Expertise douanière : le classement douanier des compléments alimentaires

Atmosphère Internationale

décembre 2018

nomenclature douanière : classement tarifaire

Dans le cadre de leurs missions, nos experts en ingénierie douanière et fiscale sont régulièrement confrontés à des classements tarifaires extrêmement techniques : à travers le cas concret des compléments alimentaires, nous rappelons aux opérateurs du commerce international qu'une bonne classification des produits est essentielle pour optimiser et sécuriser leur supply chain...

Thème :

Réglementations douanières et fiscales internationales

Pays :

FRANCE / UE / MONDE

Caractéristiques techniques du produit  :
  • Le complément alimentaire étudié est conditionné pour la vente au détail sous la forme de capsules.
  • Chaque capsule contient les ingrédients suivants :
    • 500 mg d'huile de poisson concentrée pressée à froid
    • 20 mg de vitamine E concentrée
  • L’enveloppe de chacune de ces capsules se compose de gélatine, de glycérol et d’eau purifiée.
  • Selon l’étiquette, le produit est présenté comme un complément alimentaire destiné à la consommation humaine qui contribue à prendre soin de son corps et à procurer du bien-être.

Comment classer les compléments alimentaires ?

Il convient tout d'abord d'identifier les positions douanières susceptibles de concerner notre article.

Dans le cas présent, les positions du Système Harmonisé (SH4) envisageables sont les suivantes : 

  • 1517 " Margarine ; mélanges ou préparations alimentaires de graisses ou d'huiles animales ou végétales ou de fractions de différentes graisses ou huiles [...] "
  • 2106 " Préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs "
  • 3004 " Médicaments [...] constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses [...] "

RAPPEL
Le classement tarifaire des marchandises s'opère en application de différentes dispositions figurant dans le tarif douanier commun : les règles générales interprétatives, les libellés de positions et de sous-positions, les notes de sections et de chapitres.

Un classement de ces capsules sous la position 3004 de la Nomenclature Combinées (NC) ne semble pas envisageable dans la mesure où les produits  ne poursuivent pas de buts "thérapeutiques ou prophylactiques".

Le bon réflexe : consulter les notes explicatives !

Cette déduction sera confirmée grâce à la note explicative 1 a) du chapitre 30 qui exclut clairement les compléments alimentaires de la position 3004.

En outre, la note complémentaire du chapitre 30 nous indique que la position 3004 comprend des préparations conditionnées pour la vente au détail dont l’étiquette, l’emballage et/ou le mode d’emploi comporte(nt) les 4 indications suivantes :

  1. Les maladies, affections ou leurs symptômes, contre lesquels elles doivent être employées ;
  2. La concentration de la substance active ou des substances actives qu’elles contiennent ;
  3. La posologie ;
  4. Le mode d’administration

Or, ces différents points sont bien repris sur la notice d'utilisation du produit, à l'exception du premier : seules les notions de "soin du corps" et de "bien-être" sont en effet mentionnées sur la notice de notre exemple.

Les marchandises définies sous la position 1517 de la Nomenclature Combinée se réfèrent aux graisses destinées à tous types d’usage.

Il convient de rappeler que le critère décisif pour le classement tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la NC et des notes de sections ou de chapitres.

Notons par ailleurs, que la destination du produit peut constituer un critère objectif de classification pour autant qu’elle soit inhérente au produit, l’inhérence devant pouvoir s’apprécier en fonction des caractéristiques et des propriétés objectives de celui-ci.

En l’occurrence, les capsules sont des préparations alimentaires à base principalement d’huiles animales ayant la fonction de compléments alimentaires.

À ce titre, il convient de souligner que l’enveloppe permettant de contenir les huiles n’est pas un «emballage» au sens de la règle générale interprétative 5. En effet, ce mode de présentation des huiles détermine le dosage des préparations alimentaires, leur mode d’absorption et l'endroit du corps où elles sont censées entrer en action. Dès lors, l’enveloppe est un élément qui détermine la destination et le caractère des produits, conjointement avec leur contenu.

Et comme la règle générale 3 a) nous indique que "la position la plus spécifique a la priorité sur les positions d’une portée plus générale", nous pouvons donc en conclure que notre complément alimentaire relève plutôt de la position 2106 : celle-ci étant, dans ce cas précis, plus spécifique que la position 1517.

Déduire n'est pas "classer"...

Notre hypothèse la plus probable mérite cependant d'être définitivement confirmée par une approche réglementaire approfondie.

Deux informations complémentaires viennent conforter notre classement :

  • Le deuxième alinéa, point 16 de la position 2106 stipule que" les préparations désignées souvent sous le nom de compléments alimentaires [...], additionnées de vitamines [...]" sont " souvent présentées dans des emballages indiquant qu’elles sont destinées à maintenir l’organisme en bonne santé [...] ".
  • La note complémentaire 5 du chapitre 21 indique que " les autres préparations alimentaires présentées sous forme de doses, telles que les capsules [...], et destinées à être utilisées comme compléments alimentaires relèvent de la position 21.06, sauf si elles sont dénommées ou comprises ailleurs ".

CQFD !

Avis de l'expert : 

Seule une approche scrupuleuse des notes explicatives et des termes de positions permet d'appréhender correctement le classement douanier.

Au-delà des considérations techniques intrinsèques de l'article que nous cherchons à classer, sa fonction, son usage et le contexte de son utilisation sont également à prendre en compte : dans ce cas précis, l'appel à la règle générale interprétative 3 a) nous a permis de recentrer l'analyse sur les considérations spécifiques du produit aux dépends des aspects plus généraux. 

Dans notre cas pratique, le code NC retenu est susceptible d'être concerné par la réglementation sanitaire à l'importation, alors que la position 3004 est soumise à la réglementation normative liée à la sécurité du médicament (autorisation d'importation à solliciter auprès de l'ANSM).

De la position douanière découlent également les règles de liste concernant l'origine préférentielle ou non préférentielle (notion de "made in") : une erreur de classement est donc susceptible d'impacter la stratégie douanière et commerciale d'une entreprise !

Rappelons, une fois de plus, que le classement douanier conditionne le calcul des droits et taxes ainsi que la réglementation applicable au produit, qui peuvent différer d’un code TARIC à un autre. 

En l'occurrence :

  • 3004 (Médicaments) : 0,00%
  • 1517 (Préparations alimentaires de graisses ou d'huiles animales...) : 2,7% à 16%
  • 2106 (Préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs) : 12,8%

Une position tarifaire erronée (fausse déclaration d'espèce) peut avoir de graves répercussions tant à l'importation (droits de douane éludés entraînant une pénalité douanière) qu’à l’exportation (contournement des mesures de protection commerciale).

Pour aller plus loin...

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Rédacteur(s) : Z. MAZID