Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème SOCIAL / ETHIQUE
 Pays BANGLADESH / MONDE  Date juin 2013

Questionnaires d'audit social : encore plus de points de contrôle ?

Synthèse : "L'une des conséquences indirectes de la catastrophe du Rana Plaza au Bangladesh* est la "mise à jour" de certains questionnaires d'audits. En effet, il n'était généralement pas prévu spécifiquement de vérifier si l'usine avait ajouté des étages après la validation du bâtiment. Pour certains, la réaction évidente a été d'ajouter une ligne dans le questionnaire d'audit qu'ils utilisent, partant du principe que ce qui est dans le questionnaire d'audit sera vérifié, et donc maîtrisé. Pourtant ce lien de cause à effet a souvent été pris en défaut...

* Newsletter WethicA mai 2013
Voir aussi précédents sujets Atmosphère Internationale :
Accord de sécurité : quel est le prix de la sécurité au Bangladesh ? (mai 2013)
Bangladesh : un accord "mondial" sur la sécurité des usines ? (mai 2013)
Avis de l'expert : Cela ne semble pas une bonne solution pour de nombreuses autres raisons dont voici quelques exemples.

D'une part, cela implique que des milliers d'audits vont poser cette question et donc passer du temps sur des documents administratifs et des plans alors que dans de très nombreux pays cette problématique n'existe pas. Or, le temps disponible pendant un audit n'est pas extensible. Le temps passé sur des vérifications de routine administrative ne l'est pas à essayer de comprendre et d'analyser l'usine.

D'autre part, le message envoyé aux usines est confus : nous parlons d'évaluation sociale de l'usine et donc d'un focus sur les ouvriers. Or dans les pays où la vérification administrative du bâtiment n'a pas de sens, nous ajoutons un élément de vérification administratif de plus. Il est alors difficile de faire comprendre qu'un audit social n'est pas un audit administratif. En conséquence, nous poussons indirectement les usines à se préparer administrativement et renforçons le poids de cette partie dans l'évaluation globale de l'usine au détriment des aspects impactant directement la satisfaction des ouvriers.

Les auditeurs aussi sont perturbés par l'ajout systématique de précisions dans les questionnaires d'audit. Le rôle de l'auditeur est de s'adapter à la situation rencontrée pour permettre une évaluation complète de l'usine : il doit suffisamment maîtriser le questionnaire pour ne pas avoir besoin de le suivre à la lettre, pour pouvoir s'écarter des questions tout en sachant que tous les sujets sont complètement traités.
Notons d'ailleurs qu'à l'origine on parlait de guide d'audit et non de questionnaire. Il était d'ailleurs convenu qu'adapter le guide d'audit à la spécificité de chaque audit était du rôle de l'auditeur. Or en ajoutant des points très précis en grand nombre, il devient difficile pour les auditeurs de ne rien oublier. Suivre le questionnaire à la lettre en le remplissant au fur et à mesure pendant l'audit devient une solution pour de nombreux auditeurs. Or ce n'est plus un audit, car l'investigation n'a plus sa place.

Quand devons-nous ajouter de nouvelles lignes aux questionnaires ? Si l'exemple des étages supplémentaires a été pris à cause du fonctionnement au Bangladesh, nous aurions pu en faire de même pour chaque région du monde : le Sumangali en Inde, discrimination ethnique en Malaisie, usines servant au blanchiment d'argent de la drogue au Maroc ou au Pakistan… Chaque pays a ses spécificités, chaque usine est unique, et vouloir faire un questionnaire unique et complet est peine perdue. Il sera toujours incomplet, et plus il sera détaillé, moins il permettra aux auditeurs d'exprimer leur savoir-faire spécifique et moins les rapports seront pertinents.

Il est bien sûr tentant de construire un système qui résoudrait les problèmes. Cependant, il faut étudier les conséquences d'un tel système, et les problèmes spécifiques qu'il engendrerait. Ne confondons pas l'outil et le but. Le questionnaire n'est qu'un outil. Il se doit d'être adapté à la situation. Il n'est donc pas surprenant que plusieurs outils coexistent pour répondre aux différents besoins comme il existe différents types de tournevis pour différentes situations."

WethicA International est une société d'audit social partenaire d'ACTE International basée à Hong Kong, dont le réseau et les activités couvrent notamment l'Asie (en savoir plus...).
Imprimer  P. VEZIN (WethicA)
Source(s) : Newsletter WethicA (juin 2013)
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