Sourcing textile 2020 : un secteur bouleversé par la crise sanitaire

ACTualité

mars 2021

Sourcing textile 2020

Baisse des commandes à long terme, volonté de tendre vers un sourcing de proximité, diminution des quantités commandées... la crise sanitaire laisse des marques dans le secteur de l'habillement.

Selon les chiffres provisoires sur l'année 2020 de l'Union Européenne, le volume des importations d'habillement a diminué de 15,6%. Un recul qui touche aussi bien les flux en provenance d'Asie (-12%) que des pays méditerranéens (-12,9%). Contrairement à certaines prévisions, la tendance de recul constant de la Chine dans les exportations d'habillement pourrait bien être inversée en 2020 (cf. Sourcing textile 2020 : au coeur de la tourmente du coronavirus).

Le sourcing de proximité affiche son principal recul en 2020, les commandes, notamment de réassort, ayant été mises en suspens suite aux fermetures des commerces en Europe. Les exportations du Maroc vers l'Europe ont chuté de 23,5%, la Tunisie a noté une baisse de 16,8%, tandis que la Turquie a limité sa chute à 8,7%. 

Mais paradoxalement, ces pays devraient profiter des conséquences de la crise dans les saisons à venir. Suite aux retards des livraisons en provenance d'Asie, les distributeurs veulent être plus agiles, mieux répondre aux évolutions de la demande et réduire les délais de mise en vente, et s'intéresseront donc davantage au sourcing de proximité.

Ainsi, 46% du panel souhaite renforcer ses commandes au Maroc, 28% en Tunisie et 40% auprès de la Turquie. Les pays ayant le plus souffert en 2020 seraient ainsi les principaux bénéficiaires des nouvelles aspirations sourcing des marques. A contrario, plus de la moitié des distributeurs interrogés en décembre dernier souhaite réduire les commandes passées en Chine, contre 39% pour le Bangladesh et 22% pour le Vietnam. 

Le Made in Europe et le Made in France pourraient également profiter de cet effet, avec 40% des entreprises qui veulent accélérer leurs commandes au Portugal et autant d'entreprises qui ont l'intention de renforcer les commandes en France.

La crise accélérerait aussi deux autres tendances :

  1. Le recul des commandes à long terme (passées plus de 6 mois avant la livraison) au bénéfice du court terme et surtout du moyen terme (3 à 6 mois avant la saison) ;
  2. La réduction des quantités commandées qui va de pair.

Cette double approche ne permet pas seulement de mieux s'adapter aux fluctuations de la consommation grâce à une réactivité accrue, mais répond également à la question d'écoresponsabilité et permet d'éviter la surabondance des stocks et le gaspillage des ressources. 

Enfin, cette évolution des provenances de sourcing est confortée par un engagement plus fort des marques et distributeurs pour l'éradication du travail des enfants et du travail forcé, la détection des risques sur la santé des travailleurs, la lutte contre la discrimination sous toutes ses formes, l'atteinte d'un salaire décent. Mais aussi, en matière environnementale, par un souci marqué de réduire leur empreinte sur l'environnement et la biodiversité : choix de matières durables labellisées, matériaux recyclés, abandon des matières suscitant la polémique, etc.

Avis d'expert

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Sylvie THONNERIEUX, Experte - formatrice en Responsabilité Sociétale Internationale chez ACTE International

Face aux tendances de consommation plus responsables et plus exigeantes en termes de transparence et de traçabilité et aux baisses drastiques des volumes entraînées par la crise sanitaire de la Covid-19, le secteur de la mode et de l'habillement est à la croisée des chemins et n'a d'autre solution que de se réinventer. 

Dans ce travail pour développer de nouvelles solutions, les acteurs de ce secteur mondialisé doivent garder à l'esprit leurs responsabilités sur les supply chains car ils ont contribué par leur demande de prix toujours plus bas, à développer une dépendance à leurs commandes dans certains pays comme c'est le cas pour le Bangladesh ou le Cambodge.

La tendance à un retour vers des solutions de proximité est louable, et nécessaire. Pour autant, il n'est qu'une partie de la solution, car les capacités d'innovation et de production restent majoritairement situées en Asie et ce, pour quelques années encore. Le désengagement dans les pays de sourcing traditionnels en faveur de réseaux de proximité doit se faire de manière responsable et graduelle.

Les grands donneurs d'ordres qui communiquent sur leurs initiatives responsables vont devoir mettre en place des stratégies de partenariat. Basées sur un engagement accru des fabricants dans l'amélioration des conditions de travail, du dialogue social, du niveau des rémunérations et des bénéfices sociaux, mais aussi de la maîtrise des impacts négatifs sur l'environnement, en contrepartie d'un engagement de collaboration dans la durée et d'une négociation commerciale gagnant-gagnant, elles devraient favoriser également le développement de solutions technologiques innovantes. 

Les mesures réglementaires de l'UE concernant la transparence de la chaîne d'approvisionnement, la législation contraignante en matière de diligence raisonnable* dans le domaine des droits de l'homme devraient également contribuer à établir les bases d'un secteur de la mode et de l'habillement plus équitable, plus durable et plus résistant, capable de surmonter cette crise mondiale et celles à venir.

* cf. (Diligence raisonnable et supply chain : l'UE en route vers une réglementation !)

Pour aller plus loin...

ACTE International, spécialiste en Global Supply Chain Management et cabinet d'audit international et d'expertise-conseil en RSE réalise votre cartographie des risques et vous accompagne dans le déploiement de votre plan de vigilance et politique éthique en Asie, Afrique, Europe et Amériques.

Source(s) : IFM PARIS / Fashion Network 

Rédacteur(s) : L.VERBOUW | S.THONNERIEUX