Fret maritime : y a-t-il une entente des compagnies maritimes ?

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April 2022

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Outre la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, la concentration du transport maritime pourrait expliquer la flambée des coûts du fret. Etats-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et Afrique du Sud ont ouvert une enquête.

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les taux de fret sont montés en flèche. Une hausse que les compagnies maritimes justifient par la congestion des ports, la pénurie de conteneurs ou encore le déséquilibre entre offre et demande. Sceptique face à ces explications, l’administration américaine avait envoyé début mars une lettre à neuf armateurs pour les sommer de détailler leur politique tarifaire (cf. Transport maritime : les compagnies attaquées de toutes parts). Une démarche qui faisait suite à une déclaration de Joe Biden indiquant qu’il comptait bien sévir contre les tarifications abusives des transporteurs maritimes.

Début avril, les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et l’Afrique du Sud ont décidé d’unir leurs forces et d’enquêter sur une éventuelle entente du secteur. L’Union européenne n’a pas suivi le mouvement malgré les sollicitations de plusieurs organisations parmi lesquelles le CLECAT (association européenne des commissionnaires de transport) et l’AUTF (Association des utilisateurs de transport de fret).

Selon le Forum International des transports (FIT), plusieurs indices montrent une possible entente. Les ports européens n’étaient pas plus congestionnés en 2020 qu’avant la pandémie et les retards avaient démarré bien avant. A l’été 2020, alors que l’activité avait repris en Chine et que la demande européenne était forte, les armateurs ont attendu septembre avant de reprendre leurs expéditions à un rythme normal. Et c’est justement à partir de juin 2020 que les coûts du fret se sont envolés. Un soupçon réfuté par les armateurs qui attestent que le volume de marchandises transportées n’avait jamais été aussi haut.

Alors que les transporteurs maritimes étaient nombreux il y a une vingtaine d’années, une concentration s’est formée à partir de 2015. Désormais, seule une dizaine d’entre eux, européens et asiatiques, rassemblés en trois grandes alliances (cf. Transport maritime : nouvelle alliance d'armateurs en Corée du Sud), se partage le marché. La Chine fut le seul pays à s’inquiéter du phénomène. L’UE avait quant à elle accordé une exemption à ses règles anti-concurrentielles. Exemption renouvelée en mars 2020, soit quelques semaines avant la flambée des prix.

Aujourd’hui, la concentration n’est plus seulement horizontale mais verticale, puisque certains transporteurs investissent dans l’acquisition de ports ou d’acteurs logistiques, ce qui augmente fortement leur pouvoir de négociation.

Avis d'expert

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Julie BONNETON, Experte - formatrice en Commerce International chez ACTE International

La grogne monte chez les chargeurs et transitaires qui se sentent depuis quasiment deux ans, pieds et poings liés face aux compagnies maritimes qui dictent les prix et imposent leurs conditions en proposant un service fortement dégradé.

Le jeu de la libre concurrence semble être un lointain souvenir et plusieurs gouvernements s'alertent et lancent des enquêtes pour savoir si les règles de la libre concurrence sont bien respectées. Espérons que, suite à ces investigations, des mesures concrètes voire des sanctions soient prises afin de rééquilibrer les pouvoirs.

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Source(s) : Le Monde 

Rédacteur(s) : C.BEDOUIN | J. BONNETON