Ventes successives (cross-trade) : la valeur en douane sous l'ère du CDU

Atmosphère Internationale

August 2018

CDU valeur en douane (cross trade)

Fin des ventes successives et application du principe de dernière vente pour l'exportation à destination du territoire de l’Union européenne.

Thème :

Réglementations douanières et fiscales internationales

Pays :

FRANCE / UE / MONDE

L'évaluation en douane (un des 3 piliers de la douane avec l'espèce tarifaire et l'origine) est essentielle pour déterminer le montant du droit exigible sur un produit importé.

Conformément aux dispositions du Code des Douanes de l’Union (CDU), la base première pour la détermination de la valeur en douane des marchandises est la valeur transactionnelle, c’est-à-dire le prix des marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation à destination de l’Union européenne.

Ce prix est complété par différents éléments (commissions à la vente, frais de transport et d'assurance,...)*.

Pour certains schémas de vente triangulaire (cross-trade) ces dispositions réglementaires peuvent toutefois laisser planer un doute…

Cas d’école :

  • A = fournisseur d’un pays tiers à l’UE
  • B = importateur établi en France (client de A)
  • C = distributeur établi en Italie (client de B)

Important : le dernier vendeur (B) et le destinataire final des marchandises (C) sont tous deux établis sur le territoire douanier de l’Union européenne.

Dans ce schéma typique de vente triangulaire (cross-trade)

  1. A effectue une livraison directe à C
  2. A facture B
  3. B facture C

En tant qu’intermédiaire sur cette transaction, B appliquera une marge bénéficiaire sur le prix de revient des marchandises. Ainsi le montant total de la facture A-B sera inférieur au montant de la facture B-C.

Quid de la valeur en douane à prendre en compte dans ce schéma-là ?

En vertu des dispositions de l'article 70§1 du CDU, le type de transaction auquel il y a lieu de se référer est une vente pour l’exportation à destination du Territoire Douanier Unique (TDU).

Or, dans ce cadre réglementaire, seules les ventes impliquant une opération d’importation de marchandises d’un pays tiers vers le territoire douanier de l’UE peuvent être utilisées pour l’évaluation en douane en application de la méthode de la valeur transactionnelle.

Dans notre exemple, c’est donc la facture du fournisseur A qui devra être reprise lors du dédouanement à l'importation en Italie.


ATTENTION

Avant la mise en place du CDU au 1er mai 2016, la valeur transactionnelle des marchandises faisant l'objet de ventes successives avant leur mise en libre pratique pouvait être fondée, au choix de l’importateur, soit sur la dernière vente avant introduction dans le TDU, soit sur une vente antérieure à celle-ci.

Le CDU a abandonné ce dispositif : s’il y a plusieurs ventes avant l’introduction des marchandises dans l’UE, il faudra retenir la dernière vente avant introduction dans le TDU.


* Liste exhaustive des éléments à intégrer dans la valeur transactionnelle à disposition de nos abonnés sur simple demande.

 Avis de l'expert : 

De manière assez surprenante, cette évolution du CDU implique un manque à gagner pour l’Union européenne (moins de droits de douane) et ses Etats membres (moins de recettes au niveau de la TVA)… Elle permet cependant d’assurer une meilleure conformité des règles du droit européen à celles de l’Accord OMC et  du Comité technique de l’évaluation en douane (CTED) de l’OMD.

Quelles conséquences pour les opérateurs de l’Union européenne ?

L’importateur B est le véritable bénéficiaire de cette évolution réglementaire car la valeur transactionnelle prise en compte dans l’assiette de calcul des droits et taxes à l’importation est le montant de la facture du fournisseur (A-B), et non celui de la facture de vente au client final (B-C) !

En revanche, ce nouveau principe fait potentiellement courir un risque commercial au revendeur (B) : si c’est l’acheteur final (C) qui prend en charge le dédouanement des marchandises à destination, il sera en mesure de connaître la valeur d’achat des marchandises avant revente (facture A-B)…

Pour préserver la confidentialité des informations concernant la transaction amont, et particulièrement le prix d’achat, l’intermédiaire B pourra éventuellement recourir à l'Incoterm® DDP qui lui assure la maîtrise du dédouanement import (en Italie dans notre exemple).

Notons toutefois que l’opération douanière devra être réalisée à son nom et non au nom du destinataire final italien : l’importateur B devant être en mesure de justifier de son achat auprès des services douaniers et fiscaux en cas de contrôle (justificatif d'importation).

Pour se faire, le fournisseur A devra inscrire les informations suivantes sur sa facture :

  • « sold to » (vendu à) importateur français (B)
  • « ship to » (expédié à) destinataire final italien (C)

Les flux internationaux se complexifient et les opérations triangulaires ne sont qu'un exemple parmi d'autres défis techniques à relever pour maîtriser sa supply chain internationale : les règles de détermination des prix de transfert posent notamment des problèmes aux opérateurs communautaires (cf. Atmosphère Internationale de juin 2015).

S’il n’existe pas à ce jour de procédure de renseignement contraignant sur l’évaluation en douane, comme cela est le cas pour l'origine (RCO) ou l'espèce tarifaire (RTC), un Avis sur la Valeur en Douane (AVD) peut être sollicité auprès de la DGDDI* : l’analyse tiendra compte des différents schémas (commercial, logistique et douanier) spécifiques à la transaction étudiée.

* DGDDI : Direction Générale des Douanes et Droits Indirects

Pour aller plus loin...

Rédacteur(s) : Z. MAZID

Source(s) : www.douane.gouv.fr | ec.europa.eu