Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème REGLEMENTATION REACH
 Pays UE  Date septembre 2016

REACH : Bisphénol A (BPA) interdit... Bisphénol S (BPS) en sursis !

Synthèse : Bisphénol A ou S... ou quand la réglementation REACH touche à ses limites ! Une fois interdit dans le papier thermique, le BPA s'est vu remplacé massivement par le BPS dont la toxicité pourrait avoir les mêmes effets néfastes sur la santé humaine... C'est tout le processus d'évaluation et de restriction qui est en cause. Il est décidément difficile de protéger le consommateur !
Comment peut-on arriver à une situation ou la réglementation "autorise" le recours à des substances chimiques aussi dangereuses que celles qui sont interdites ?

La Commission européenne a récemment demandé au directeur de l'ECHA d'ouvrir une enquête sur le Bisphénol S en tant que substitut au Bisphénol A dans les papiers thermiques. Cette requête directe a été motivée par plusieurs études scientifiques (notamment celles de l'ANSES et l'INSERM en France), tendant à démontrer que le BPS (non interdit) et le BPA (interdit) étant de la même "famille" leur profil toxicologique serait similaire.

Les substances chimiques enregistrées dans la base de données de l'ECHA suivent un processus d'évaluation et de classification visant à en restreindre certains usages, ou à les interdire. Quand leur toxicité pour la santé ou leur impact nocif sur l'environnement est prouvé (CMR, PBT ou UVCB*), les substances sont répertoriées préoccupantes (SVHC**).

Dès lors, les industriels européens sont contraints de chercher des produits de substitution non soumis à restriction ou interdiction à court terme. Comme il n'existe pas de base de données des substances "vertueuses" (sans impact sur la santé ou l'environnement), les critères de substitution sont avant tout d'ordre technico-économique et amènent les bureaux d'étude et R&D à sélectionner des substances similaires non (encore) concernées par le processus d'interdiction/restriction de la réglementation REACH.

C'est ainsi qu'une substance SVHC interdite ou soumise à restrictions peut être remplacée par une autre substance chimique, tout aussi dangereuse pour la santé et/ou l'environnement, en attendant que cette dernière soit évaluée et classée à son tour comme substance préoccupante...

* CMT (Carcinogenic, Mutagenic, Toxic for reproduction); PBT (Persistent, Bioaccumulative and Toxic); UVCB (Unknown or Variable composition, Complex reaction products or Biological materials)
** SVHC : Substance of Very High Concern (substance extrêmement préoccupante)
Avis de l'expert : Dès l'origine les associations de consommateurs avaient critiqué le processus de restriction/interdiction de l'ECHA, souhaitant remplacer l'obligation de preuve par un large principe de précaution : priorité à la santé du consommateur.

Les industriels de la chimie se sont élevés contre cette proposition au motif que dès qu'une substance est classée préoccupante (SVHC), leurs clients n'en veulent plus alors même que sa toxicité n'est pas prouvée : priorité à l'intérêt économique et industriel.

L'ECHA a tenté de résoudre ce désaccord en proposant la technique de "grouping" qui permet de restreindre ou interdire une famille de substances ayant les mêmes caractéristiques dès lors que l'une d'elle a été classée CMR, PBT ou UVCB (cf. Atmosphère Internationale de mai 2015) : priorité à la méthode scientifique.

Le cas des bisphénols A et S est un bon exemple de cet enjeu. La décision de la Commission européenne devrait quand même satisfaire toutes les parties :
  • Elle n'a pas appliqué le principe de précaution (satisfaction des industriels).
  • Les restrictions du Bisphénol S seront mises en œuvre beaucoup plus rapidement (satisfaction des associations de consommateurs), d'autant que le BPS a été intégré en 2012 dans le plan CoRAP d'évaluation par le Comité des Etats membres de l'UE.
A quand une base de données de l'ECHA répertoriant les substances sans effet toxique sur la santé ou l'environnement ?

En France, l'INERIS propose désormais un service national d'assistance "Substitution des substances chimiques" (SNA-Substitution) qui fait la promotion de substances de remplacement non toxiques et éco-compatibles, dont beaucoup sont élaborées par des sociétés commerciales (voir Ineris - newsletter du 05/09/16)...

La dernière phase d'enregistrement REACH 2018 qui concernera surtout les PME-PMI (cf. Atmosphère Internationale d'août 2015) devrait littéralement doper le marché des substances de substitution"propres" : reste à savoir si les industriels préfèreront continuer à fonctionner par à-coups, ou si eux-mêmes investiront dans de nouveaux process/technologies... ce qui est évidemment tout le but de la manœuvre !

Pour toute demande d'assistance technique à la mise en conformité de vos procédures REACH import et achat, ou besoin de formation pour mettre à jour vos connaissances, n'hésitez pas à contacter nos experts.

Rappel : nous mettons à votre disposition un outil de suivi du processus d'interdiction des substances préoccupantes (SVHC) dans le cadre de la réglementation REACH en libre accès sur notre site Web !
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Imprimer  A. LE ROLLAND / M. ANTIER
Source(s) : INERIS (juillet 2016)
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