Sourcing Turquie : le secteur de l'habillement grand gagnant de l'ère post COVID-19 ?

ACTualité

novembre 2021

sourcing turquie covid 19

Le secteur turc de l'habillement tire parti de la diversification des sources et modalités d'approvisionnement suite à la pandémie de COVID-19. Les exportations sont en forte hausse et l'industrie innove pour attirer de nouveaux clients.

Les exportations turques de vêtements ont augmenté de 25% au cours des huit premiers mois de 2021, atteignant 12,9 milliards d'USD.

L'accélération des ventes en ligne cette année a joué en faveur d'Ankara, notamment pour les commandes en provenance d'Europe, qui représentent environ trois quarts des exportations de vêtements du pays. Elle a nécessité des délais rapides de mise sur le marché, de l'innovation et du near shoring, une tendance déjà initiée par les marques, mais accélérée par la pandémie et les difficultés d'approvisionnement en provenance des pays d'Asie (cf. Sourcing textile 2020 : un secteur bouleversé par la crise sanitaire).

À moyen et long terme, la Turquie devrait continuer à bénéficier de l'évolution des modes d'approvisionnement, les marques internationales diversifiant leurs sources d'approvisionnement en dehors de l'Asie de l'Est. En parallèle, les entreprises turques ont également intensifié l'innovation en investissant dans de nouvelles technologies telles que l'impression numérique, le filage par jet d'air et le développement de produits et étudient des solutions de textiles techniques et innovants.

Ses coûts de production étant plus élevés que ceux du Bangladesh, de l'Égypte, du Vietnam ou de la Chine, la stratégie d'offrir une valeur ajoutée aux clients s'avère gagnante pour la Turquie.

Par ailleurs, la demande accrue des consommateurs pour des vêtements produits de manière plus durable a poussé les producteurs turcs à adopter des normes et des programmes plus respectueux de l'environnement comme la Better Cotton Initiative (BCI). Le pays a augmenté sa production de coton certifié BCI pour atteindre 67 000 tonnes en 2020, et quasiment 100 000 tonnes en 2021-22. La production nationale de coton biologique est également en augmentation.

Avis d'expert

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Sylvie THONNERIEUX, Experte - formatrice en Responsabilité Sociétale Internationale chez ACTE International

Ces nouvelles pourraient faire apparaître la Turquie comme une solution incontournable et fiable pour les marques du secteur textile-habillement. D'autant plus que les associations patronales du secteur communiquent largement sur leurs engagements en faveur d'une industrie plus responsable au niveau environnemental*.

La vigilance reste pourtant de mise avec ce pays qui vient d'être classé sur la « liste grise » des nations insuffisamment coopératives en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme par le GAFI (Groupe d'action financière). Cette mise sous surveillance pourrait lui faire perdre jusqu'à 3 % de son PIB, en accentuant la crise des investissements étrangers. Le pays subit une concentration des pouvoirs sans équivalent au monde entre les mains du seul président Erdogan, dont la politique de croissance économique à tout prix fait exploser l'inflation en parallèle de la dévaluation drastique de la livre turque.

Fragile économiquement, la Turquie présente également des risques élevés sur les sujets de respect des droits de l'homme et du droit du travail. Le rapport annuel de la Commission européenne est extrêmement critique envers Ankara : absence de séparation saine et réelle des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire, répression systématique de toute opposition politique sous prétexte de lutte contre le terrorisme, limitation de la liberté d'expression et de la liberté d'association.

Il faut rappeler également que le secteur du textile-habillement turc est caractérisé par de nombreuses petites et moyennes entreprises avec une large chaîne de sous-traitance, souvent non-déclarée et informelle (60 % de la main-d'oeuvre totale ne serait pas enregistrée). La Turquie abrite également la plus grande population de réfugiés au monde, majoritairement syriens, que l'on retrouve dans le secteur textile à réaliser des heures supplémentaires excessives et accepter des salaires de misère, ainsi qu'une augmentation du travail des enfants auparavant rare sur ce territoire.

* cf RSE Turquie : les industriels du textile lancent leur programme de durabilité

Source(s) : JUST STYLE 

Rédacteur(s) : S.THONNERIEUX