Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème COMMERCE INTERNATIONAL
 Pays UE / CHINE / MONDE  Date janvier 2016

Statut d'Economie de Marché : la Chine prépare-t-elle un hold-up ?

Synthèse : 15 ans après son accession à l'OMC, la Chine est-elle devenue une économie de marché ? Cette question complexe que se pose actuellement la Commission européenne, en appelle légitimement une autre de la part des acteurs économiques communautaires engagés au quotidien dans la bagarre internationale : Quel est l'intérêt de poser cette question ?
La réponse tient en une phrase : Parce que l'avenir de l'industrie européenne, et donc un pan entier de l'équilibre socio-économique de l'UE en dépendent peut-être !

Lors de son entrée au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce en 2001, Pékin avait obtenu le statut d'"économie non marchande" durant une période transitoire de 15 ans.
A ce titre, l'Union européenne (parmi d'autres) a été autorisée à mobiliser des instruments de défense commerciale à l'encontre de la Chine afin de déjouer la concurrence déloyale, notamment par l'instauration de mesures antidumping et anti-subvention à l'importation.

Or l'attribution officielle du statut d'économie de marché (SEM) à la Chine obligerait ses partenaires économiques internationaux à abattre la plupart de leurs barrières sous peine de se voir juridiquement mis en cause par les autorités chinoises.
En toute logique, cette question technique qui repose sur des critères précis devrait donc être tranchée au niveau de l'OMC. Mais la Commission européenne étudie actuellement la possibilité d'accorder unilatéralement à Pékin le statut d'économie de marché !

Bien entendu, la levée de boucliers des industriels communautaires ne s'est pas fait attendre.
Une alliance représentant 30 secteurs manufacturiers européens, dont les principaux concernés par les mesures antidumping actuellement en vigueur (pièces de véhicules automobiles, acier, céramique, verre, aluminium, vélo,...) a donné l'alarme en s'appuyant sur une étude de l'Institut de politique économique (EPI) : la hausse des importations découlant de l'octroi à la Chine du SEM pourrait faire chuter le PIB de l'UE de 2%, détruisant entre 1,7 et 3,5 millions d'emplois...

Autre farouche opposant, et pas des moindres, les Etats-Unis qui ne souhaitent nullement s'ouvrir davantage aux exportations chinoises menacent déjà de bloquer les négociations du TTIP, l'accord de libre-échange transatlantique (cf. Atmosphère Internationale de décembre 2015).

Mais la Chine qui traverse actuellement une mauvaise passe (cf. Atmosphère Internationale de janvier 2016) compte fortement sur son accès au statut d'économie de marché pour rebooster sa propre industrie grâce à un regain de compétitivité... et applique une énorme pression sur l'UE, notamment pars le biais des négociations en cours sur l'Accord d'investissement UE-Chine que Bruxelles appelle de ses vœux !

Si les membres les plus libéraux, comme la Grande-Bretagne, les pays nordiques ou les Pays-Bas, mais aussi peut-être l'Allemagne, semblent favorables à l'octroi à la Chine du SEM, d'autres Etats, dont la France et l'Italie, s'y opposent.

Alors que la décision devait initialement être prise dans les premières semaines de 2016, la Commission européenne a finalement fait savoir qu'un délai de plusieurs mois allait être mis à profit pour étudier la question "sous tous ses angles"...

* Extrait du JO UE L340/1 du 24/12/2015 à disposition nos abonnés sur simple demande.
Avis de l'expert : L'entrée de la Chine à l'OMC avait déjà produit un choc sismique sur les équilibres économiques mondiaux, notamment en Europe avec la suppression des contingents textiles et des surveillances concernant certains produits industriels.
Si la Chine était aujourd'hui reconnue par l'UE comme une économie de marché, toutes les procédures antidumping actuellement en vigueur pourraient être revues fortement à la baisse, et les procédures en cours d'instruction simplement annulées... Les marges de dumping pourraient alors chuter de 40% !

Alors que les plans de relance se succèdent sans véritable effet, l'industrie européenne pourrait effectivement avoir de sérieuses difficultés à absorber ce nouveau choc. D'autant que les entreprises communautaires sont déjà soumises à de fortes contraintes réglementaires (REACH) qui les fragilisent parfois sur leurs propres marchés face à la concurrence des pays tiers (cf. Atmosphère Internationale d'août 2015).

En revanche, le commerce d'importation, ou basé sur l'outsourcing en Chine pourrait connaître un nouvel âge d'or ! Assez pour insuffler une nouvelle dynamique économique et contrebalancer l'impact négatif sur le secteur industriel européen et l'emploi ? Pas si sûr...

Une fois de plus les intérêts divergent dans l'Union, et la bataille qui s'engage au sein des instances européennes est déjà fortement imprégnée des enjeux stratégiques liés aux accords internationaux, tant avec la Chine qu'avec les Etats-Unis.

Car d'un point de vue strictement juridique, la Chine n'est vraisemblablement pas (encore) une économie de marché : d'abord parce que les systèmes économiques et financiers du pays sont encore sous contrôle direct de l'Etat, et ensuite parce que Pékin n'a pas respecté un certain nombre d'engagements pris lors de son accession à l'OMC.

Nous suivrons donc de près l'évolution de ce sujet sensible, susceptible d'impacter fortement les activités des opérateurs du commerce international...

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Source(s) : Les Echos / Divers media (janvier 2016)
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