Loi Sapin 2 : quand la commission des sanctions s’oppose à l’Agence Française Anticorruption (AFA) !

Atmosphère Internationale

July 2019

Loi Sapin 2 - Agence Française Anticorruption (AFA)

La première décision de la commission des sanctions déboute les conclusions du contrôle de l’Agence Française Anticorruption. Plus de peur que de mal pour l’entreprise familiale dont le profil ne semblait pas devoir attirer l’attention de l’AFA : la durée de la procédure et des échanges lui aura laissé le temps de déployer des dispositifs de prévention de la corruption appropriés à ses risques et activités... Que faut-il tirer comme leçon de ce premier cas d’école ?

Thème :

RSE internationale & prévention de la corruption

Pays :

France / Monde

Créée fin 2016 par la loi « Sapin 2 », l’AFA a pour mission de veiller sur le déploiement effectif des dispositifs anti-corruption des entreprises françaises les plus exposées (cf. Lutte anti-corruption (loi Sapin 2) : l'AFA et les magistrats sur le pied de guerre !).

Suite à un contrôle fin 2017, suivi d'un rapport communiqué en juillet 2018 et une réponse de l’entreprise fournie en septembre 2018, le directeur de l’AFA a saisi la commission des sanctions en mars 2019 sur la base des 5 manquements à la la loi Sapin 2 (sur les 8 initiaux relevés pendant le contrôle) ci-dessous :

  1. Cartographie des risques de corruption non conforme : avec des scénarios standardisés elle ne révélait pas les risques réels de l’entreprise et de ses filiales
  2. Code de conduite qui ne répond pas aux exigences du fait d’illustrations génériques sans lien avec les activités de l’entreprise
  3. Procédure d’évaluation des tiers non déployée
  4. Pas de points de contrôles comptables spécifiques à l’anticorruption
  5. Dispositif de contrôle et d’évaluation inadapté  

Si la commission des sanctions avait validé les préconisations de l'AFA, une injonction de mise en conformité avant fin 2019 aurait été prononcée, déclenchant d'importantes sanctions pécuniaires en cas d'inaction :

  • 1 million d’euros à l'encontre de l’entreprise
  • 200 000 euros à l'encontre du dirigeant

Mais la commission en a décidé autrement !

Sa première décision* déboute les préconisations de l’AFA du fait principalement des améliorations apportées entretemps par l’entreprise sur les points d'infraction relevés.

Dans son communiqué, elle rappelle d'ailleurs que les entreprises ne sont pas dans l’obligation de suivre la méthodologie prescrite dans les recommandations de l’AFA, et estime que la conformité des dispositifs de prévention de la corruption peut être réévaluée par la commission au moment où celle-ci statue.

Au vu de la documentation et des processus mis en place par l'entreprise postérieurement au contrôle de l'AFA, la commission des sanctions a donc jugé le niveau de conformité satisfaisant dans cette première affaire... 

En revanche, les vices de procédure évoqués par l’entreprise et ses avocats (irrégularité de la saisine de la commission des sanctions, du contrôle, et présence contestée du directeur de l’AFA lors de l’audience) n'ont pas été retenus : la méthodologie et les moyens légaux utilisés par l'AFA ne sont donc pas remis en cause.

* Décision n°19-01 du 04/07/2019 de la commission des sanctions à disposition de nos abonnés sur simple demande

Avis de l'expert : 

Plus de 500 salariés avec un CA supérieur à 100 millions d’EUR ? Attention, les risques de corruption d’une entreprise ne dépendent pas de ces deux critères, mais de son business model !

La presse s’est faite le relais d’une certaine injustice à l’égard d’une entreprise familiale qui ne semblait pas être la plus exposée aux risques de corruption dans l'éco-système français...

Pourtant, M. Duchaine, Directeur de l'AFA, avait clairement annoncé au début de son mandat que son périmètre de contrôle ne se limiterait pas aux grandes entreprises très exposées (cf. Loi Sapin 2 : recommandations et contrôles de l’Agence Française Anticorruption) !

Il souhaitait probablement lutter contre l’attentisme français qui veut qu’en l’absence de contrôle il n’est pas utile d’agir. Sur ce plan-là, le message est sans doute reçu 5/5 !

Le calendrier du dossier a joué en faveur de l’entreprise. Assistée par des experts externes elle a pu ajuster ses dispositifs et engager les actions correctives suffisantes pour convaincre la commission des sanctions. Mais attention, le message de l’AFA est clair : pas de place au travail générique et standard en matière de risque de corruption !

Une cartographie des risques requiert de bien connaître les métiers et processus de l’entreprise, et les scénarios de risques retenus doivent correspondre à sa réalité opérationnelle.

Là aussi, M. Duchaine avait été clair lors du lancement de l’AFA et mis en garde les entreprises qui envisageaient de déléguer aux conseillers juridiques et avocats l'élaboration de leur système de prévention de la corruption.

Car l'approche "gestion du risque juridique" seule est généralement très éloignée du contexte opérationnel, et forcément décalée par rapport aux exigences de la loi Sapin 2 et préconisations de l'AFA en matière de lutte effective contre le risque de corruption.

  • Dans le premier cas on cherche juste à réduire les risques de condamnation et pénalités qui en découlent : la prévention de la corruption est une contrainte associée à un coût.
  • Dans le deuxième, on l’intègre dans la stratégie générale pour capitaliser sur la démarche éthique : la prévention de la corruption est une opportunité associée à une plus value.

Nous sommes bien placés pour le savoir !

Certifié ETHIC Intelligence depuis 2014, le système de gestion des risques de corruption d'ACTE International est un formidable atout pour établir des relations saines et durables avec nos clients et partenaires... et nous démarquer de la concurrence, dès qu'il s'agit d'intervenir sur des projets de développement à l'international !

Pour aller plus loin...

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Rédacteur(s) : M. DARIER | A. LE ROLLAND

Source(s) : www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr