Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème COMMERCE INTERNATIONAL
 Pays UE / MONDE  Date novembre 2014

Contrefaçon import UE : explosion du trafic par internet en 2013 !

Synthèse : L'internaute serait-il moins responsable que le consommateur en boutique ? L'évolution fulgurante des statistiques d'importation dans l'UE d'articles contrefaits achetés sur le Web ne présage rien de bon pour les marques... Une tendance internationale lourde qui, malheureusement, se propage au nez et à la barbe des autorités de contrôle et de régulation.

Ces dernières années, le trafic de copies non autorisées via Internet a pris de telles proportions qu'il a fortement impacté les statistiques douanières européennes* : de 23% en 2006, la part du nombre de saisies opérées par les douanes concernant des envois postaux et des colis de messagerie est passé à 73% en 2013 (cf. Atmosphère Internationale de novembre 2014) ! Et l'UE n'est pas un cas isolé : en Amérique du Nord ainsi qu'au Japon le constat est identique...

Pourquoi le commerce par internet réduit-il l'efficacité de surveillance des autorités douanières ?
  • L'extrême fragmentation du trafic (peu d'articles par envoi) implique une démultiplication des contrôles physiques pour de faibles quantités saisies : le système actuel de filtrage des importations est donc sous-dimensionné (manque de personnel, outils non adaptés,...) et doit faire face à des coûts disproportionnés par rapport aux résultats.
  • En l'absence de procédure engagée par le détenteur de droits de propriété dans un délai rapide, les douanes ne peuvent retenir les articles, qui sont alors remis dans le circuit normal de livraison.
  • Les actions juridiques menées contre les plateformes de vente en ligne peu ou pas scrupuleuses, dont la plupart sont sises hors du territoire communautaire, nécessitent des démarches complexes, longues et coûteuses qui débouchent rarement sur une condamnation.
  • Des dispositions spécifiques de la réglementation douanière de certains pays autorisent l'exportation et/ou l'importation d'articles contrefaits sur la base des notions de "quantité raisonnable" (Chine continentale) de "but non commercial" (Hong Kong, Thaïlande) ou tolèrent l'importation à titre personnel d'un article contrefait par personne (Japon).
En Chine continentale, il existe même un système de seuil minimum requis pour entamer des poursuites judiciaires rendant difficile, voire impossible, toute action pénale pertinente envers les contrefacteurs (sujet à suivre sur cette thématique).

* Rapport 2013 de la Commission européenne sur la lutte contre la contrefaçon aux frontières à disposition de nos abonnés sur simple demande.
Avis de l'expert : Cette tendance lourde mérite d'être analysée sous d'autres angles que statistiques. En un clic, le consommateur internaute prend (sans le savoir) le rôle d'acheteur international et d'importateur, assumant dès lors la responsabilité de la conformité des produits qu'il achète !

Depuis les années 90 et la montée en puissance de la machine industrielle chinoise, l'idée que le marché européen est inondé de "produits asiatiques" fait l'unanimité : en réalité, jusqu'à récemment, il s'agissait dans leur grande majorité de produits fabriqués en Asie par des marques européennes soumises aux réglementations douanières, normes de sécurité et législations du droit de propriété intellectuelle (DPI) imposées dans le cadre communautaire (et parfois national) !

La réalité est maintenant très différente, puisque ce sont les contrefacteurs asiatiques qui revendent directement leurs produits aux consommateurs occidentaux en déjouant toutes les réglementations qui contraignent les importateurs européens !
Bien entendu, les organisations mafieuses internationales se superposent au fabricant en devenant son donneur d'ordre.

Compte tenu de l'importance des enjeux financiers, économiques, fiscaux et santé/sécurité pour les pays occidentaux, on pourrait s'attendre à une réaction forte de la part des institutions pour organiser et déployer rapidement un système de contrôle plus efficace, adossé à des outils juridiques mieux adaptés.
Toutefois, le nœud du problème réside principalement dans les négociations commerciales internationales qui se déroulent notamment dans le cadre d'accords de libre échange, et permettent d'instaurer des actions bilatérales en vue de limiter le trafic de contrefaçon et de protéger les droits de propriété intellectuelle, mais aussi d'engager plus facilement des actions légales auprès des détenteurs de sites web : c'est probablement dans cette configuration que la lutte contre le trafic de contrefaçon a le plus d'impact.

En ce qui concerne le consommateur lui-même, la législation en vigueur n'est pas assez précise, harmonisée et lisible par l'internaute. Peut-être est-il temps, comme sur les paquets de cigarettes, d'afficher sur tous les sites de vente en ligne la mention "Acheter en ligne des articles contrefaits peut conduire en prison" ?

Le positionnement sur cette question du numéro un chinois du commerce en ligne, Alibaba, qui affiche désormais des ambitions mondiales en préparant son entrée en bourse à Wall Street, pourrait peut-être faire bouger les lignes ?!

L'équipe éditoriale d'ACTE International remercie M. Frebourg (Frebourg International Consultant Ltd) pour son analyse éclairée sur ce sujet. Expert en protection de la propriété industrielle, cette société est spécialisée dans l'élaboration, le déploiement et la sécurisation de votre stratégie de protection des DPI à l'international, particulièrement en Asie.
Imprimer  M. FREBOURG / A. LE ROLLAND / M. ANTIER
Source(s) : Commission européenne (juillet 2014)
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