Synthèse : Interrogé sur les raisons de la baisse de son chiffre d'affaire en Chine en 2013, le PDG d'une grande maison d'accessoires de luxe française a invoqué l'impact de la récente politique anti-corruption des autorités chinoises... Surprenant ? Pas tant que ça : la part du marché chinois constituée par les "cadeaux d'affaires" sous forme de produits haut de gamme se réduit comme peau de chagrin. Attention, opération "mains propres" en cours ! Depuis l'arrivée au pouvoir du Président Xi Jinping en 2012, la lutte contre la corruption au sein de l'administration, et particulièrement la pratique des cadeaux d'affaires dispendieux, s'est intensifiée et commence à donner des résultats concluants : au point que nos marques de produits de luxe "Made in France", jusque là très prisées par les fonctionnaires et responsables politiques chinois, en sont économiquement affectées ! Les entreprises présentes ou qui tentent de mettre le pied en Chine doivent redoubler de vigilance vis-à-vis des méthodes de négociation de leurs filiales et agents locaux : certaines stratégies visant à s'attirer la bienveillance des officiels chinois sont non seulement devenues obsolètes... mais également très risquées, tant au plan légal qu'en termes d'image ! De même, les marques de luxe dont les produits sont cités dans des affaires de corruption qui éclatent dans les medias peuvent voir leur image écornée sans être directement impliquées... | Avis de l'expert : Depuis de nombreuses années, le "cadeau d'affaires" est une forme de corruption courante, parfois intégrée dans la stratégie commerciale d'entreprise sur les marchés export. Le manque d'harmonisation juridique au niveau international complique la tâche des entreprises dans la gestion de la promotion commerciale et de leur politique cadeau. Les décisions des tribunaux peuvent varier d'un pays à l'autre : les justices américaines et britanniques, dotées d'une compétence extraterritoriale, sont les plus sévères en la matière (cf Atmosphère Internationale de janvier 2015). Les effets de la politique volontariste du gouvernement chinois en matière de lutte anti-corruption, notamment au sein de l'appareil d'Etat, commencent à se faire sentir : les produits dits "de luxe" sont désormais bannis des manifestations et évènements publics financés par l'administration, et de nombreuses enquêtes et condamnations ont eu progressivement raison des derniers irréductibles. Avec le renforcement de la législation, en Chine et dans de nombreux pays à travers le monde, il est question de moraliser et de rationaliser la vie publique en éloignant les fonctionnaires de ce vecteur de corruption. Parallèlement, on constate depuis quelques années l'intérêt grandissant des medias pour les affaires de corruption : les entreprises qui fabriquent et commercialisent des produits dit "désirables" où "à pénurie" sont de plus en plus exposées en termes d'image, y compris en tant que victime collatérale d'un acte illicite perpétré par d'autres ! Deux approches complémentaires peuvent être mises en uvre pour tenter de se préserver d'un tel risque : La politique anti-corruption de l'entreprise doit être déployée sur l'ensemble de la supply chain internationale en sensibilisant tous les maillons, jusqu'au vendeur en boutique... voire au client final. La mise en place d'une bonne traçabilité des produits dans les circuits de distribution, afin de pouvoir détecter l'utilisation potentielle ou avérée d'un produit de la marque dans le cadre d'activités illicites. A termes, cette traçabilité pourrait permettre d'engager des procédures légales pour préjudice commercial dans le cadre d'une affaire de corruption extérieure portant atteinte à l'image de la marque. La principale problématique liée à la corruption pour une société qui développe un volant d'affaires à l'international est donc de maîtriser les stratégies commerciales "de terrain" mises en place par ses filiales, bureaux, agents, sous-traitants et distributeurs locaux, dans leurs environnements économique et culturel spécifiques. Dans un rapport de 2012 *, l'ONG Transparency International insiste notamment sur l'établissement de règles claires en matière de cadeau d'affaires, et de dispositifs d'alerte et/ou d'écoute efficaces et portés par la direction. * Rapport Transparency International "Cadeaux et avantages : qu'est-ce qui est permis ?" à disposition de nos abonnés sur simple demande. | | | |