Risque éthique : la Corée du Nord exporte l'esclavage moderne
Atmosphère Internationale
September 2018

Selon le rapport Global Slavery Index (GSI) 2018, la Corée du Nord est certainement le pays où le risque d'esclavage moderne est le plus élevé au monde. La forte présence du travail forcé institutionnalisé par l'État ne se limite d'ailleurs pas qu'à l'intérieur du pays : ces pratiques d'un autre âge qui font planer une épée de Damoclès sur la réputation des donneurs d'ordre internationaux font tâche d'huile dans certains pays voisins, dont la Chine.
Thème : |
RSE internationale & prévention de la corruption |
Pays : |
Corée du Nord / Chine / Monde |
En effet, depuis 1960, la Corée du Nord pratique l'envoi des travailleurs à l'étranger...
Une main-d'oeuvre à très bas coût et corvéable à merci, qui fait les affaires de nombreuses usines dans la région, et bien au-delà !
En 2011, pendant l'ascension de Kim Jong-un, cette pratique a pris de l'ampleur avec l'envoi de dizaines de milliers d'ouvriers dans une quarantaine de pays : Chine et Russie pour l'essentiel, mais aussi Cambodge, Malaisie, Myanmar ou encore Algérie, Pologne, Qatar et Émirats Arabes Unis, sans oublier plusieurs États d'Afrique de l'Est...
Selon GSI, ces travailleurs gagneraient de 120 à 150 USD/mois en moyenne pour des amplitudes de travail allant jusqu'à 20 h/jour, un à deux jours de repos par mois, et des conditions de vie extrêmes. En échange de quoi, le gouvernement nord-coréen percevrait directement d'importantes sommes de la part des employeurs...
L'esclavage moderne est présent sous différentes formes en Corée du Nord :
Tous les emplois officiellement reconnus sont organisés de manière centralisée : l'État contrôle entièrement la vie professionnelle des nord-coréens, ainsi que leurs conditions de travail.
La population est divisée en trois classes sociales :
- La classe "centrale" (l'élite, les cadres du parti et leurs familles)
- La classe "hésitante" (les Nord-Coréen moyens)
- La classe "hostile" (y compris les descendants de propriétaires terriens ou de capitalistes).
La nature de l'emploi est déterminée par la classe sociale, qui est souvent héritée.
Aucun travailleur nord-coréen n'a officiellement droit au « chômage », et toute personne sans emploi peut être poursuivie et condamnée aux travaux forcés.
Pour ceux qui, sous le contrôle de l'État, ont la possibilité de partir travailler dans les usines à l'étranger, les mêmes conditions s'appliquent !
La plupart des ouvriers nord-coréens "détachés" sont principalement embauchés dans le bâtiment, les mines et les exploitations agricoles et forestières des pays voisins.
Les revenus tirés de ces travailleurs forcés sont non négligeables : plusieurs centaines de millions d'euros de revenus par an... pour le gouvernement nord-coréen.
Avis de l'expert :
Plusieurs sources révèlent l'existence des pires formes d'esclavage moderne en Corée du Nord.
Difficile à croire que cela se passe actuellement, alors que les États et les entreprises du monde entier s'engagent officiellement à promouvoir les Objectifs de Développement Durable (ODD), et que des réglementations internationales et nationales contre l'esclavage moderne sont déjà en vigueur dans plusieurs pays (cf. RSE et droits humains : vers un traité international contraignant pour les multinationales).
L'existence de ces pratiques est un risque éthique majeur pour les donneurs d'ordre, notamment en Chine, pays limitrophe et allié de la Corée du Nord sur l'échiquier géopolitique international.
Les entreprises qui ont des activités en Chine ou sous-traitent une partie de leur production aux entreprises chinoises courrent le risque d'être complices de ces pratiques d'esclavage moderne.
Nous avons identifié deux types de situations de violation des droits de l'homme et du travailleur dans lesquelles les donneurs d'ordre sont susceptibles d'être impliqués au titre de la diligence raisonnable ou "Due Diligence" :
- la sous-traitance (souvent cachée) d'une partie de leurs activités aux usines nord-coréennes (cf. Risque éthique : la Corée du Nord, arrière-boutique de la Chine);
- l'embauche de travailleurs détachés nord-coréens par les usines chinoises.
Selon les principes directeurs des Nations-Unies "Protéger, Respecter et Réparer", c'est le rôle primordial des États de mettre en place des mesures concrètes pour promouvoir le respect de droits humains sur leur territoire.
Certains pays commencent à engager des actions à l'encontre de la Corée du Nord pour juguler ce fléau : la Pologne, par exemple, ne délivre plus de permis de travail aux ressortissants Nord-Coréens depuis janvier 2018.
Mais dans les pays où la réglementation est opaque, pas ou peu respectée, les autorités ont tendance à fermer les yeux sur ces pratiques : l'entreprise ne peut alors s'appuyer que sur ses propres dispositifs de prévention et d'alerte, avec toutefois la possibilité de trouver un appui de terrain auprès des ONG locales.
Selon les lois en vigueur, en France et dans la plupart des pays occidentaux, il lui revient de mettre un place des mécanismes pour assurer un cadre de travail décent dans son périmètre d'influence.
En France, la loi sur le Devoir de Vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordres (cf. Atmosphère Internationale de mars 2017) vise à renforcer la responsabilité sociale et environnementale des entreprises françaises, via une diligence raisonnable sur leurs chaînes d’approvisionnements.
La loi prévoit un plan d'action détaillé avec une cartographie des risques et une procédure d'évaluation régulière. Pour l'instant elle ne concerne que les grandes entreprises, mais nous conseillons à toutes les entreprises de s'inspirer de ce plan d'action pour prévenir les risques éthiques dans leurs chaînes d'approvisionnement.
Pour aller plus loin...
ACTE International, spécialiste en Global Supply Chain Management et cabinet d'audit international et d'expertise-conseil en RSE réalise votre cartographie des risques et vous accompagne dans le déploiement de votre plan de vigilance et politique éthique en Asie, Afrique, Europe et Amériques.
Rédacteur(s) : I. ALTENBEREND
Source(s) : cdn.globalslaveryindex.org | globalslaveryindex.org | theguardian.com
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