Atmosphère Internationale
la lettre de veille stratégique du commerce international
 Thème TRANSPORT INTERNATIONAL / LOGISTIQUE
 Pays ETHIOPIE / AFRIQUE  Date novembre 2014

Ethiopie : nouveau hub logistique en Afrique... ou enclave chinoise ?

Synthèse : L'Ethiopie suscite un intérêt grandissant de la part des acteurs du commerce international tournés vers le continent africain. Outre son attrait en tant que pays de sourcing, notamment pour les filières textile/habillement et chaussures, ce pays de la corne africaine sans accès direct à la mer mise actuellement sur le développement accéléré de ses infrastructures logistiques et industrielles. Le gouvernement éthiopien a trouvé dans la Chine un partenaire puissant pour concrétiser ses projets de zones franches et de chaînes logistiques optimisées pour les importateurs... tous les importateurs ?

Parfois surnommée "l'Italie de l'Afrique", l'Ethiopie peut s'enorgueillir d'un certain savoir-faire en matière de confection textile, et surtout de fabrication de chaussures en cuir. Ce grand Etat de l'est africain offre des coûts de production faible grâce à une main-d'œuvre abondante et bon marché. En tant qu'option de sourcing pour les donneurs d'ordre internationaux, le pays n'a toutefois pas tous les atouts en main (cf. Atmosphère Internationale de mai 2013).

Sa principale faiblesse réside dans son manque d'infrastructures logistiques et industrielles à grande échelle, susceptibles de palier le fort inconvénient que représente sa situation géographique enclavée dans les terres (cf. Atmosphère Internationale de juin 2013).

Pourtant, en 2009 a démarré la construction d'une zone industrielle géante (5 km2) aux portes d'Addis-Abeba : le projet de l'Eastern Industry Zone, actuellement en phase finale de construction, est le fruit d'un partenariat rapproché entre la Chine et l'Ethiopie. Officiellement parrainée par le ministère chinois du commerce, la zone franche est intégralement détenue par des compagnies privées chinoises... et réservée à ces dernières. Elle compte aujourd'hui une dizaine d'usines de fabrication sur les 80 prévues à terme.

Fort de cette expérience, le gouvernement éthiopien a décidé d'entreprendre un projet similaire, mais cette fois pour "son propre compte". C'est ainsi que la Bole Lemi Industrial Zone a vu le jour en 2013, proposant un parc industriel non réservé aux seules entreprises chinoises, qui a rapidement attiré une vingtaine de compagnies étrangères (Taiwan, Corée du Sud, Inde, Pakistan...) principalement dans le secteur chaussure/habillement. Le projet a été largement financé par les aides de la Banque Mondiale, avec le soutien de son représentant local... chinois.

Afin de faciliter les flux d'approvisionnement et de distribution des nouvelles usines, les autorités éthiopiennes ont conçu une offre logistique "door to door" pour les conteneurs maritimes à l'arrivée et au départ du port de Djibouti, point le plus proche d'accès à la mer et qui draine la quasi-totalité des flux import/export de l'Ethiopie (une petite partie seulement empruntant la voie aérienne via l'aéroport d'Addis-Abeba).

Le service s'articule autour d'un accord entre l'administration douanière locale (ERCA), et l'Ethiopian Shipping and Logistics Services Enterprise (ESLSE). Cette entreprise d'État, en position de monopole, est chargée de la manutention et du transport sous douane des conteneurs arrivant par fret maritime jusqu'aux portes des entrepôts des importateurs.

Une solution intégrée qui présente, sur le papier, de multiples atouts :
  • décongestion du fret dans les "ports secs" (dry ports) éthiopiens aux infrastructures insuffisantes
  • réduction des engorgements en zone douanière
  • optimisation des délais de livraison aux importateurs
  • stockage en suspension de droits de douane et paiements des droits et taxes en sortie d'usine pour les entreprises agréées

  • A terme, les marchandises transitant par fret aérien et routier devraient également bénéficier de cette facilité logistique et douanière.
    Avis de l'expert : Réputée pour son profil logistique n'offrant pas particulièrement de facilités aux importateurs, notamment français, l'Ethiopie semble opter pour une simplification de sa chaîne logistique en intégrant dans un "tout-en-un" les prestations portuaires, les procédures douanières et le positionnement des conteneurs. Cet appel du pied aux acteurs du commerce international, démontre la volonté du pays de poursuivre son ouverture économique.

    Toutefois il apparaît prudent de nuancer...
    Malgré une cible définie - les gros importateurs - l'offre porte à porte semble taillée sur mesure pour les entreprises chinoises. Le choix de l'emplacement du projet pilote (Eastern Industry Zone) et les excellentes relations entre industriels chinois et officiels éthiopiens en attestent. Grand promoteur du système, la Chine confirme sa volonté d'imposer l'Ethiopie comme fer de lance de sa conquête commerciale des marchés africains... mais pas seulement ! Les industriels chinois implantés en Ethiopie pourront également largement profiter à l'export des accords préférentiels avec les Etats-Unis et l'Union européenne.

    On peut logiquement se demander si les compagnies occidentales attirées par la montée en niveau des infrastructures éthiopiennes, mais ne jouissant pas de la même force de lobbying que leurs homologues chinois, pourront bénéficier aussi facilement de ce service "sur mesure" à court ou moyen terme.

    Autre interrogation, les capacités techniques et logistiques de l'ESLSE, en charge de la gestion opérationnelle du service sont remises en cause par certains observateurs locaux : il est fait état de nombreux dysfonctionnements dans le processus logistique et administratif de traitement des conteneurs en "door to door". La société ESLSE a même dû faire machine arrière pendant un temps, et revenir à son modèle initial (système uni modal)...

    L'intensification des cadences d'importation et l'arrivée de nouveaux industriels en Ethiopie pourraient représenter une montée en charge critique pour la régularité et la sécurité du système de porte à porte. Sans même parler de l'éventuelle généralisation de cette procédure à l'ensemble des zones et secteurs industriels du pays !

    Notons tout de même que les entreprises européennes agréées OEA, et les sociétés américaines certifiées C-TPAT devraient pouvoir faire jouer la reconnaissance mutuelle pour obtenir l'agrément de transport et d'entreposage sous douane auprès de l'ERCA.

    Enfin, compte tenu d'un environnement d'affaires peu transparent, il est évidemment recommandé aux candidats à l'implantation sur le territoire éthiopien d'intégrer dans toute phase d'approche un programme de détection des risques de corruption.
    Imprimer  M. FOURCADE / M. ANTIER
    Source(s) : AddisFortune.net (Ethiopie) (octobre 2014)
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