne. Résultat : l’union douanière est en statu quo, alors que l’UE a signé depuis de nombreux accords de libre-échange avec des pays tiers.

Face à la détérioration constante de sa balance commerciale, la Turquie a donc décidé de pérenniser l’application de mesures de sauvegarde en s’appuyant sur les textes fondateurs du Conseil d’Association CE-Turquie afin de juguler l’entrée de produits asiatiques sur son marché intérieur via le territoire de l’Union européenne.

Nous assistons depuis 2014 à une érosion progressive de l’union douanière par la Turquie qui tente d’inciter l’UE à revenir à la table des négociations. Mais le contexte géopolitique n’est actuellement pas du tout propice à une quelconque discussion sur l’élargissement des accords douaniers entre Bruxelles et Ankara, et encore moins à une adhésion de la Turquie à l’UE.

Alors que les tensions politiques sont exacerbées par le conflit syrien et les problèmes territoriaux et migratoires qui en découlent, il y a peu de chance que la situation s’améliore à court terme pour les opérateurs du commerce international qui exportent vers la Turquie.

Notons enfin que la Turquie présente toujours un niveau de risque RSE critique, notamment dans le secteur textile où le travail illicite des mineurs est en très forte augmentation, en lien direct avec l'afflux massif de réfugiés des zones de conflit avoisinantes (cf. Atmosphère Internationale de juin 2016) .

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