Avis de l'expert : La crise actuelle est très représentative des bouleversements hiérarchiques mondiaux actuels : La Russie qui a considérablement renforcé son économie ces dernières années, principalement grâce à la manne financière issue de ses ressources énergétiques (pétrole et gaz), est entrée dans le club très convoité des "puissances montantes" où elle a retrouvé la Chine et l'Inde. Il est intéressant d'ailleurs de constater que les deux autres "membres du club" se sont abstenus de tout commentaire sur cette crise jusqu'à ce jour ... De l'autre côté, les Etats-Unis et l'UE subissent un sévère ralentissement de leurs économies respectives, et auraient sans doute beaucoup à perdre à rentrer dans un conflit dur avec la Russie. Les Américains, qui accusent déjà un lourd passif historique dans leurs relations avec l'ex-URSS, sont aujourd'hui empêtrés dans une économie en berne, et concentrent toute leur attention sur la phase finale de l'élection présidentielle : ne pas perdre la face tout en maintenant un statu quo, voilà leur objectif à court terme. Encore puissants au niveau de l'OMC, ils brandissent la menace d'un report de l'adhésion de la Russie à l'Organisation Mondiale du Commerce, tout en sachant que cette adhésion était de toute façon loin d'être sur le point d'aboutir (cf Atmosphère Internationale de janvier 2008) : ou comment tenter de garder la main quand on n'a plus d'atout dans son jeu ... L'UE, certes économiquement affaiblie, mais forte de ses 27 pays membres, d'une proximité géographique et culturelle incontestable et bénéficiant d'un élan fédérateur impulsé par la présidence française en exercice, tente de prendre la place laissée libre par les Etats-Unis sur l'échiquier des relations internationales. Elle se retrouve donc naturellement aux commandes des négociations avec la Russie, en essayant de faire valoir sa puissance politique au niveau mondial, ce qui est nouveau. En contrepartie, les européens doivent faire très attention à ne pas compromettre les accords d'approvisionnement énergétiques qui les rendent fortement dépendants de la Russie ... C'est dire si la Russie peut se permettre d'être sereine ... Au point d'engager un conflit armé sur le territoire même d'un pays candidat à l'Union européenne ! Le pied de nez de Poutine aux Américains au sujet de l'OMC ne fait donc que refléter une réalité incontournable : entrer ou non dans l'OMC est bien loin de représenter une priorité pour les Russes qui jouissent actuellement d'une position de force sur la scène internationale. Ce n'est pas de bon augure pour l'organisation mondiale, déjà affaiblie par ses récents échecs (cf Atmosphère Internationale d'août 2008), car le bouleversement hiérarchique mondial qui est en train de se jouer semble avoir décidé de sauter la case OMC ... Pascal Lamy va devoir se transformer en pompier s'il ne veut pas voir l'organisation qu'il préside sombrer petit à petit, ce qui aurait pour conséquences de modifier la donne de tous les accords internationaux existants, et de remettre en cause les réglementations qui en découlent ... Certainement un des sujets chauds de cette fin d'année ! | |