15 mai, 2025
Livraison du dernier kilomètre : vers une logistique urbaine décarbonée

Face à l’urgence climatique, la logistique urbaine, et notamment le dernier kilomètre, fait figure de priorité. Le dernier kilomètre de livraison, maillon crucial de la chaîne logistique, représente une part significative des émissions de CO₂ en milieu urbain. Devant ce défi environnemental, des solutions innovantes émergent.

Le dernier kilomètre, ultime étape de la livraison jusqu’au client final, est responsable d’environ 25 % des émissions de gaz à effet de serre en milieu urbain. Il représente également 20 % du trafic et 30 % de l’occupation de la voirie. Cette phase, bien que courte, est la plus coûteuse et la plus polluante de la chaîne logistique. À l’heure où la stratégie nationale bas carbone vise une réduction de 50 % des émissions d’ici 2030, le dernier kilomètre de livraison apparaît comme un enjeu critique.

Si l’électrification des véhicules est un levier évident, elle ne suffira pas. Le défi est aussi organisationnel : il faut repenser les circuits logistiques, mutualiser les flux, adapter les infrastructures et agir sur les usages.

Face à ce constat, plusieurs types de solutions ont émergé, soutenues notamment par l’ADEME dans le cadre de son programme eXtrême Défi Logistique. Trois modèles principaux sont étudiés :

  1. Les centres de distribution urbaine (CDU) : ces entrepôts situés en périphérie mutualisent les flux de divers transporteurs, puis organisent des tournées optimisées vers les centres-villes. Ils peuvent réduire jusqu’à 13 % des émissions, mais leur pérennité dépend d’un équilibre économique difficile à atteindre. Les projets viables reposent sur un soutien public et des services à valeur ajoutée comme le stockage ou la préparation de commande.

  2. Les microhubs logistiques : installés au cœur des villes (souvent sur des emplacements de stationnement), ces mini-plateformes facilitent la livraison du dernier kilomètre à vélo-cargo. Flexibles, mobiles, temporaires ou durables, ils répondent à un besoin de proximité. Leur déploiement dépend toutefois de la disponibilité foncière et d’un écosystème favorable à la cyclologistique.

  3. La mutualisation des circuits courts alimentaires : dans les zones rurales, les producteurs mutualisent leurs livraisons vers les villes pour éviter les trajets individuels peu efficaces. Cela implique une coordination entre acteurs (producteurs, collectivités, chambres d’agriculture) et des structures dédiées (comme les Scic).

Une innovation audacieuse vient d’Espagne : le recours au métro comme outil de livraison urbaine. À Madrid, un projet pilote a vu le jour avec la collaboration de la société publique de transport et un opérateur logistique. L’idée : utiliser les rames hors des heures de pointe pour transporter des colis vers les centres-villes, avec des hubs de redistribution proches des stations.

Cette logistique souterraine permet de contourner les embouteillages, de réduire l’impact environnemental et de fluidifier la distribution en zone dense. Elle s’inscrit dans une logique de décarbonation, sans besoin de construire de nouvelles infrastructures.

Quel que soit le modèle, toutes les expériences aboutissent à la même conclusion : sans intervention active des collectivités, la transition logistique urbaine reste marginale. Le marché seul ne suffit pas à structurer des initiatives fragmentées ou économiquement fragiles.

Les collectivités ont plusieurs rôles à jouer :

  • Faciliter l’accès au foncier logistique ;

  • Mettre en place des incitations (fiscales, réglementaires) ;

  • Soutenir la mutualisation des flux ;

  • Accompagner les expérimentations locales ;

  • Intégrer ces dispositifs dans les plans d’urbanisme.

La livraison du dernier kilomètre est un levier essentiel pour atteindre les objectifs climatiques. Des solutions innovantes existent, entre logistique souterraine, hubs mutualisés, cyclologistique et circuits courts repensés. Mais elles nécessitent d’être structurées, soutenues et accompagnées pour sortir du stade expérimental. La transformation de la logistique urbaine n’est pas seulement une question technique, c’est un projet de territoire.

Source :

Réseau ACTE International

Rédacteur : Emilie Rosas