Chine : Xi Jinping réélu à la tête du pays, quels impacts pour le pays et l'économie mondiale ?

ACTualité

novembre 2022

Mots-clés

Avec ce troisième sacre consécutif, Xi jinping rêve d'emmener le géant asiatique au rang de première puissance mondiale d'ici 2049. Les mesures de l'Occident pour contrecarrer ce rapport de force jouent également un rôle sur l'avenir du pays, loin de retrouver sa croissance d'antan.

Le numéro un chinois de 69 ans a réussi à expulser tous ses rivaux et à placer des responsables qui entretiennent tous des liens de longue date avec lui, ou qui ont vigoureusement mené à bien son programme et promu son idéologie. En témoigne l'exemple de Li Qian, actuel chef du Parti communiste de Shanghai, pointé du doigt pour sa gestion de la crise sanitaire au printemps dernier, propulsé au rang de numéro deux du PCC en tant que Premier ministre.

Pour rappel, afin de se maintenir au pouvoir, Xi Jinping avait fait supprimer de la constitution en 2018 la limite de deux mandats, laissant imaginer une volonté de s'offrir une présidence à vie. En prolongeant son règne sans faire émerger aucun successeur apparent, Xi Jinping anéantit les efforts déployés par le Parti après la mort de Mao Zedong de bannir tout culte de la personnalité.

De nombreux enjeux l'attendent, en particulier la situation économique actuelle du pays, ainsi qu'une rivalité pugnace avec les Etats-Unis et l'Europe. Amorcé il y a une dizaine d'années, le ralentissement économique de la Chine s'accélère.

Au lendemain de son nouveau sacre, les Bourses de Hong Kong et Shanghai ont chuté respectivement de 6 % et 2 %. Les freins conjoncturels viennent accentuer la pression sur une économie confrontée à des défis structurels (vieillissement de la population, baisse de la productivité, endettement galopant, inégalités de richesse record, etc). La politique « zéro Covid » reste très stricte (cf. Chine : les récents confinements fragilisent l'économie du pays), pesant sur la consommation des ménages et l'activité des entreprises. Fleuron de l'économie nationale, le secteur immobilier, qui compte pour environ 30 % du PIB, est en train de s'effondrer. La situation de l'emploi, pilier de la stabilité sociale et de la légitimité du Parti, est également alarmante, notamment chez les jeunes confrontés à un taux de chômage urbain record de 18,7 % en août, selon les chiffres officiels.

Malgré un maigre rebond du PIB au 3ème trimestre, l'objectif annuel fixé par le gouvernement de 5,5 % de croissance ne sera pas atteint. Le FMI table en réalité sur une croissance autour des 3 %, du jamais vu pour la Chine.

Les entreprises étrangères, quant à elles, suspendent leurs projets dans le pays, s'inquiétant des tensions croissantes entre la Chine populaire et Taïwan (cf. Détroit de Taiwan : un axe majeur de la logistique mondiale au cœur des tensions entre la Chine et les Etats-Unis), en particulier depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Sans compter sur le réarmement industriel des Etats-Unis multipliant les mesures qui visent à favoriser le "made in America" depuis 2021. L'industrie locale des semi-conducteurs va ainsi bénéficier de 53 milliards de dollars de subventions, tandis que les exportations de puces avancées vers la Chine ont été interdites en octobre.

De même, après avoir renforcé ses mesures de défense commerciale depuis 2019, l'Europe compte diversifier rapidement ses sources d'approvisionnement en matières premières, notamment pour les métaux et les terres rares nécessaires à la transition énergétique.

Avis d'expert

photo-portrait-dc

Diana CAMMARANO, Experte - formatrice en Global Supply Chain Management chez ACTE International

Xi Jinping privilégie l'idéologie sur l'économie, la sécurité nationale sur la croissance économique. Il a souligné lors du Congrès, la « complexité sans précédent », la « gravité » et la «

difficulté » auxquelles la Chine est confrontée à l'étranger comme sur son territoire national. Sachant qu'il ne pourra pas se faire réélire pour un 4ème mandat pour ses résultats économiques, c'est donc sous le signe de la guerre que Xi Jinping envisage son nouveau mandat. Le conflit avec les Etats-Unis, les tensions avec Taïwan, ou encore les pressions occidentales liées aux violations des droits de l'homme dans le Xinjiang prennent de ce fait une tout autre tournure. La Chine se prépare pour le conflit.

D'après le dernier plan quinquennal, la croissance devait être tirée par la demande interne et non plus par les exportations. Ce modèle n'a jamais fonctionné. L'immobilier, qui a été la composante majeure de la demande interne ces dernières années, connaît actuellement une crise sans précédent.

D'après l'analyse de Xi Jinping, nous sommes dans une économie de guerre qui va durer. Et dans une économie de guerre, l'offre doit primer sur la demande. Sa priorité est donc de miser à nouveau sur les exportations pour faire en sorte que le reste du monde dépende de la Chine.

Au plan de la croissance économique, Pékin s'était fixé en mars dernier un objectif de 5,5 % pour 2022. Ce sera plutôt 3,2 % selon le FMI, contre 8,1 % en 2021, le taux de croissance le plus faible depuis ces 40 dernières années, hors période Covid.

D'après le FMI, si le moteur chinois tourne au ralenti, c'est toute l'Asie qui en pâtit ; les prévisions de croissance en Asie-Pacifique ont donc été revues à la baisse à 4 % en 2022 et à 4,3 % contre 5,1 % en 2023.

La Chine deviendra très probablement le leader mondial dans le futur, celui qui produit le plus de richesses, mais elle n'est pas encore prête. La question monétaire est un vrai problème. En effet, la Chine n'a pas les moyens d'assumer une monnaie mondiale. Il y a actuellement une grosse incertitude sur la valeur du yuan qui pousse les épargnants chinois vers d'autres monnaies, et un risque de dévaluation de la monnaie chinoise. L'autre gros problème, la baisse de sa démographie, pourrait impacter très fortement la création de la valeur.

Source(s) : Les Echos | Les Echos

Rédacteur(s) : F. SUNDAC | D. CAMMARANO