Lutte anti-corruption internationale : la coopération transnationale en question...
Atmosphère Internationale
January 2019

L'OCDE a publié en 2018 une étude sur l'efficacité de la coopération transnationale en matière de lutte contre la corruption publique. Elle révèle que si le corrupteur d'un pays est poursuivi et/ou condamné, le corrompu (l'agent public) de l'autre pays passe souvent entre les mailles du filet pour de multiples raisons. Une situation qui confirme que la lutte anti-corruption ne peut être le fait de quelques états...
Thème : |
PREVENTION DE LA CORRUPTION |
Pays : |
Monde |
C'est peut être la raison pour laquelle le Royaume-Uni et les États-Unis envisagent une évolution du UKBA (UK Bribery Act) et FCPA (Foreign Corrupt Practices Act) en 2019.
En suivant le fil conducteur "pays corrupteur / pays corrompu", l'étude cherche à vérifier si le fait de poursuivre et condamner un acte de corruption active dans un pays, déclenche automatiquement et rapidement la poursuite et/ou condamnation de l'acte de corruption passive correspondant dans l'autre pays.
20 pays ont été sollicités pour répondre à 55 questionnaires correspondant à des cas de corruption identifiés. L'objectif des corrupteurs est majoritairement d'obtenir ou conserver des marchés publics. Mais d'autres motifs bien connus existent au coeur même des supply chains :
- Accélérer les opérations en douane ;
- Détourner les règles de contrôle à l'export (Biens à Double Usage) ;
- Réduire le coût international des produits en influençant les autorités fiscales des pays de destination ;
- Régler des conflits de dépassements budgétaires dans les marchés ; ...
Le secteur de l'industrie pharmaceutique et des dispositifs médicaux arrive en tête des cas de corruption, suivi par l'énergie, pétrole et gaz, défense et télécommunications.
Les fonctions ciblent de la corruption sont les administrateurs / acheteurs des hôpitaux, agents en douane, officiers municipaux, responsables d'opérations spéciales ...
Sur 55 cas de corruption, 33% seulement des corrompus ont été condamnés.
Dans près de 70% des cas, les délais de transmission des informations entre pays ont dépassé les 2 ans.
La détection des cas de corruption et de dénonciation des corrupteurs est majoritairement à l'initiative des médias, suivis des institutions, de l'auto dénonciation et, en dernier, des lanceurs d'alerte.
Les motifs évoqués de non poursuite sont principalement :
- Le manque de preuve ;
- L'immunité de certains statuts ;
- Un faible impact de la corruption sur la société ;
- L'absence de ressources pour les enquêtes et actions judiciaires ;
- La disparition des preuves et documents ;
- Des actes qui ne sont pas qualifiés d'illégaux par la législation nationale.
Les 3 principaux freins à la condamnation "bilatérale" relevés sont :
- Un corrupteur peut être condamné pour avoir offert des pots-de-vin sans que ceux-ci n'aient été acceptés par l'agent public ;
- La notion de corruption peut avoir des définitions et portées différentes d'un pays à l'autre ;
- Des obstacles à la transmission d'information entre autorités de contrôle et/ou d'enquêtes telles que des divergences dans les règles de divulgation.
32 des 39 cas sanctionnés l'ont été par le Département de la Justice américain (DOJ) et/ou la Securities & Exchange Commission (SEC), les 7 autres sont répartis entre Allemagne, Hongrie, Italie, Corée du Sud, Royaume-Uni et Suisse.
Définitions
- Corruption active : proposer, offrir, donner quelque chose en échange d’une action illégale, illégitime ou déloyale.
- Corruption passive : le fait pour une personne investie d’une fonction déterminée (publique ou privée) de solliciter ou d’accepter un don ou un avantage quelconque en vue d’accomplir, ou de s’abstenir d’accomplir, un acte entrant dans le cadre de ses fonctions.
Avis de l'expert :
Un micro bilan courageux, mais décevant... Il justifie peut-être que certains états (États-Unis, Royaume-Uni, France) aient pris le parti d'un pack législatif transnational qui leur permet de poursuivre eux-mêmes les corrompus dans les pays étrangers (extra-territorialité).
Le bilan mondial 2018 est plus optimiste.
Les médias, première source de dénonciation, se font l'écho de nombreux cas de corruption partout dans le monde et contribuent à montrer que l'impunité n'est plus de mise.
En France une enquête a été menée sur les grandes collectivités : plus de 60% des répondants des régions dénoncent être exposés à des sollicitations de corruption... Sans surprise puisqu'aucun dispositif de prévention n'existe à ce jour !
Le Vietnam a lancé un système d'alerte afin de permettre aux citoyens de dénoncer des cas de corruption rencontrés avec les agents publics, et la police plus particulièrement.
Au Maroc, la Banque Centrale, certaines banques commerciales et entreprises du secteur de l'énergie s'engagent dans la certification ISO 37001.
Un "engouement" qui attise les convoitises... Aux États-Unis le bureau des lanceurs d'alerte a reçu en 2018 plus de 5200 informations : plus de 326 millions de dollars ont été reversés à 59 lanceurs d'alerte depuis 2011, pour 1.7 milliards de dollars collectés sous forme d'amendes !
Un système victime de son succès qui pourrait être revu à la baisse en 2019, afin d'éviter que des bataillons d'avocats chasseurs de primes ne se fassent la guerre pour dénicher des informateurs potentiels. D'autant que moins de 50% des informations ont pu être utilisées, générant des coûts de traitement lourds.
Une révision du UKBA anglais serait envisagée afin d'améliorer l'efficacité et l'équité de la loi. Deux points majeurs seraient en cours de discussion :
- Abandon de la notion de "controlling minds" : actuellement une entreprise n'est poursuivie pour corruption réalisée par un de ses employés que s'il peut être prouvé qu'elle avait la maîtrise de l'esprit de ses employés. Une notion qui tendrait à protéger les grands groupes, et exposer beaucoup plus les petites entreprises dans lesquelles le dirigeant est très proche de ses employés et les connaît mieux ;
- Extension du défaut de prévention au crime économique/fraude.
Dans un contexte de guerre économique, la lutte contre la corruption risque de prendre une orientation d'arme commerciale... C'est pourquoi il convient de bien sensibiliser ses collaborateurs, et surtout d'adapter ses dispositifs de prévention de la corruption à ses risques opérationnels.
Pour aller plus loin...
Que vous soyez directement concernés par des obligations légales (loi Sapin 2), contraints par vos donneurs d'ordre, ou spontanément engagés dans le déploiement de dispositifs de prévention de la corruption, n'hésitez pas à consulter
Rédacteur(s) : A. LE ROLLAND
Source(s) : www.oecd.org
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Jeudi 14 Janvier 2021 : 11h-12h