Import UE : vers la fin des préférences tarifaires pour le Bangladesh ?

ACTualité

décembre 2021

Mots-clés

En quittant son statut de PMA (Pays les Moins Avancés), Dacca risque de perdre certains avantages d’ici 2029, dont l’exonération des droits de douane à l’import dans l’Union européenne pour certains produits.

Deuxième plus grand exportateur de vêtements vers l’Union européenne après la Chine, le Bangladesh bénéficie actuellement de préférences tarifaires dans le cadre de l’initiative "Tout Sauf les Armes" (TSA). Accordé dans le cadre du Système des Préférences tarifaires Généralisées (SPG), ce régime offre aux Pays les Moins Avancés (PMA) un accès au marché de l'UE sans droits de douane ni contingents pour tous les produits sauf armes et munitions. Cet avantage considérable pourrait prochainement être remis en cause.

En effet, les Nations Unis ont proposé à l'Union européenne de notifier le Bangladesh de la fin du bénéfice du statut PMA. La mesure pourrait être effective en 2026, puisque deux années supplémentaires devraient être accordées en plus de la période de transition habituelle de trois ans. Bruxelles considérera alors que le Bangladesh ne peut plus prétendre au statut TSA. Si une période de transition de trois ans est octroyée par l'UE, Dacca reprendra le statut SPG "standard" en 2029. Le traitement préférentiel ne s'appliquera que pour 66 % des lignes tarifaires et toutes ne bénéficieront pas d'une suppression totale des droits (par exemple pour les vêtements ce taux sera de 9,6 %). L'industrie devra également se conformer aux règles d'origine de « double transformation », ce qui pourrait s’avérer problématique puisque de nombreux produits bangladais sont fabriqués avec des matières premières issues d'autres pays.

Pour contourner le problème, Dacca a déjà fait part de son intention de solliciter le statut SPG+. Il lui faudra pour cela ratifier l'ensemble des 27 conventions de l'Organisation Internationale du Travail  (OIT) et des Nations unies prévues par le règlement SPG, et démontrer leur mise en oeuvre. Sur ce point, le pays a encore du chemin à faire. Il est d’ailleurs, depuis plusieurs années, hautement surveillé par l'OIT concernant les droits des travailleurs, les conditions de travail et le respect de certaines conventions. Cependant, Dacca vient de lancer un plan d'action national dans le secteur de l’emploi afin de se réaligner sur les conventions de l'OIT d'ici mars 2023. Elle devrait également ratifier la convention sur l'âge minimum d'admission à l'emploi d'ici fin décembre 2021.

Avis d'expert

photo-portrait-dle

Didier LE GRAS, Expert - formateur en Ingénierie Douanière et Fiscale chez ACTE International

L'Union européenne a déjà fait part à plusieurs reprises de ses préoccupations au gouvernement bangladais en ce qui concerne les droits des travailleurs*, notamment après l'effondrement de l'immeuble du Rana Plaza et des nombreuses répressions sur les travailleurs syndiqués. Elle avait décidé de frapper fort pour faire réagir les autorités en menaçant de mettre un terme aux préférences tarifaires liées au SPG.

La réaction des autorités du Bangladesh qui souhaitent solliciter le SPG + est symptomatique d'une vision limitée du sujet. En effet, le pays devra d'abord engager une refonte de son système afin de respecter les normes de l'OIT, ce qui en soit permettra aux travailleurs d'obtenir de meilleures conditions de travail. En outre, même s'il obtient le statut convoité, la règle de la double transformation des produits va constituer un obstacle de taille. Le Bangladesh n'a pas aujourd'hui la capacité industrielle pour respecter cette condition.

Le rapport de force entre l'UE et le Bangladesh va obligatoirement générer des baisses de commandes de la part des donneurs d'ordres qui vont peut-être rechercher des sourcings plus sûrs. Ce fléchissement incitera peut-être les autorités du pays a officiellement améliorer les droits des travailleurs en ratifiant les conventions internationales. Et ainsi, le pays pourrait continuer à bénéficier du régime des PMA, avec l'accord de l'UE bien évidemment.

* cf RSE Bangladesh : vers une amélioration du droit du travail ?

Source(s) : Réseau ACTE International

Rédacteur(s) : C. BEDOUIN | D. LE GRAS