COVID-19 : développement viral de la corruption internationale ?

Atmosphère Internationale

May 2020

Covid-19 et corruption

En Tunisie, on titre sur les « soupçons de corruption autour de la commercialisation des tests rapides » ; en Colombie « Corruption et violence aggravent la pandémie » ; au Sénégal ou en Centrafrique apparaissent des « soupçons de corruption dans la gestion des fonds d’aides contre le coronavirus » ; et en Espagne, « une investigation anti-corruption est en cours sur un fournisseur de masques au gouvernement »… L'épidémie de Covid-19 semble être un terreau fertile à la corruption : pourquoi ?

 

Thème :

RSE internationale & prévention de la corruption

Pays :

Monde

Sans surprise, une crise sanitaire comme l’épidémie de Covid-19 accroît vertigineusement les risques de corruption à l'échelle internationale, tout particulièrement dans le secteur de la santé, déjà bien montré du doigt par Transparency International...

L'exposition au risque de corruption de toute la filière médicale et des administrations publiques (hôpitaux, régions, mairies...) engagées dans l'effort de "guerre" est très élevée... en voici les principales raisons :

  • Il est question de vie ou de mort et tous les intervenants de la filière font face à des pénuries graves de dispositifs médicaux et médicaments.
    Les témoignages de médecins indiquant qu'ils sont obligés de "trier" les cas afin de donner toutes leurs chances aux plus jeunes ayant le moins de facteurs de co-morbidité ...  encouragent la corruption passive : les services médicaux surchargés et le personnel médical surmené peuvent être sollicités par des patients ou leurs familles pour obtenir une priorité de traitement, ou une prise en charge tout court.
  • Une course contre la montre avec des enjeux sanitaires et économiques sans précédents.
    Des industriels et traders s'inventent fabricants de matériel mais peinent à répondre aux exigences normatives et réglementaires. Ils n'hésitent pas à utiliser la corruption active afin d'obtenir des priorités d'embarquement, ou des allègements de contrôle des agents en douane, des laboratoires d'analyse, des sociétés de contrôle qualité.
  • Impossible de cacher le caractère vital des marchandises transportées.
    Les transporteurs et toutes les supply chains subissent des sollicitations (corruption passive) ou négocient le détournement de marchandises contre des pots-de-vin (corruption active).
  • Les conditions de passation des marchés sont raccourcies et confiées à des intermédiaires.
    Les règles de contrôle interne font l'objet de fast track sans précédent, laissant de côté les procédures de vérification (Due Diligence) des fournisseurs. Les acheteurs profitent de cadeaux ou dons afin de favoriser l'un plus que l'autre.
  • L'enjeu titanesque du marché des tests, traitements et vaccins impliquant des laboratoires, et leurs services de Recherche et Développement (R&D) avec des risques majeurs de conflits d'intérêt et de lobbying déloyal.
    Certains pots-de-vin pourraient contribuer à retarder la mise sur le marché et favoriser un laboratoire plus qu'un autre. Des situations d'entente illicite augmentent les risques de corruption pour faire taire un concurrent vindicatif !
  • Au niveau national, la concentration du pouvoir au niveau des Etats amène un risque de corruption supplémentaire.
    La société civile a un droit de regard amoindri.
  • Les situations de confinement et les dérogations (temporaires) en matière de droits et de libertés de circulation.
    Elles favorisent les risques de corruption des forces de police en cas de contrôle sans attestation de sortie. Elles donnent un pouvoir excessif aux détenteurs de données de tracking dont le détournement permettrait des pratiques d’extorsion…
  • Les fonds collectés par des organismes "humanitaires" ou solidaires très éphémères.
    Le blanchiment d'argent permet d'écouler l'argent issu de la corruption.
  • L'injection de sommes colossales dans le tissu économique.
    La France prévoit un ensemble de mesures s’élevant à 426 milliards d’euros, soit 17% de son PIB. La BCE prévoit d’injecter 1 050 milliards d’euros dans l’économie européenne. Le FMI a annoncé des mesures d’aides aux gouvernements de plus de 1 000 milliards de dollars : un cocktail à risque pour la corruption et une bombe à retardement quand il s'agira d'identifier à quoi et comment ces fonds ont été utilisés.

Avis d'expert

photo MD

Marion DARIER, responsable des activités prévention de la corruption chez ACTE International

Au sens de la Norme ISO37001, nous pourrions parler de "transactions particulières", hors normes au sens propre comme au figuré.

Dans la cartographie des risques de corruption, ces transactions exigent des dispositifs de prévention exceptionnels, spécifiques et adaptés.

Malgré les fast tracks liés à l’urgence de la situation mondiale, la transparence et la redevabilité doivent rester les valeurs clés de chaque décision/action dans le privé comme dans le public.

Les corrupteurs et corrompus s'adaptent avant tout le monde aux grands changements et tirent avantage de toute situation inhabituelle.

Particulièrement en ces temps troublés, les lanceurs d’alerte doivent être encouragés et les moyens de prévention de la corruption à tous niveaux renforcés.

Malgré un "soft landing" espéré, l'impact économique sera sans précédent. La déstabilisation des grands équilibres économiques pourraient contribuer dans un premier temps à relancer la corruption dans le monde tant l'accès à l'emploi, l'énergie, la sécurité et la santé peuvent devenir difficiles.

A contrario, la mise en lumière des personnes clés, des entreprises vitales et des essentiels à une vie réussie, pourrait restaurer l'idée que le "bien vivre" ne dépend pas du "bien avoir".

Et puisque nous avons développé un tout nouveau vocabulaire, pourquoi pas le "confinement de la corruption", la "distanciation" avec la corruption, les "gestes barrières" entre la corruption et nous...

La Norme ISO37001, ne dit pas aussi bien les choses, mais un Système de Management Anticorruption se construit comme un plan de lutte anti-virus !

Pour aller plus loin...

ACTE International est un cabinet d’expertise stratégique, d’audit et de formation en global supply chain management, qui accompagne à travers le monde les entreprises dans l’établissement de cartographie des risques de corruption, le déploiement de dispositifs de management de la prévention de corruption, la formation des collaborateurs exposés et les pré-audits de certification.

Rédacteur(s) : M. DARIER | A. LE ROLLAND

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