Devoir de vigilance : le Parlement européen propose un texte ambitieux

ACTualité

avril 2021

UE Diligence raisonnable RSE

Les députés européens se sont prononcés le 10 mars dernier en faveur d'une législation européenne sur le devoir de vigilance des entreprises sur leur chaîne d’approvisionnement. Le texte devrait permettre d'harmoniser les différentes législations nationales sur le sujet.

Il n'est pas si fréquent que le Parlement européen se saisisse de son droit d'initiative législative qui lui permet de formuler une proposition à la Commission : la large majorité à laquelle elle a été adoptée (504 voix pour, 79 contre et 112 abstentions) démontre une convergence inédite, toutes nationalités et tendances politiques confondues.

Ce rapport d’initiative législative qui n’est, ni plus ni moins, qu’une proposition faite à la Commission de texte de Directive, fait suite au projet de rapport sur la diligence raisonnable proposé par la Commission et à la consultation publique clôturée début février (cf. Devoir de diligence et RSE : l'UE accélère son projet législatif ! ).

Le Commissaire européen à la justice devrait proposer une législation d'ici juin 2021, après la phase de lobbyisme européen habituelle.

Les députés souhaitent que toutes les sociétés opérant sur le sol européen, y compris les entreprises étrangères et les PME cotées en bourse et à haut risque, puissent être condamnées en justice pour manquement à leur devoir de vigilance sur les droits humains, les risques environnementaux et sociaux dans leur supply chain internationale.

Les sanctions proposées incluent :

  • de lourdes amendes ;
  • l'exclusion des marchés et aides publics ;
  • l’interdiction d’importer certains biens.

Le texte incite les États membres à garantir qu’ils disposent d’un régime de responsabilité civile en vertu duquel les entreprises pourront être tenues légalement responsables et appelées à verser des compensations pour réparer les préjudices causés dans leur chaîne de valeur.

Les victimes dans les pays étrangers pourront ainsi demander réparation auprès des Cours européennes.

La reprise totale du texte du Parlement par la Commission est encore loin d'être gagnée ! Il faudra aussi convaincre les différents États membres qui n’ont pas le même niveau d’engagement sur ce sujet, ou qui ne le couvrent que partiellement dans leur réglementation.

La Commission devra donc les amener à s'accorder sur une logique et un socle communs, sans que cela soit au détriment du contenu et de la portée du texte. 

Dans un communiqué, les ONG se félicitent du message fort envoyé par le Parlement européen, mais estiment que "des éléments clés doivent être ajoutés par la Commission européenne lorsqu'elle présentera son projet de Directive, pour s'assurer de son efficacité".

Ils regrettent notamment "l'absence de régime de responsabilité pénale et d'un régime de responsabilité civile clair, précis et qui corresponde à la réalité des chaînes de valeurs complexes des multinationales."

Selon ces organisations, ce n'est qu'à ces conditions que des violations suspectées (comme par exemple, le travail forcé des Ouïghurs dans l’Ouest de la Chine) ne resteront pas impunies.

Avis d'expert

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Sylvie THONNERIEUX, Experte - formatrice en Responsabilité Sociétale Internationale chez ACTE International

Le Parlement européen ne relâche pas la pression sur la Commission et sur les États pour tenir la feuille de route du "Devoir de Vigilance à l'européenne". 

Le fait qu'il utilise, une fois n'est pas coutume, son droit de proposer directement un texte législatif exhaustif à la Commission, montre combien le sujet est d'importance pour les parlementaires qui représentent les attentes des citoyens au sein de la gouvernance européenne. 

Les points d'achoppement vont nécessairement tourner autour des sujets du régime de responsabilité (civile et/ou pénale), du renversement de la charge de la preuve pour faciliter l'accès à la justice des populations impactées par l'activité de l'entreprise, et du périmètre d'application.

De leur côté, les organisations patronales, malgré les voix de certaines grandes entreprises qui soutiennent le projet législatif, recommandent déjà la plus grande prudence pour ne pas ajouter de nouvelles obligations réglementaires pour les PME dans la situation de crise sanitaire et économique actuelle. 

Une chose est sûre : l'échéance de fin juin 2021 est maintenue et marquera un tournant important dans la responsabilisation des entreprises sur la maîtrise des risques éthiques, sociaux et environnementaux dans leur supply chain internationale.


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Source(s) : Fashion NetworkParlement européen | Novethic

Rédacteur(s) : L.VERBOUW - S. THONNERIEUX