Expertise douanière : le classement douanier d'une étagère

Atmosphère Internationale

janvier 2019

nomenclature douanière : classement tarifaire

Dans le cadre de leurs missions, nos experts en ingénierie douanière et fiscale sont régulièrement confrontés à des classements tarifaires extrêmement techniques : à travers le cas concret d'une étagère, nous rappelons aux opérateurs du commerce international qu'une bonne classification des produits est essentielle pour optimiser et sécuriser leur supply chain...

Thème :

Réglementations douanières et fiscales internationales

Pays :

FRANCE / UE / MONDE

Caractéristiques techniques du produit  :
  • Etagère composée de deux tablettes en bois (panneau de fibres à densité moyenne) et d'une structure en métal (fer ou acier), vendue non montée (vis et chevilles de montage sont emballées dans une boîte en carton).
  • Fixé au mur, le cadre en métal accueille les tablettes maintenues par des vis.
  • Capable de supporter une charge maximale de 50kg, cet article est présenté comme pouvant accueillir divers objets dont une télévision.
  • Les éléments en bois et en métal représentent respectivement 50% de la valeur totale de l'article.

Comment classer une étagère en bois sur support métallique ?

Identifions d'abord les positions douanières susceptibles de concerner notre article.

Dans le cas présent, les positions du Système Harmonisé (SH4) envisageables sont les suivantes : 

  • 4421 " Autres ouvrages en bois "
  • 7326 " Autres ouvrages en fer ou en acier "
  • 9403 " Autres meubles et leurs parties "

RAPPEL
Le classement tarifaire des marchandises s'opère en application de différentes dispositions figurant dans le tarif douanier commun : les règles générales interprétatives, les libellés de positions et de sous-positions, les notes de sections et de chapitres.

Le bois étant l'une des deux matières constitutives de notre article, l'on pourrait commencer par étudier le Chapitre 44 traitant des ouvrages en bois : la position 4421 qui englobe divers ouvrages en cette matière semble, de prime abord, apte à couvrir notre étagère...

Mais puisque notre article est également composé à 50% de métal, allons tout de même jeter un oeil au Chapitre 73 traitant des ouvrages en fonte, fer ou acier : la position 7326 semble, elle aussi, susceptible de correspondre...

Ces deux matières constitutives de l'article étant présentes en parts égales, impossible donc de privilégier objectivement l'une ou l'autre de ces deux positions tarifaires !

Le bon réflexe : consulter les notes explicatives !

A la lecture des notes explicatives, l'observateur avisé remarquera un point commun essentiel entre les deux chapitres que nous essayons de départager : les notes 1 n) du Chapitre 44, et 1 j) de la section XV englobant le Chapitre 73, indiquent toutes deux que les articles relevant du Chapitre 94 doivent en être exclus. Information capitale qui nous oriente naturellement vers notre troisième hypothèse de travail.

Le Chapitre 94 traite, entre autres, des meubles, des articles de literie et des constructions préfabriquées : dont acte. 

C'est là que la première règle d'interprétation du tarif douanier commun prend tout son sens, car elle précise bien que les libellés des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres doivent être considérés comme n'ayant qu'une valeur indicative : que ce soit dans la description technique ou dans la dénomination commerciale de l'article, la mention d'éléments constitutifs en bois ou en métal ne suffit donc pas à justifier un classement dans l'une ou l'autre position

Nous devons donc considérer en premier lieu le caractère essentiel de notre article, c'est à dire sa fonction ou son usage principal.

Or cette étagère, prévue pour garnir les murs de logements privés, est principalement destinée à offrir un espace de rangement et/ou un support pour un poste de télévision, ce qui l'assimile donc potentiellement à un meuble.. encore faut-il confirmer cette approche dans le cadre douanier.

Dans le Chapitre 94, il n'existe que 6 positions distinctes, dont seule la 9403 pourrait correspondre à un meuble de type étagère. Oui mais voilà, la note 2 du Chapitre 94 stipule que "les articles (autres que les parties) visés aux nos94.01 à 94.03 doivent être conçus pour se poser sur le sol"... Aïe !

Destiné à être fixé au mur et ne disposant pas de pieds pour reposer au sol, notre article serait donc exclu de ce Chapitre ? Eh bien non ! Les notes explicatives mentionnent des exceptions à cette règle :

"Restent toutefois compris dans ces positions, même s’ils sont conçus pour être suspendus, fixés au mur ou posés les uns sur les autres : les armoires, les bibliothèques, les étagères et les meubles à éléments complémentaires ; [...]"

L'étagère murale qui nous occupe doit donc être considérée comme un meuble au sens de la position 9403.

L'obligation réglementaire : pas d'approximation !

Affinons maintenant notre classement douanier jusqu'à obtenir la nomenclature douanière exacte : les nombreuses sous-positions de la position 9403 font des distinctions selon la matière constitutive des meubles (bois, métal, plastique,...) et leur contexte d'utilisation (bureaux, cuisines, chambres,...).

Si la composition de notre article est paritaire en valeur (50% bois, 50% métal), les parties en bois (tablettes) et en métal (cadre) ont des fonctions différentes. Or, sauf exception*, les meubles composés de plusieurs matériaux sont classés en fonction du matériau dans lequel est fabriquée la structure : en l'occurence le cadre.

Il convient dès lors de classer cette étagère comme "autre meuble en métal" sous le code NC 9403 20 80

* Par application de la règle générale n° 3 b) pour l’interprétation de la nomenclature combinée, le matériau de composition peut confèrer à l'ensemble son caractère essentiel si sa valeur est plus élevée. Dans notre contexte, cela pourrait être le cas si les tablettes d'étagère étaient en bois précieux par exemple.

Avis de l'expert : 

Seule une approche scrupuleuse des notes explicatives du Système Harmonisé (SH) et de la Nomenclature Combinée (NC), sans oublier les règles d'interprétation du tarif douanier commun, permet d'appréhender correctement le classement douanier.

Au-delà de la matière constitutive de l'article, sa fonction et son usage sont souvent prépondérants. Dans notre cas pratique, l'étagère est présentée à l'état démontée dans une boîte en carton : nous aurions donc pu envisager de classer séparemment chaque composant  comme une pièce à part entière.

Mais, là encore, il existe une règle d'interprétation de la Nomenclature Combinée qui élimine d'emblée cette option... heureusement d'ailleurs !

Rappelons, une fois de plus, que le classement douanier conditionne le calcul des droits et taxes ainsi que la réglementation applicable au produit, qui peuvent différer d’un code TARIC à un autre. 

En l'occurrence :

  • 44219910 (Ouvrages en panneaux de fibres) : 4,00%
  • 73269098 (Autres ouvrages en fer ou en acier) : 2,70% 
  • 94032080 (Autres meubles en métal) : 0%

Une position tarifaire erronée (fausse déclaration d'espèce) peut avoir de graves répercussions tant à l'importation (droits de douane éludés entraînant une pénalité douanière) qu’à l’exportation (contournement des mesures de protection commerciale).

De la position douanière découlent également les règles de liste concernant l'origine préférentielle ou non préférentielle (notion de "made in") : une erreur de classement est donc susceptible d'impacter la stratégie douanière et commerciale d'une entreprise !

Pour aller plus loin...

Vérification ou réalisation de vos classements douaniers, détermination de l'origine préférentielle, ingénierie douanière et simulation des droits et taxes, optimisation des procédures et réduction de la facture douanière,...

Rédacteur(s) : Z. MAZID