Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème SOCIAL / ETHIQUE / RSE
 Pays BANGLADESH  Date mai 2013

Accord de sécurité : quel est le prix de la sécurité au Bangladesh ?

Synthèse : OIT, syndicats internationaux, donneurs d'ordre étrangers, fournisseurs et gouvernement du Bangladesh sont solidairement impliqués dans le projet d'accord "Fire and Building Safety", débattu à Genève la semaine dernière et prévu d'être entériné début juillet.
Un plan sur 5 ans, pour un projet titanesque (cf Atmosphère Internationale de mai 2013) dont il reste à finaliser les modalités pratiques de fonctionnement et les conditions de financement... décryptage !

Les 40 premiers signataires de cet accord (ils étaient 38 au 23/05/13 selon le syndicat international Industry ALL) ont 45 jours pour élaborer ensemble le plan d'action opérationnel correspondant aux objectifs fixés par l'accord.

Un préalable : chaque donneur d'ordre doit transmettre la liste exhaustive de ses fournisseurs.

Périmètre de l'accord : fournisseurs éligibles à l'inspection :
Tous sont concernés, mais répartis dans 3 catégories plus ou moins prioritaires :
  • Fournisseurs de rang 1 : représentant plus de 30% des volumes de commande
  • Fournisseurs de rang 2 : fournisseurs majeurs ou de long-terme
  • Fournisseurs de rang 3 : fournisseurs occasionnels (- de 10% du volume de commande annuel)

  • NB : Tous doivent avoir été inspectés au moins une fois au cours des deux ans suivant le lancement du plan d'action.

    Structure et organisation :
  • Un comité de pilotage, constitué de trois représentants des syndicats, trois représentants des entreprises signataires et un représentant de l'OIT : les décisions sont prises par consensus ou à la majorité.

  • Un comité consultatif, constitué de représentants de marques, détaillants, fournisseurs, gouvernement, institutions, ONG et syndicats.

    Modalités d'inspection :
  • Un coordinateur "inspection/sécurité" qualifié et indépendant choisi par le comité de pilotage
  • Des inspecteurs "sécurité" recrutés, encadrés et formés par le coordinateur
  • Des rapports d'inspection émis sous 2 semaines au plus, transmis à l'usine (management, comité CHSCT, représentants du personnel ou syndicaux) ainsi qu'au comité de pilotage et à l'ensemble des signataires de l'accord.
    Rapports et plans d'actions correctives sont rendus publics dans un délai maximum de 6 semaines, et un reporting global est publié trois fois par an.


  • Responsabilités et engagements des donneurs d'ordre :
    • Ils financent le projet et sa structure au prorata de leur volume d'affaires : le minimum reste à fixer, le maximum étant de 500 000 USD/an révisable chaque année.
    • Ils confirment leurs exigences de mise en place des actions correctives et vérifient l'implication des fournisseurs dans le programme de sécurité. Faute de quoi, ils interrompent leurs relations commerciales.
    • Ils s'engagent pour une durée de 5 ans avec chaque fournisseur.
    • Ils s'impliquent dans l'évaluation des moyens humains et ressources financières disponibles dans l'usine pour mettre en application les actions correctives requises.
    • Ils assistent l'usine dans les demandes d'aide et proposent le cas échéant un co-financement.
    • En cas de ralentissement ou arrêt d'activité d'une durée inférieure à 6 mois du fait des travaux engagés, ils s'assurent que les salariés sont maintenus et rémunérés.
    • Ils surveillent qu'en cas d'interruption de travail ou cessation d'activité, les ouvriers retrouvent un emploi au sein des usines qui reprennent les commandes.
    • Ils garantissent que le droit de retrait des salariés en raison d'un danger lié à la vétusté du bâtiment est respecté et ne fait pas l'objet de pressions, discriminations…
    * Texte de l'accord "Bangladesh Fire and Building Safety Agreement" à disposition de nos abonnés sur simple demande.
    Avis de l'expert : Le mouvement est puissant, soutenu très fortement par l'Organisation Internationale du Travail qui apporte toute sa crédibilité… mais la position est-elle tenable ?
    Il ne s'agit plus d'une marche à franchir, mais de plusieurs étages d'un coup, et la solidité du projet pourrait bien être hypothéquée devant une telle démesure pourtant à la hauteur de la gravité de la situation.

    L'OIT qui a su faire évoluer par paliers successifs ses conventions internationales (travail forcé, travail des enfants…) afin de limiter les "claquements de portes", devra vraisemblablement progresser par étapes tout en restant ferme sur les objectifs.

    On ne parle pas dans cet accord de reconstruction, de plan immobilier à grande échelle et encore moins de bâtiments HQE… Il faudrait pour cela intégrer de grands groupes de travaux publics, susceptibles de construire rapidement et dans de bonnes conditions des bâtiments capables d'accueillir, dans un délai très court, les ouvriers des ateliers les plus exposés.

    On ne parle pas non plus des ouvriers et de leur très probable souhait de quitter une usine présentant des facteurs de risque pour rallier celles qui auront déjà été inspectées positivement… et des difficultés instantanées que cela va engendrer pour les usines de rang 2 et 3 qui ne sont pas "top" prioritaires dans le programme d'inspection !

    Attention, il arrive souvent que dans l'urgence, et malgré la volonté de bien faire, les répercussions directes et indirectes de telles mesures soient sous-estimées : l'organisation du tissu industriel, mais aussi les fragiles équilibres économiques, sociaux et politiques du pays peuvent être impactés.

    Notons enfin que cet accord engage très fortement la responsabilité des donneurs d'ordre et, pour une fois, peut-être trop ! Pour atteindre son objectif, le programme doit éviter à tout prix de pousser les acheteurs internationaux vers la porte de sortie : ils sont un élément clé de la chaîne de responsabilité, et leur désengagement en faveur de sourcings alternatifs vouerait le projet à l'échec.
    D'autant qu'une quarantaine de signataires, c'est encore bien peu en regard du volume de produits manufacturés exportés par le Bangladesh dans le monde entier !

    Nous suivrons de près ce dossier qui, au-delà du cas spécifique du Bangladesh, pourrait bien faire jurisprudence...
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    Imprimer  A. LE ROLLAND
    Source(s) : Divers media (mai 2013)
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