Sourcing Bangladesh : un secteur textile dynamique mais encore fragile...
Atmosphère Internationale
October 2018

A compter de décembre 2018, le salaire mensuel minimum d'un ouvrier bangladais du textile augmentera de 51% pour atteindre 8 000 takas (BDT), soit environ 81 EUR : première réévaluation du salaire minimum légal depuis son instauration en 2013, au lendemain du drame du Rana Plaza. Une hausse très insuffisante selon les représentants des 4,4 millions de travailleurs du textile !
Thème : |
RSE internationale & prévention de la corruption |
Pays : |
Bangladesh / Myanmar |
Les ouvriers bangladais du textile ont de nouveau manifesté en septembre à Dhaka, pour protester contre la décision du gouvernement de réévaluer leur salaire mensuel minimum à 8.000 BDT, au lieu de 5.300 (environ 55 EUR) actuellement : ils exigent un salaire d'au moins 16.000 BDT depuis plusieurs mois.
La dernière augmentation remonte à 2013, au lendemain de l'accident du Rana Plaza, passant de 3.000 à 5.300 BDT par mois.
Les travailleurs sont soutenus et guidés par des représentants syndicaux du secteur du textile, rassemblés en une plate-forme de 12 organisations.
Le ministre d'État a ainsi détaillé les postes de dépense couverts par le montant du nouveau salaire minimum :
Plusieurs leaders politiques du parti communiste et des syndicats ont demandé à réévaluer le salaire minimum autour de 21.000 BDT pour pouvoir prendre en compte la hausse des prix des produits de première nécessité et donner la possibilité aux ouvriers d'économiser une partie de leur salaire.
Aujourd'hui au Bangladesh, la rémunération d'un agent d'entretien qui travaille pour l'administration est de 17.000 BDT, soit 2 fois plus que le montant du salaire minimum proposé par le gouvernement...
Premier secteur industriel avec 15% de PIB, le secteur textile - habillement est le premier employeur du pays avec 4,4 millions de travailleurs, dont 90% de femmes. Le Bangladesh est devenu le 2ème fournisseur textile de l'Europe, après la Chine.
Avis de l'expert :
Depuis l'accident du Rana Plaza qui a mis en lumière les conditions de travail déplorables des ouvriers bangladais*, des améliorations substantielles ont été réalisées grâce à trois initiatives multi-partites :
- l'Accord on Fire and Building Safety in Bangladesh, auquel participent les marques européennes;
- l’Alliance for Bangladesh worker safety, qui est une initiative américaine;
- le National Tripartite Plan of Action du gouvernement bangladais.
A l'issue de ces plans d'action, 100% des usines ciblées ont été auditées et 90 % ont vu leurs conditions de sécurité validées (cf. Atmosphère Internationale de juillet 2017).
Des progrès substantiels ont été réalisés dans les domaines de la santé et sécurité des travailleurs, de la non-discrimination et l'égalité de traitement entre hommes et femmes, et des conditions salariales.
Pour les entreprises qui ont des usines et fournisseurs au Bangladesh, les risques éthiques, sociaux et environnementaux ont considérablement diminué ces dernières années et le coût de la main d'oeuvre reste l'un des plus bas dans le monde à ce jour... La nouvelle augmentation du salaire minimum pourrait-elle impacter l'attractivité du pays ?
Le risque existe en effet que les donneurs d'ordre fassent pression sur les fabricants pour maintenir les prix d'achat à leur niveau actuel, voire continuent à négocier des prix toujours plus bas, sans tenir compte du nouveau salaire minimum légal... réduisant ainsi les marges de leurs fournisseurs et les fragilisant économiquement. Une telle démarche pourrait avoir aussi un impact négatif direct sur les conditions de travail en accentuant le recours abusif par l'employeur aux heures supplémentaires (sans paiement des primes légales), à l'augmentation des exigences de productivité, à la sous-traitance cachée dans des zones de non-droit, au recours au travail des enfants.
Certains opérateurs du commerce international pourraient également être tentés de changer leur stratégie de sourcing en se tournant vers des pays voisins plus attractifs en termes de coûts de fabrication, comme le Myanmar.
De telles réactions iraient à l'encontre du principe de diligence raisonnable dans le cadre de leur responsabilité sociétale internationale et de l'atteinte des Objectifs du Développement Durable.
Aujourd'hui, de plus en plus d'entreprises qui travaillent à l'international, adoptent le principe d'une conduite responsable des affaires et s'engagent dans le respect des droits fondamentaux.
Or, au-delà du salaire minimum légal, la notion de salaire décent est désormais intégrée dans la plupart des référentiels RSE utilisés par les opérateurs des supply chains internationales. En effet, Il s'agit d'un droit fondamental stipulé dans l'article 23 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et repris dans les conventions internationales de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) :
"Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante, lui assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine, et complétée, s'il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale".
Par ailleurs cette notion est clairement inscrite dans les Objectifs de Développement Durable de l'ONU (ODD N°8 : Travail décent et croissance économique) :
"Les entreprises s'engagent à promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, avec des conditions décentes de travail pour tous".
De plus, le Global Compact et les principes directeurs pour les entreprises multinationales de l'OCDE soulignent le devoir des entreprises de protéger les droits humains fondamentaux dans leurs "sphères d'influence", incluant bien entendu les chaînes d'approvisionnement !
Rappel
Selon l'ONG Asia Floor Wage, le salaire décent qui permettrait à un ouvrier bangladais de faire vivre décemment sa famille est estimé à 37.661 BDT/mois (cf. Atmosphère Internationale d'août 2014). Ce montant est loin de celui fixé par le gouvernement du Bangladesh (8.000 BDT), dont la volonté est de maintenir le salaire minimum légal au plus bas niveau pour que le pays ne perde son attractivité économique...
Nous conseillons aux entreprises qui travaillent avec le Bangladesh, de rester très vigilantes dans leurs futures négociations avec leurs fournisseurs : une pression trop forte sur les prix, associée à des exigences contradictoires sur une amélioration des engagements RSE de l'usine, pourraient avoir un impact économique et humain fort, augmentant considérablement le niveau de risque éthique.
Nous vous encourageons à maintenir votre activité dans ce pays, riche d'un vrai savoir-faire textile - habillement, en établissant des liens de partenariat gagnant-gagnant avec vos fournisseurs pour soutenir l'amélioration actuelle des conditions de travail des ouvriers du secteur, et minimiser vos risques en matière de due diligence.
* Effondrement d'un bâtiment industriel à Dhaka qui abritait plusieurs usines de confection textile, tuant plus de 1130 ouvriers (cf. Atmosphère Internationale de mai 2013).
Pour aller plus loin...
ACTE International, spécialiste en Global Supply Chain Management et cabinet d'audit international et d'expertise-conseil en RSE réalise votre cartographie des risques et vous accompagne dans le déploiement de votre plan de vigilance et politique éthique en Asie, Afrique, Europe et Amériques.
Rédacteur(s) : I. ALTENBEREND | S. THONNERIEUX
Source(s) : thedailystar.net/city/ | thedailystar.net/business/
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