Synthèse : Bisphénol A ou S...
ou quand la réglementation REACH touche à ses limites
! Une fois interdit dans le papier thermique, le BPA s'est vu remplacé
massivement par le BPS dont la toxicité pourrait avoir les
mêmes effets néfastes sur la santé humaine...
C'est tout le processus d'évaluation et de restriction qui
est en cause. Il est décidément difficile de protéger
le consommateur !
Comment peut-on arriver à une situation ou la réglementation
"autorise" le recours à des substances chimiques
aussi dangereuses que celles qui sont interdites ?
La Commission européenne a récemment demandé
au directeur de l'ECHA d'ouvrir une enquête sur le Bisphénol
S en tant que substitut au Bisphénol A dans les papiers
thermiques. Cette requête directe a été motivée
par plusieurs études scientifiques (notamment celles de l'ANSES
et l'INSERM
en France), tendant à démontrer que le BPS
(non interdit) et le BPA (interdit) étant de la même
"famille" leur profil toxicologique serait similaire.
Les substances chimiques enregistrées dans la base de données
de l'ECHA suivent un processus
d'évaluation et de classification visant à en restreindre
certains usages, ou à les interdire. Quand leur toxicité
pour la santé ou leur impact nocif sur l'environnement est
prouvé (CMR, PBT ou UVCB*), les substances sont répertoriées
préoccupantes (SVHC**).
Dès lors, les industriels européens sont contraints
de chercher des produits de substitution non soumis à restriction
ou interdiction à court terme. Comme il n'existe pas de
base de données des substances "vertueuses" (sans
impact sur la santé ou l'environnement), les critères
de substitution sont avant tout d'ordre technico-économique
et amènent les bureaux d'étude et R&D à sélectionner
des substances similaires non (encore) concernées par le processus
d'interdiction/restriction de la réglementation REACH.
C'est ainsi qu'une substance SVHC interdite ou soumise à restrictions
peut être remplacée par une autre substance chimique,
tout aussi dangereuse pour la santé et/ou l'environnement,
en attendant que cette dernière soit évaluée
et classée à son tour comme substance préoccupante...
* CMT (Carcinogenic, Mutagenic, Toxic for reproduction); PBT (Persistent,
Bioaccumulative and Toxic); UVCB (Unknown or Variable composition,
Complex reaction products or Biological materials)
** SVHC : Substance of Very High Concern (substance extrêmement
préoccupante) |
Avis de l'expert :
Dès l'origine les associations de consommateurs
avaient critiqué le processus de restriction/interdiction
de l'ECHA, souhaitant remplacer l'obligation de preuve par un
large principe de précaution : priorité à
la santé du consommateur.
Les industriels de la chimie se sont élevés contre
cette proposition au motif que dès qu'une substance est
classée préoccupante (SVHC), leurs clients n'en
veulent plus alors même que sa toxicité n'est pas
prouvée : priorité à l'intérêt
économique et industriel.
L'ECHA a tenté de résoudre ce désaccord
en proposant la technique de "grouping" qui permet
de restreindre ou interdire une famille de substances ayant
les mêmes caractéristiques dès lors que
l'une d'elle a été classée CMR, PBT ou
UVCB (cf. Atmosphère
Internationale de mai 2015) : priorité à la
méthode scientifique.
Le cas des bisphénols A et S est un bon exemple de cet
enjeu. La décision de la Commission européenne
devrait quand même satisfaire toutes les parties :
- Elle n'a pas appliqué le principe de précaution
(satisfaction des industriels).
- Les restrictions du Bisphénol S seront mises en
uvre beaucoup plus rapidement (satisfaction des associations
de consommateurs), d'autant que le BPS a été
intégré en 2012 dans le plan
CoRAP d'évaluation par le Comité des Etats
membres de l'UE.
A quand une base de données de l'ECHA répertoriant
les substances sans effet toxique sur la santé ou l'environnement
?
En France, l'INERIS propose désormais un service national
d'assistance "Substitution des substances chimiques"
(SNA-Substitution)
qui fait la promotion de substances de remplacement non toxiques
et éco-compatibles, dont beaucoup sont élaborées
par des sociétés commerciales (voir Ineris
- newsletter du 05/09/16)...
La dernière phase d'enregistrement REACH 2018
qui concernera surtout les PME-PMI (cf. Atmosphère
Internationale d'août 2015) devrait littéralement
doper le marché des substances de substitution"propres"
: reste à savoir si les industriels préfèreront
continuer à fonctionner par à-coups, ou si eux-mêmes
investiront dans de nouveaux process/technologies... ce qui
est évidemment tout le but de la manuvre !
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technique à la mise en conformité de vos procédures
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Rappel : nous mettons à votre disposition un outil de suivi du processus d'interdiction des substances préoccupantes (SVHC) dans le cadre de la réglementation REACH en libre accès sur notre site Web ! . | | | |