Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème SOCIAL / ETHIQUE / RSE
 Pays BANGLADESH  Date mai 2013

Bangladesh : un accord "mondial" sur la sécurité des usines ?

Synthèse : Connaissez-vous vos usines au Bangladesh ? Avez-vous lu dans le détail les derniers rapports d'audit social et pris connaissance des alertes, remarques et preuves photo transmises par vos cabinets d'audit ? Vos pratiques de sourcing sont-elles en phase avec vos codes de conduite et politiques générales ?

Le Bangladesh a de nouveau fait la une de la presse et des journaux télévisés, à l'occasion de l'effondrement tragique de l'usine du Rana Plaza qui fait suite à de nombreux accidents et incidents survenus au cours des dernières années.

Une catastrophe humaine qui a bousculé l'ensemble des parties en jeu et abouti à la création du "Bangladesh Fire and Building Safety Agreement (BFBSA)"* : syndicats internationaux, ONG, usines et donneurs d'ordre ont signé cet accord qui a pour vocation de responsabiliser solidairement l'ensemble de la chaîne de fabrication textile face aux problèmes de sécurité des usines et des ouvriers.

Du côté de l'Union européenne, on parle ouvertement de la possibilité de priver temporairement le Bangladesh de sa préférence tarifaire totale, qui permet aux produits originaires de ce pays d'entrer sur le marché communautaire en suspension de droits de douane.

* Texte du "Bangladesh Fire and Building Safety Agreement" à disposition de nos abonnés sur simple demande.
Avis de l'expert : Réalisé dans l'urgence sous la pression médiatique, cet accord risque de ne pas produire les effets escomptés, d'autant qu'il manque pas mal de signataires dans les rangs des acheteurs...

Quoiqu'il en soit, l'ampleur du désastre industriel et humain au Bangladesh va bien au-delà de celui dévoilé par les médias.

Le secteur de la construction est soumis aux pratiques de la corruption institutionnalisée qui ronge le pays à grand feu !
Même si un donneur d'ordre intègre les critères de conformité de construction dans son périmètre d'audit, le contrôle documentaire qui en découle s'avère totalement inefficace : les autorisations de construction "faisant foi" s'achètent aussi facilement qu'une paire de baskets contrefaites...
On peut donc considérer que l'usine qui n'est pas en mesure de présenter ces attestations doit être immédiatement bannie du sourcing, le dirigeant n'ayant même pas jugé utile de dépenser quelques takas pour les obtenir.

Voilà des années pourtant que les rapports d'audit signalent des disparités quasi systématiques entre les attestations fournies et la réalité du bâtiment : un immeuble autorisé pour 3 étages d'habitation devient rapidement une usine de 8 étages remplie de machines !
Les photos montrent clairement des états d'insalubrité critiques qui justifient à eux seuls des mesures immédiates, sans même parler des aspects invisibles mais tout aussi critiques (fondations posées sur un sol instable et régulièrement raviné par les moussons).

La hausse du prix d'achat des produits ne suffira pas à financer ce vaste programme : les marques qui accepteraient d'entrer dans cette démarche ne contribueraient qu'à l'échelle d'une goutte d'eau par rapport au volume d'investissement global nécessaire.

Beaucoup d'interrogations essentielles subsistent quant à l'intérêt de l'accord BFBSA :
Quel organisme compétent, indépendant et non corrompu pourra mener ces missions d'expertise ? Qui financera les travaux ou le déménagement des usines ? Qui se charge de travailler sur un programme d'immobilier industriel sur le long terme ? Quand s'attaque-t-on au déploiement du plan d'externalisation des usines afin de traiter également le problème de l'environnement et du traitement des eaux ?...

Il ne peut y avoir deux poids, deux mesures. Quand l'état est corrompu, il n'y a pas d'issue pour la population : le gouvernement doit faire sa part du travail, faute de quoi beaucoup d'argent sera dépensé inutilement.

La voix de l'Union européenne peut peser dans la balance : la menace d'une exclusion du Bangladesh du Système de Préférences Généralisé accordant le précieux sésame "0 droit de douane à l'importation dans l'UE" est un levier politico-économique potentiellement puissant... Pour espérer un résultat positif, l'Europe devra toutefois s'adjoindre le poids des Etats-Unis : pas sûr que le gouvernement Obama ait envie de s'associer à cette "croisade éthique" qui implique fortement les grandes marques et enseignes de distribution américaines...

Pour un point complet sur la situation des coûts de main d'œuvre et des conditions de travail dans le monde, inscrivez-vous à notre web-séminaire gratuit du 11/06/2013 sur le thème :
"Sourcing International : coûts de main d'œuvre et conditions de travail"
Imprimer  A. LE ROLLAND
Source(s) : Divers media (mai 2013)
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