Loi Sapin 2 / UKBA : comment faut-il coopérer avec les agences anti-corruption ?
Atmosphère Internationale
September 2019

En juin 2019, l’Agence Francaise Anticorruption (AFA) publiait ses "Lignes directrices sur la mise en œuvre de la Convention Judiciaire d’Interêt Public (CJIP)", précisant les modalités de coopération des organisations avec les agences gouvernementales. En août, c'est le Serious Fraud Office (SFO) britannique qui, à son tour, diffusait un mémo pour clarifier les règles en matière de coopération des entreprises dans le cadre d’une enquête anti-corruption. Pourquoi, quand et comment les entreprises sont-elles appelées à coopérer avec les agences anti-corruption ?
Thème : |
RSE internationale & prévention de la corruption |
Pays : |
Royaume-Uni / France |
Pour les deux agences en charge du contrôle de l'application de la législation nationale en matière de lutte contre la corruption (loi Sapin 2 en France et UK Bribery Act au Royaume-Uni), le principe de la coopération permet d’améliorer l’efficacité et la fiabilité des enquêtes et nécessite une approche proactive de l’entreprise.
« Coopérer signifie fournir une assistance qui va au-delà de ce que la loi exige », indique la directive anglaise.
Cela comprend :
- Identifier des actes répréhensibles ou une conduite criminelle des individus responsables indépendamment de leur ancienneté ou de leur poste dans l'organisation ;
- Révéler de manière spontanée les faits dans un délai raisonnable après la découverte de soupçons ;
- Préserver les preuves disponibles (physiques et numériques) et les mettre à disposition dans un format exploitable. Assurer la disponibilité des employés pour des entretiens avec le SFO, « en prévoyant notamment leur retour au Royaume-Uni si nécessaire ».
Le SFO énonce qu'il n’y a pas de véritable coopération si l’organisation :
- protège certains individus ou en blâme d’autres de manière injustifiée ;
- avertit les personnes et crée un risque de falsification des preuves ou d’altération des témoignages ;
- passe certains sujets sous silence ;
- crée des retards intentionnels ou surcharge les autorités d’informations.
Une partie du document concerne également le " legal privilege* " qui garantit la protection des avis juridiques délivrés par les juristes internes ou des cabinets externes, et auquel les entreprises pourraient être amenées à renoncer si elles souhaitent obtenir un DPA (Deferred Prosecution Agreement)** afin de coopérer en toute transparence avec le SFO.
* Legal privilege : "secret professionnel juridique"
** DPA : accord passé avec les autorités britanniques par lequel une société objet d’une enquête pour faits de corruption accepte de s’acquitter de sanctions financières, de reconnaître les faits et de se soumettre à des mesures de prévention de la corruption, en contrepartie de l’extinction des poursuites à son encontre.
Avis de l'expert :
Pour rappel toute entreprise française peut être poursuivie par les autorités judiciaires britanniques dès lors qu’elle a une activité commerciale avec le Royaume-Uni (exportation, importation, agent…).
UK vs France : quelles différences entre les lignes directrices ?
Les lignes directrices des agences anti-corruption britannique et française en matière de coopération sont en de nombreux points similaires.
En effet, les notions de délai raisonnable, préservation des preuves, sincérité des témoignages, mise en oeuvre d’une enquête interne, communication de documents pertinents sont des recommandations communes entre le SFO et l’AFA.
Pour autant, des différences existent entre les deux systèmes :
- Les avantages de la coopération
En France, la coopération constitue selon l'AFA "un préalable nécessaire" à la conclusion d'une CJIP* et "la qualité de coopération est décisive de l'abandon des poursuites".
Mais la coopération permet également l'application d'un coefficient de minoration de l'amende d'intérêt public, alors que les directives anglaises ne garantissent pas de clémence certaine en échange de la coopération (par exemple de pouvoir éviter les poursuites en bénéficiant d'un DPA). - La portée du "legal privilege"
En Grande-Bretagne il n'existe aucune distinction entre avocat en cabinet et avocat en entreprise : l'ensemble de leurs avis et consultations juridiques (en interne ou en externe) sont protégés de toute saisie et diffusion dans des procédures judiciaires.
En revanche en France, la protection des avis juridiques n'est garantie qu'au travers du secret professionnel des avocats et ne concerne pas les avis des juristes. C'est pourquoi fin juin, un rapport intitulé « Rétablir la souveraineté de la France et de l'Europe et protéger nos entreprises des lois et mesures à portée extraterritoriale » propose de créer un "legal privilege à la française", afin d'aligner les standards français avec les pratiques internationales.
Dans tous les cas, mieux vaut prévenir que guérir : mettre en place des dispositifs de prévention de la corruption coûtera toujours moins cher que le temps et les ressources nécessaires aux investigations internes et coopérations avec les agences anti-corruption.
* CJIP : Convention Judiciaire d’Intérêt Public proposée par le procureur de la République à une personne morale mise en cause pour des faits de corruption qui aura pour effet d'éteindre l'action publique. Elle peut convenir d'une amende, d'un programme de mise en conformité et de la réparation des dommages subis. Équivalent français du « Deferred Prosecution Agreement ».
(cf. Lutte anti-corruption (loi Sapin 2) : l'AFA et les magistrats sur le pied de guerre !)
Évènement
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in Anti-Corruption Compliance
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Pour aller plus loin...
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Rédacteur(s) : A. LE ROLLAND | M. DARIER
Source(s) : www.sfo.gov.uk | www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr | www.magazine-decideurs.com
Documents de référence (à disposition de nos abonnés sur simple demande) :
- "Lignes directrices sur la mise en oeuvre de la convention judiciaire d’intérêt public" (AFA - Juin 2019)
- "Operational Handbook - Corporate Co-operation Guidance" (SFO - août 2019)
ACCORD UE/UK : FAISONS LE POINT !
Jeudi 14 Janvier 2021 : 11h-12h